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Libérer la parole des jeunes sur leur sexualité, un outil de lutte contre le VIH ?

Publié le 29 décembre 2025 par Meureh

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Entre moralisation, clichés, fétichisation, carcans sociétaux et patriarcaux, la sexualité des jeunes intrigue et fait fantasmer. Dans une société où tout le monde semble avoir un avis à donner sur ce sujet, la parole peine encore à se libérer pour les personnes concernées. Parler de sexualité des jeunes, ce n’est pas céder à une panique morale ni à une fascination voyeuriste.

C’est avant tout parler de santé, de droits, de plaisir mais aussi de réduction des risques

Parler de sexualité pour mieux accompagner

Contrairement aux discours alarmistes souvent relayés, la sexualité des jeunes ne se résume ni à une abstinence généralisée, ni à une sexualité incontrôlée. Les recherches sociologiques montrent une réalité bien plus nuancée : diversité des parcours, pluralité des relations, temporalités différentes selon les individus.
Certain·es jeunes vivent des relations stables, d’autres explorent des formes plus libres, parfois intermittentes. Les notions de consentement, de respect et de communication occupent une place croissante dans leurs discours et leurs pratiques.

Pourtant, cette complexité est rarement prise en compte dans les politiques publiques. En continuant à parler des jeunes comme d’un bloc homogène, on passe à côté de leurs réalités concrètes et donc de ce qui pourrait réellement les protéger.

Aujourd’hui encore, les jeunes restent particulièrement exposé·es aux infections sexuellement transmissibles (IST), et notamment au VIH.
Malgré les avancées médicales majeures, les nouvelles contaminations chez les adolescent·es et les jeunes adultes persistent, rappelant une réalité simple : sans information claire, accessible et déculpabilisante, la sexualité se fait lieu de reproduction sociale et la santé publique se retrouve mise à mal.

Une éducation sexuelle encore trop absente

Grand tabou de notre société, l’éducation sexuelle à l’école reste largement insuffisante, voire totalement absente. Ce silence institutionnel n’empêche évidemment pas les adolescent·es de se poser des questions ni de chercher des réponses. Simplement, lorsqu’aucun cadre éducatif clair n’existe (la loi Evras, éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle, de 2023 peine à pointer son nez dans les salles de classe), la porte d’entrée la plus accessible devient Internet.

Très vite, cette recherche mène à la pornographie gratuite en ligne, loin d’une représentation libre, éclairée ou inclusive de la sexualité. Une pornographie majoritairement façonnée par des normes patriarcales, imprégnée de clichés hétérosexuels, de rapports de domination, et de visions souvent erronées voire violentes des relations. À cela s’ajoutent le fétichisme des minorités de genre, le racisme, la misogynie et une vision strictement binaire des sexualités, le tout banalisant des logiques de contrainte et de violence.

C’est ainsi que se construit, pour beaucoup de jeunes, une première compréhension de la sexualité : à travers le prisme du modèle dominant, présenté comme norme et implicitement encouragé à être reproduit. Ce désert éducatif a des conséquences directes : méconnaissance des IST, idées fausses sur les modes de transmission du VIH, sous-estimation des risques, bafouement du sexe ​​« safe » et du consentement, mais aussi difficultés à parler de protection, à négocier le préservatif ou à envisager le dépistage.

Plaisir, consentement et réduction des risques : un trio indissociable

Aborder le plaisir, c’est se frotter direct aux idées reçues, aux tabous sociaux et au patriarcat qui a longtemps dicté comment et pourquoi on « devrait » jouir. Derrière ce slogan,  une invitation à penser le plaisir autrement inclusif, respectueux et centré sur le consentement, qui reste le fondement absolu de toute sexualité épanouie. Dans un monde où la sexualité est trop souvent réduite à une mécanique génitale neutre ou, au contraire, hypersexualisée et consumériste, il est urgent de rappeler que le consentement, la communication et l’écoute mutuelle ne sont pas des options : ce sont les bases mêmes du plaisir partagé.

Aujourd’hui, intégrer une approche de réduction des risques dans les relations, notamment quand elles se croisent avec des consommations, c’est prendre soin les un·es des autres, pas juste cocher des cases : s’assurer que chacun·e peut consentir librement, sans pression ni manipulation. Ce qui fait aussi bouger les lignes, c’est de déconstruire les injonctions sociales : celles qui disent qu’il faut toujours avoir envie, ou qu’on doit à tout prix être actif·ve pour être valide. Fatigue, stress, fluctuations du désir, orientations diverses, pratiques variées tout cela fait partie intégrante de la sexualité humaine, et plus on ouvre la porte à des relations plus saines et plus libres.

Bref, cette révolution-là, elle commence dans nos têtes et nos pratiques : arrêter de séparer plaisir et sécurité, arrêter les jugements, et faire du consentement une vraie culture. Mettre le plaisir au centre, ce n’est pas nier les risques, c’est au contraire créer les conditions pour mieux les réduire. Une sexualité fondée sur le consentement, la communication et la connaissance de son corps permet aussi de parler plus facilement de protection, de dépistage ou de limites.
La réduction des risques en matière de sexualité comme dans les usages de substances repose sur un principe simple : informer sans juger, accompagner sans culpabiliser.

VIH : pourquoi les jeunes restent vulnérables

Aujourd’hui encore, les jeunes figurent parmi les populations les plus exposées au VIH, en particulier les adolescent·es. En 2025, la lutte contre le VIH/sida traverse une période particulièrement fragile. Entre le gel de certains financements américains, le déficit du Fonds mondial et les tensions qui pèsent en France sur le projet de loi de finances 2026, les signaux sont inquiétants. Sur le terrain, les conséquences sont bien réelles : des associations mises sous pression, des dispositifs de prévention affaiblis et un risque tangible de voir l’épidémie repartir, en touchant d’abord les personnes les plus précaires.

Dans ce contexte, les savoirs et les mobilisations des communautés et des associations restent indispensables. Ce sont elles qui portent des réponses adaptées, qui défendent l’importance du dépistage régulier, de l’accès à la prophylaxie pré-exposition (PrEP) et aux soins, et qui continuent à penser une prévention globale et inclusive. Parce que la santé sexuelle et la lutte contre le VIH ne peuvent jamais être dissociées de l’accès aux droits, à l’information et à la solidarité.

La vulnérabilité des jeunes ne vient pas d’un manque de responsabilité individuelle, mais de facteurs structurels : défaut d’information, stigmatisation persistante, peur d’être jugé·e, difficultés d’accès aux soins.

Lorsque le VIH reste associé à la honte ou à des représentations dépassées, il devient plus difficile de se faire dépister, de parler de réduction des risques ou d’adopter des outils pourtant efficaces.

Quand désinformation et banalisation cohabitent

Depuis plusieurs années, le nombre de nouvelles contaminations au VIH ne baisse plus. En France, plus de 6 000 personnes ont été diagnostiquées séropositives en une seule année, soit une quinzaine à une vingtaine de nouveaux cas chaque jour. Chez les 15-24 ans, la situation est particulièrement préoccupante : le nombre de nouvelles infections a augmenté de près d’un quart depuis la fin des années 2000.
À cette réalité s’ajoute un autre signal d’alerte : près d’un·e jeune sur quatre estime aujourd’hui être mal informé·e sur le VIH, un niveau inédit depuis dix ans. Et le problème ne se limite pas à celles et ceux qui se déclarent en manque d’informations. Une grande partie des jeunes qui pensent être « bien informé·es » véhiculent en réalité des idées fausses, notamment sur les modes de transmission. Ainsi, seule une personne sur deux sait qu’une personne séropositive sous traitement efficace ne transmet pas le virus.

Ce recul des connaissances s’explique en partie par la moindre visibilité du VIH dans l’espace médiatique et public. Avec l’arrivée des traitements antirétroviraux, le virus a progressivement disparu des discours collectifs, donnant l’illusion qu’il ne constitue plus un enjeu central. Pour beaucoup de jeunes, le VIH est une maladie du passé, voire une pathologie qui ne les concerne pas directement. Une maladie de vieux, en somme !

Pourtant, cette banalisation est trompeuse. Si le VIH est aujourd’hui considéré comme une maladie chronique, les représentations sociales, elles, ont peu évolué. Le diagnostic de séropositivité reste souvent vécu comme une véritable mort sociale : peur de le dire, crainte du rejet, isolement, difficultés à se projeter dans une vie affective ou familiale. Autant de réalités qui rappellent que le manque d’information et la stigmatisation continuent d’alimenter les risques, bien au-delà de la seule dimension médicale.

Faire de la sexualité un levier de santé

Parler de la sexualité des jeunes n’est pas un luxe mais une nécessité. Un moyen également d’aborder les outils déjà existants (dépistages réguliers, préservatifs gratuits en pharmacie, PrEP, traitement postexposition…) et de remettre la réduction des risques au centre de nos batailles idéologiques. À l’heure où nos victoires sont autant remises en cause, ne pas oublier nos luttes et les faire perdurer est vital.

La lutte contre le VIH ne pourra pas se faire sans écouter les jeunes, sans reconnaître la diversité de leurs expériences et sans sortir d’un discours uniquement centré sur la peur.
En plaçant le plaisir, le consentement et la réduction des risques au cœur des politiques de santé publique, il devient possible de construire une sexualité plus libre, plus éclairée, plus sexy et surtout plus sûre.

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