28 Jours - Un roman de L, Bigorrà - Editions Terrasses
28 Jours - Un roman de L, Bigorrà - Editions Terrasses

28 jours – Journal débordé et débordant

Publié le 25 septembre 2024 par Maxime

/

Cet article parle de : #sante #ist #pratiques-sexuelles #consentement #culture #livres

28 jours, c’est la durée d’un traitement postexposition (TPE)

Un traitement postexposition, c’est une cure d’antirétroviraux qui se prend après un accident d’exposition au sang ou après un rapport à risque (ce terme comprend les rapport consentis mais aussi les agressions sexuelles et viols) afin d’empêcher la multiplication des cellules virales et, in fine, d’éviter la contagion au VIH. VIH, pour « virus de l’immunodéficience humaine », c’est le virus responsable du sida. 

Dans ce livre, qui a été récompensé du prix du Roman gay 2021 par les éditions du Frigo et l’association Verte-Fontaine, c’est justement ce traitement qui rythme les chapitres. On aura donc le loisir de suivre les tribulations du narrateur sur 28 courts chapitres agrémentés d’un épilogue et d’un prologue. Attention aux âmes sensibles et aux homophobes : ce livre est hautement sexuel. De nombreuses descriptions de relations sexuelles et de comportements à risques jalonnent le livre convoquant à la fois l’héritage de Guillaume Dustan, Hervé Guibert ou encore Cyril Collard. Par ailleurs, les références sont nombreuses. On sent que le personnage évolue dans un milieu culturellement riche avec une vie sociale stimulante et un goût prononcé pour la lecture dans une langue ou une autre. 

 

La préface nous éclaire d’ailleurs sur la distance à mettre entre ce livre et ses inspirations : 

Mais cette fois ce  n‘est pas l’auto-bio-patho-graphie de quelqu’un frappé par un mal incurable, qui décrirait la proximité inexorable de la fin. 28 jours donne la parole à des séronégatifs, au moment où l’on trouve un nouveau traitement préventif qui permet de rêver de nouveau, sans craintes, de la backroom à ciel ouvert. 

La baise la baise la baise 

En guise de prologue, on aura une scène fondatrice de l’homosexualité du personnage principal (qui ne sera jamais nommé). Une rencontre avec un homme, un rapprochement sexuel et un souvenir intense et érotique. Puis le jour zéro et enfin le jour 1 qui démarre la prise du traitement. Entre réflexions métaphysiques, voyage, arpentages de souvenirs, baises langoureuses, spontanées, sauvages, ou douces ou encore questions existentielles, le narrateur prend à peine le temps de souffler. Alors que tout du long l’angoisse du virus se traîne. 

On ne vous spoile pas l’issue du livre, afin que le suspense qui anime votre lecture aille de pair avec la possibilité pour le narrateur que cette baise avec Julien l’ait contaminé au VIH

Le Jour 0 raconte cette baise et les mots utilisés traduisent un certain ennui, ils mettent en doute le plaisir assorti à cette sexualité libérée. L’est-elle réellement ? 

Julien n’a jamais été très beau. Je suis allongé sur son lit. Je ne fais aucun effort, mon corps est ramolli. je n’exprime aucune envie de le toucher. Je voudrais partir mais la fatigue et l’anticipation de ma saloperie me retiennent. Je profite de son désir pour moi, palpable

Les pages suivantes sont plus loquaces sur l’origine du désir. L’envie primale de la sexualité. Du rapport sexuel, des sensations, des odeurs, de l’activation des neurotransmetteurs, du frisson, de la jouissance de l’orgasme et sa vague de plaisir et son souffle coupé. Alors même qu’il le trouve « presque laid ». 

Tout au long du livre, on aura à voir une sexualité fournie, qui pourrait sûrement rendre ringards certains fantasmes, mais dans les mots, le personnage ne semble jamais véritablement heureux à crever le plafond. Ceci s’explique peut-être par la crainte que le traitement soit inefficace, en tout cas, c’est une piste de réflexion. On peut également se poser la question de la dépendance au sexe.

Changement radical au jour 1 : on arrive au service des urgences. Dialogues et questions sans sousentendus possibles. Le plaisir, la fièvre de la veille s’est dissipée. Premier jour de traitement : revenez dans 28 jours et n’oubliez pas de prendre votre pilule à heure fixe pendant les repas. La machine est lancée. Loin d’être (seulement) abattu, c’est un marathon de rencontres dans un incessant mouvement qui va alors animer notre narrateur. Et le livre de se finir par « tout ça pour ça »…

Une lecture agréable, rapide, tendue et troublante qu’on vous conseille avec plaisir. 

« 28 jours » de L. Bigorrà est né en 2021 chez Les Terrasses édition. Il mesure 180 pages et est disponible pour la modique somme de 8,50 €. 

 

Si jamais vous souhaitez savoir comment ça marche la PrEP  tu peux regarder cette vidéo de Fifi : 

As-tu aimé cet article ?

Ceci pourrait aussi t'intéresser