En 2012, un fait divers secouait les milieux interlopes berlinois : un tueur au GHB sévissait dans la commu. En 2019, le réalisateur et militant activiste LGBT Rosa Von Praunheim réalisait un film sur le sujet.
Le site de VOD LGBTQIA+ Queerscreen nous a offert un code de connexion valable 6 mois, et slalomant entre courts-métrages expérimentaux et films érotiques ou semi–pornographiques, nous avons déniché ce long métrage allemand au sujet forcément très proche de nos préoccupations.
Un film curieux
C’est un curieux film qu’on a regardé là, avec un curieux traitement de son personnage principal. Fallait-il ressentir de l’empathie pour lui ou bien le prendre en grippe et le détester ? Spoiler : le film ne choisit jamais sur quelle épaule poser son fusil et c’est une histoire sans tension qu’on regarde en essayant de maintenir un intérêt difficile à garder vivace.
Lars Schmieg (GAY ! sic Karine Lemarchand) travaille dans un bar gay. Il y rencontre Roland, un beau blond aux cheveux bouclés et à la carrure chavirante lors d’un gig avec son groupe. Très vite, c’est l’amour ouf. Ils s’installent, prennent un appartement et s’aiment librement à droite et à gauche. Un soir, alors que Roland va se faire un petit extra, Lars sort cruiser. Au détour d’une fellation, un homme lui file quelques gouttes de G. À partir de là, Lars cherche à s’en fournir et se met à tuer des hommes rencontrés au hasard ou lors de rendez–vous à vocation sexuelle.
Au début du film, Lars est en détention provisoire (en mode hardcore, surveillance, contention après tentatives de suicide et lumiere H24) et il divague quelque peu en ayant des hallucinations qui nous éclairent sur son passé. Flashback compris, le film couvre une période de vingt ans, et navigue entre la vie du couple, les meurtres, l’incarcération ainsi que le procès (plaidoiries, audition des témoins et question de la juge).
Une réalisation à la hauteur de ses moyens
On ne va pas y aller par quatre chemins : c’est un film fauché et ça se voit. Peu de figurants dans les nights-clubs, une cellule en forme de chambre d’ehpad, des acteurs moyennement convaincants et un tribunal qui ressemble à une salle polyvalente nous sortent un peu de l’histoire. Ne parlons pas des flashbacks dans lesquels c’est le même acteur qui joue le personnage 20 ans avant l’action du film sans travail de maquillage ou de coiffure ni d’effets spéciaux concernant la tentative de suicide. Il y a par contre des idées intéressantes dans la mise en scène, notamment des hallucinations pendant la captivité de Lars. Il faut aussi saluer la scène de cruising très belle à regarder même si un peu frileuse, elle est malheureusement gâchée par l’ombre du caméraman sur le popotin d’un monsieur.
Rosa Von Praunheim fait un film sur un tueur au ghb-gbl sans jamais essentialiser les gens qui en consommeraient. D’ailleurs, Lars n’en consomme plus à partir du moment où il se met à tuer. Il est difficile de rentrer en empathie avec le personnage principal qui est taiseux et assez secret malgré des attitudes sympathiques et aimables. D’ailleurs lors des auditions des témoins la plupart des personnes qui connaissaient Lars louent un homme chaleureux et gentil. Aucun cependant ne remet en cause son implication dans les faits reprochés (pas comme au procès de la honte qui s’est déroulé ces dernières semaines à Avignon).
La vérité sur le GHB
On vous parle en long en large et en travers du G ces derniers temps. Parce qu’il se retrouve de plus en plus dans les soirées et que les accidents de conso et les surdoses se multiplient sans pouvoir être très précisément chiffrés.
Nos voisins européens comme l’Allemagne ont été confrontés à une crise du G au début des années 2010 avec un produit de niche qui sort des milieux LGBT / chemsex pour se démocratiser chez des fêtards et fêtardes novices. Avec la multiplication des soirées techno et le public grandissant qui s’y rend, les risques se décuplent. Et par les temps qui courent, l’actualité, l’éco anxiété, la libération de la parole ainsi que la crise climatique et les guerres, les raisons d’avoir envie de s’évader chimiquement sont toutes compréhensibles.
On ne va pas épiloguer sur le sujet du G mais on vous invite à lire nos articles sur le sujet. Notamment celui qui décrit les differences entre ghb et gbl, qui permettent de mieux comprendre ou encore celui qui milite pour qu’on cesse d’appeller ce produit “la drogue du viol” qui en stigmatisant un produit et ses aficionnados crée de l’isolement et de la désinformation et des paniques morales délétères pour la santé publique. Vous pouvez aussi découvrir la folle histoire du G à l’époque à laquelle les culturistes en consommaient ‘avant les clubbers !) ou encore la vidéo dans laquelle un éducateur démonte les fakenews et partage ces conseils de réduction des risques.
Si vous voulez tendre l’oreille vous pouvez aussi découvrir notre épisode du podcast Les mains dans les poches qui donne la parole à Fred qui consomme du g.
Notons que les prises de drogues du film sont toutes à risques (sans dosage précis) mais le gars qui fait découvrir ce produit à Lars lui dit dès le début de ne pas mélanger à l’alcool. Ce sera le seul message de santé que le film arrive à faire passer. Une occasion manquée selon nous.
Le fait-divers derrière la fiction
Si l’histoire manque de piquant il ne faut pas oublier qu’elle s’inspire d’un fait-divers du début des années 2010. Dans laquelle Dirk P à effectivement commis un triple homicide (quatre si une de ces victimes n’avait pas été prise en charge rapidement). Incarcéré en allemagne pour la peine maximale il s’est finalement pendu dans sa cellule pourtant surveillée. Netflix lui a consacré une série « Scène de crime à Berlin : les nuits sanglantes » qui mêle reproduction et interview des enquêteurs et témoins. On se la regardera peut-être un jour ou peut-être pas, en tout cas comptez sur nous pour vous en parler.