Les personnages incarnés par Anthony Bajon, Raphael Quenard et Galatea Bellugi au milieu de rien avec leur chien et leur voiture. Image issue du film "Chien de la casse" réalisé par Jean-Baptiste Durand.

Chien de la casse – Une histoire d’amitié contrariée

Publié le 12 juillet 2023 par Lisa

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Cet article parle de : #sante-mentale #culture #fictions #films

Chien de la casse est le premier film de Jean-Baptiste Durand sorti en 2023. C’est une histoire d’amour et d’amitié entre deux amis de longue date, qui se voit perturbée par l’arrivée d’une nouvelle protagoniste.

Le film relate l’amitié entre Miralès et Dog, deux copains depuis quinze ans qui partagent le temps entre la débrouille, les balades avec Malabar (le bon toutou), les pétards sur la place du village avec les potes et les interminables sessions de PlayStation. Un jour Elsa, citadine en études littéraires vient passer quelques semaines dans leur petit bled du Sud-Ouest, Dog et elle entament une relation timide qui vient perturber leur équilibre. 

C’est un beau film qui parlera sans doute à de nombreuses personnes parmi nos abonnés et abonnées (qui pour une grande part habitent hors des grands centres urbains), on y ressent l’ennui prégnant de celles et ceux qui n’arrivent plus à se satisfaire de « la nature-han ». 

Les deux personnages s’opposent autant qu’ils s’attirent. Dans les moments de complicité, comme dans les moments beaucoup plus rudes, où de joutes verbales en taquineries les mots débordent et les situations virent à l’humiliation. Ce qui est intéressant c’est que le film « montre » sans être trop bavard. Les faciès renfrognés ou souriants des acteurs en disent long, et les silences deviennent des parties de dialogues limpides comme de l’eau de roche. 

Une forme d’ennui qu’on compense par des substances

Les personnages consomment et vendent de la drogue, ils en parlent librement. Ce n’est pas un sujet à part entière, c’est tout au plus un élément constitutif de leur caractérisation. D’ailleurs, quasiment tous les personnages font usage de drogue que ce soit du cannabis fumé ou de l’alcool. Il n’y a cependant qu’un seul moment véritablement festif (une sortie en boîte de nuit) qui n’est même pas hyper gol-ri. C’est assez révélateur d’une forme d’ennui qu’on compense par des substances, alors même que le bénéfice récréatif est au mieux « bof bof ». Tromper l’ennui sans vraiment tromper l’ennui.

On ne saura pas si cette grille de lecture était une volonté du réalisateur, mais difficile de ne pas se poser la question des sentiments de Miralès envers Dog. Il lui déclare plusieurs fois son amour (fraternel selon ses mots) et pourrait rejeter Elsa par pure jalousie amicale. Néanmoins, il y a quelque chose de non-dit entre eux, et c’est particulièrement flagrant quand Miralès détaille les « jolies » parties du corps de Dog. Vraiment. Et on est curieux de savoir si ça vous a titillé aussi.

Miralès, même si le personnage est charmant de prime abord, dévoile au fur et à mesure un visage beaucoup plus sombre qu’au début du film. S’il est présenté d’emblée comme un gouailleur gentiment provocateur, quand arrive Elsa, il fait montre d’une violence verbale très cruelle et déplacée à son égard. Il se moque d’elle, la critique puis la menace carrément de violence physique. « Pour la forme », diront certains ? Certes, il ne passe pas à l’acte. il n’en demeure pas moins que les mots ont leur importance, et que sa carrure et sa prestance sont impressionnantes. Et le pire, c’est que « ça passe ». Elsa ne se défend pas, les collègues ne réagissent pas et Dog s’enferme dans le silence. Il prend également sa volée de bois vert (même s’il échappe aux menaces de violences). C’est cette manière de banaliser une forme de domination qui est apparue à nos yeux comme le deuxième grand sujet du film.

Tous les oppresseurs ne sont pas des monstres

Certes, Miralès est « un gentil », mais il est vite rattrapé par les expressions les plus poisseuses du patriarcat. En cela, le film met le doigt sur un point intéressant : tous les oppresseurs ne sont pas des monstres. La violence peut se glisser dans chacun de nos échanges et c’est une vigilance de chaque instant d’apprendre à la faire taire. Et réagir demande une sacrée dose de courage et d’entraînement. 

En parlant de Miralès, le film s’attarde bien plus sur sa situation familiale que sur celle de Dog. Celle-ci ne fait d’ailleurs pas rêver. Bien que ne semblant manquer de rien sur le plan physique, celui-ci partage un quotidien taiseux et morose avec une maman visiblement bien dépressive. On y voit une manière d’aborder la question du manque de services de santé (notamment mentale) en dehors des grands centres urbains (bien que ces mêmes services soient débordés et peu accessibles dans les grandes villes).

S’il y a bien quelque chose qui réunit les protagonistes du récit, c’est la difficulté qu’ils ont à exprimer leurs émotions, à les comprendre et les partager. Entassés qu’ils sont les uns sur les autres, le dialogue ne semble jamais une possibilité envisageable, et c’est enfoncer une porte ouverte que de dire qu’ils en souffrent.

Si l’image est assez peu remarquable, l’interprétation est brillante. Le film a un aspect naturaliste qui est plaisant à suivre et qui colle à son sujet de la meilleure manière possible.

Les personnages, malgré la consommation de « drogues douces »,  se mettent en danger, ou en tout cas dans des situations pas évidentes, notamment avec d’autres trafiquants de drogues. Ce qui conduit d’ailleurs au drame final. Malgré tout, le film n’a pas pour sujet principal le trafic de drogue et fait de ces évènements un élément narratif comme un autre. 

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