
Un livre court, percutant et qui fait mal.
L’alcool et la solitude au quotidien.
Ces quelque 160 pages retracent une semaine. Une semaine trouble et douloureuse. La narratrice (qui n’a pas de nom) est la maman de Tristan (17 ans) et passe le plus clair de son temps cloîtrée à la maison à observer sa voisine Célia (laquelle pourrait sans mal raconter ce qui lui arrive au micro de Transfert) ou à regarder la télévision. Elle boit, a priori beaucoup. Beaucoup trop. Son mari n’est pas là, il est en déplacement. La voisine était autrefois une amie mais elle est distante désormais. Son fils découche, n’est pas trop là, communique peu. Les messages s’accumulent sur sa boîte vocale, elle refuse de répondre au téléphone. Elle aimerait qu’on lui rende sa voiture.
Difficile de faire le résumé de ce livre puisqu’il se compose essentiellement de non-événements et de divagations intérieurs et de souvenirs brouillés. Il y a à boire et à manger dans cette descente aux enfers pavillonnaires. Difficile de ne pas compatir au douloureux présent qui écrase cette maman murée dans sa solitude et dans l’incompréhension mutuelle que le monde extérieur provoque à son contact.
Cet exercice de fiction met en lumière l’alcoolisme au féminin, qui est effectivement une préoccupation de santé publique. Encore une fois, il s’agit d’un personnage de fiction féminin qui devient défaillant dans son rôle de mère et d’épouse, on pourrait s’attarder sur le fait que c’est l’œuvre d’un homme même si ça ne retire en rien la lucidité du propos.
Reste que les mécanismes mis en lumière par le roman sont connus et pertinents. Le style de l’auteur, qui consiste à laisser dans le corps de texte les répliques des différents personnages, s’accorde à merveille avec le sujet. L’alcool et le fait de perdre la boule, de ne pas savoir ranger ses souvenirs, de ne plus être sûr de qui nous a dit quoi, etc. Ce style déroutant nous met directement dans la peau de cette dame et le tourbillon de ces événements emporte. Encore faut-il ne pas être allergique à l’auteur, encore une fois.
Comme dans le livre de Camilla Galapia « Fille d’alcoolo », c’est la solitude, l’ennui, la perte d’autonomie et d’indépendance financière qui semblent avoir mis le feu aux poudres de ces consommations irraisonnées. Le livre finit globalement mal, le jeune Tristan portera certainement toute sa vie le poids de cette relation mère-fils. Un livre qui ferait certainement un film très triste, mais qu’il convient de lire comme un divertissement et pas comme un outil de médiation en santé mentale.
Pour avoir un regard moins fictionnel et surtout moins écrit par un homme, vous pouvez consulter cette interview de Marie-Christine Gambard, réalisatrice du documentaire « Alcool au féminin » sur France Culture. Car la parole des personnes concernées doit toujours prévaloir. Si vous êtes plutôt podcast une version audio est disponible sur le site de France Inter.
Si vous souhaitez en savoir un peu plus sur l’auteur et le projet du livre vous pouvez consulter cette courte interview enregistrée à Manosque lors du salon « Les correspondances » organisées par les librairies Mollat.