Un film coup de poing qui, sous ses airs d’ode à la débauche, parle en fait de consentement tel qu’on en parle rarement. Une expérience qui ne peut pas laisser indifférent et qui pourra remuer les personnes ayant été victimes de violences sexuelles.
Tara (Mia McKenna-Bruce), Em (Enva Lewis) et Skye (Lara Peake) sont trois copines anglaises qui viennent fêter leur fin de lycée et le début des vacances en Grèce. Un Spring Break à l’européenne qui n’a rien à envier aux reportages les plus sordides et spectaculaires de débauche des grandes chaînes du PAF. Le film suit donc les 3 copines dans leurs soirées, leurs commissions, leur chill, leur préparation et leurs fêtes. Dans un resort sans envergure, rempli d’une jeunesse bien décidée à se la mettre, Tara en particulier cherche à perdre sa virginité : c’est la dernière de ses copines à ne « pas l’avoir fait ». C’est dans un décor paradisiaque soumis aux plus grosses orgies d’alcool que l‘esprit humain peut visualiser que l’affaire va se faire.
Les premières minutes du film peuvent irriter : on y voit de prime abord 3 « bimbos », a priori pas très attachantes, dresser le menu du week-end de débauche qu’elles imaginent en gloussant dans le rayon alcool d’un supermarché. Mais en fait, le film prend rapidement une autre tournure, presque documentaire. C’est en centrant la caméra sur Tara, à l’économie de mots tant le visage de l’actrice est parlant, que le film gagne en intérêt. Son cheminement, ses envies, ses craintes, ses tentatives de séduction, tout ça fonctionne grâce à l’actrice. Il s’agit du premier film de la réalisatrice qui a voulu faire une réponse à des films tels que Springbreakers dont nous vous parlions ici il y a quelques mois.
La réalisatrice (Molly Manning Walker) expliquait d’ailleurs au micro de Konbini qu’elle voulait parler de consentement en s’adressant à la fois aux femmes et aux hommes, puisque c’est un sujet qui concerne tout le monde.
La preuve par l’exemple
Qui dit film sur le consentement suppose sexe. Scène de sexe, plus particulièrement. La réalisatrice avait à cœur de ne pas érotiser la violence sexuelle. D’autant que, dans une immense majorité de cas, le viol ou l’agression sexuelle se fait dans des contextes privés, rassurants, et qu’il est commis par des proches ou des connaisances. Des gens à qui on apporte une part de confiance et qui, dans certains cas, affirment ne pas avoir compris ce qu’ils étaient en train de faire et nient le caractère extrêmement violent de leur comportement.
Le film le montre bien (attention spoilers) lors de la première fois de Tara. Elle a un rapport sexuel avec un type qui se soucie bien peu du consentement de sa partenaire. Qui ne lui porte aucun intérêt. Mais Tara ne se débat pas assez, ne crie pas, n’exprime pas assez clairement son refus. Malheureusement, cette forme de sidération, pourtant bien connue et documentée dans le cadre des violences sexuelles, continue d’être utilisée pour discréditer la parole des victimes. Est-ce que cela fait d’elle une mauvaise victime, est-ce que cela fait que Paddy (Samuel Bottomley) est moins un violeur ? Ce qui est sûr, c’est qu’à aucun moment il ne cherche à s’enquérir de son consentement et qu’elle ne lui montre rien qui puisse lui faire penser qu’elle est d’accord avec ce qui est en train de se passer. On nous apprend dans la pop culture qu’une femme respectable se doit de refuser des avances en première intention et, donc, qu’une femme qui dit non c’est une femme qui a envie qu’on insiste un peu plus.
Paddy a intégré le discours sexiste dominant, largement relayé par les médias, la TV, le cinéma, etc., dans lequel on ne spécifie pas que le consentement se donne et se reprend et qu’il doit être libre, enthousiaste, éclairé et spécifique. Et c’est Tara qui le paye.
Un film beau, dur, didactique et franchement très cinématographique à mettre sous tous les yeux (et à suivre d’une discussion inspirée qui développe les thématiques abordées par le film).
Bande annonce : https://www.youtube.com/watch?v=94uFIqbmGyg