Je verrai toujours vos visages est un film français écrit et réalisé par Jeanne Herry sorti en 2023, qui aborde la question de justice restaurative.
Le film, dont l’action se déroule sur plus de dix-huit mois, parle de justice restaurative. Un dispositif au sein duquel on permet un dialogue volontaire et sécurisé entre auteurs d’agressions et personnes victimes d’agressions. On y suit en premier lieu Judith, Fanny et Michel, trois personnes qui animent et sont formées à la justice restaurative à travers deux parcours. Celui de Chloé, qui apprend que son frère agresseur sorti de prison s’est installé dans la même ville et qui veut être sûre de ne pas le croiser par hasard. Et qui sollicite Judith pour organiser une rencontre en face-à-face. Et celui en groupe de trois personnes victimes de braquages qui vont voir pendant cinq semaines des auteurs de braquages incarcérés à raison de trois heures hebdomadaires.
C’est un beau film, très didactique sans être documentaire. Très clair sans être débilitant. Très émotif sans être pathos. D’ailleurs : appréciable absence de violons lancinants et de lourdes notes de piano. On pouvait avoir peur de prendre une « leçon de morale » des gens du quotidien incarnés par certains acteurs hyper bankables du cinéma français mais en fait : non. Bien joué à la réalisatrice.
Rencontres en non mixité agressés/agresseurs
Quel rapport avec nous cependant ? On y voit une double entrée en matière de promotion du consentement et de l’importance que peuvent prendre les traumas consécutifs aux événements choquants de la vie. Et l’impact (dont le film ne parle pas) des traumas sur les consommations.
Il s’agit au final de rencontres en non mixité agressés/agresseurs qui feraient grincer les plus tranchés des avis non renseignés. C’est difficile à accepter à notre époque où les médias et Internet nous « forcent » à avoir un avis sur tout, tranché de préférence. Avec des débats polarisés à l’extrême, un cruel manque de nuance et l’impératif douloureux de ne pas pouvoir, « ne pas savoir ». À ce titre, le film, et la justice qu’il présente, est anti-époque (pour reprendre les termes de la réalisatrice), dans le sens où il permet un espace de discussion en face-à-face. Qui prend le temps de préparer ses interlocuteurs et ne promeut jamais la culture du clash.
On peut être agacé de la facilité avec laquelle les situations se déroulent, par la fluidité des accrochages et des coups de sang qui servent à faire avancer les personnages ou encore par la bonne entente générale qui découle de l’ensemble des personnages malgré les difficultés traversées. Mais ma foi, ce film présente la justice restaurative dans ce qu’elle a de plus beau et c’est la première fois qu’on en parle au cinéma. Pour les reportages sordides et faits divers romancés prenons notre temps, le cinéma est aussi fait pour rêver.
Bref, le genre de film qu’on devrait montrer à tout le monde, notamment à l’école car il constitue une belle leçon d’éducation civique en questionnant les notions de pardon, de culpabilité, de trauma, de l’importance du dialogue et du manque d’éducation au consentement.