Les imbuvables, un roman graphique de Julia Wertz aux éditions de l'Agrume
Les imbuvables, un roman graphique de Julia Wertz aux éditions de l'Agrume

Les imbuvables – Une (jolie) histoire d’alcool

Publié le 10 janvier 2025 par Maxime

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Cet article parle de : #culture #histoires-vraies #livres

C’est l’histoire d’une jeune femme qui, le jour de son trentième anniversaire crashe sa voiture dans la jungle de Porto Rico.


Pour bien nous raconter l’histoire qui est la sienne, Julia Wertz doit revenir quelques années en arrière, en 2009. C’est à l’occasion d’un rendez-vous médical que l’histoire commence pour de bon. 

Le sous-titre du livre étant « ou comment j’ai arrêté de boire », on sait que c’est une réussite qui attend l’héroïne. Le livre est donc débarrassé de la composante suspense pour épouser la forme d’une quête dont les étapes successives (les hauts et les bas) constituent le cœur du récit. Avec 320 pages au compteur et plus de six ans de vie, on suit véritablement le cheminement de cette petite personne dans sa lutte avec l’alcool

Le trait simplifié à l’extrême de l’autrice et sa segmentation en épisodes de vie rendent l’ensemble facile et rapide à lire. Les phylactères (le nom savant pour les bulles de BD) sont quant à eux bien remplis, il y a souvent beaucoup de texte, à la première personne.

HORS DE PRIX

Pour faire simple, quatre ans avant de planter la voiture dans le ravin-de-la-jungle, Julia nous emmène avec elle en consultation médicale. On est aux USA, il faut garder en tête que les frais sont soit payés comptant par les patients ou remboursés partiellement par des assurances hors de prix (coucou Luigi Mangione). Au cours de ce rendez-vous, le médecin lui explique qu’elle boit trop et que si elle ne veut pas être morte à trente ans, elle devrait s’arrêter fissa. Elle lui dit « vous exagérez », il répond « non », elle répond « d’accord » et, abattue, elle s’arrête au magasin d’alcool en sortant.
La narration raconte alors les choses qui passent par la tête de Julia, mais en apportant aussi le point de vue distancié du moment présent (en gros, son retour a posteriori sur ce qu’elle vivait à l’époque). On la voit beaucoup broyer du noir en relatant son quotidien pas idéal (mais pas catastrohpique non plus). Un logement insalubre, un propriétaire abusif, une certaine précarité, beaucoup d’angoisses, de la solitude, des déceptions et voilà. Voilà comment cette pimpante personne se retrouve à boire tous les jours. Elle ne peut même plus réussir à dormir sans être totalement défoncée. À part ça, elle ne touche à rien et en vérité, « elle gère » puisqu’elle ne commence jamais à boire seule avant 17h…

Julia Wertz brosse en quelques dizaines de pages son autoportrait qui pourrait être le portrait de plein d’autres gens. De gens ordinaires qui vivent des vies ordinaires et qui galèrent.

PRISE DE CONSCIENCE

Après une certaine prise de conscience, elle entame différentes démarches. Certaines payantes (séances de psy), d’autres gratuites (groupe de parole des Alcooliques anonymes), avec un succès allant de modéré à nul. Puis au cours de son parcours, elle finit par rencontrer des personnes qui arrivent à parler la même langue qu’elle et à l’aider. L’aider via des discussions, des partages d’expériences, des histoires personnelles, des questionnements et autoquestionnements. La parole pour soigner la tête, une évidence pour certain·es, une hérésie pour d’autres. Vous connaissez notre avis làdessus. La santé mentale n’est pas qu’un mot à la mode.

Bref, comme toute celibataire approchant les trente ans, Julia est soumise à l’insistance de ses amis et de sa famille sur l’urgence de trouver un mec. Comme si une relation de couple quand on est au plus bas était la panacée contre tous les problèmes. Loin s’en faut. Donc, malgré ses réticences, elle finit par essayer de s’y mettre. Des relations pas totalement épanouissantes mais pas totalement nulles non plus (un peu comme la vie). Un usage chronique de Tinder s’immisce dans ses pratiques jusqu’à ce qu’elle en ait marre. Mais un jour, elle trouve le bon. Celui avec qui elle va en voyage à Porto Rico (le début du livre) où elle crashe la voiture ! Difficile d’en dire plus sans vraiment trop spoiler. Mais sachez que le livre dépasse allègrement l’arrêt de l’alcool. Et c’est aussi là que l’ensemble trouve sa pertinence.

OBJECTIF FINAL

En étalant le récit bien au-delà du simple arrêt, l’autrice rend compte d’un état de fait trop souvent ignoré par les gens : l’arrêt n’est pas l’objectif final. 

On arrête pas seulement pour arrêter. On arrête pour retrouver un confort de vie, pour retrouver une meilleure santé, pour ne pas finir à la rue (ou en sortir), pour ne pas perdre son travail (ou pour en trouver). On arrête parfois pour sauver sa famille, son couple ou simplement sa vie.
L’arrêt étant la première marche de l’escalier de la sobriété (on n’est pas sûr pour cette comparaison mais vous nous dites si on déraille). Et pour le coup : cette première marche est trèèèèèèèès haute (c’est abusé). 

Malgré un titre un peu donneur de leçon (qui pourrait rebuter des gens auxquels sa lecture ferait du bien), le livre est sincère et touchant. Authentique et explicatif. Et surtout, situé. Le point de vue adopté par le personnage est celui de son autrice qui ne prétend pas avoir la science infuse ni parler pour tout le monde. À lire et à offrir.

 

Les imbuvables est un roman graphique de 320 pages écrit et illustré par Julia Wertz, publié en France en 2024 par les éditions L’Agrume. Vous pouvez le feuilleter sur le site de l’éditeur.

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