Couverture du livre "Moi, Christiane F, droguée, prostituée..." aux éditions Folio + complétion par IA générative Adobe
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Moi Christiane F- Un classique qui questionne

Publié le 5 janvier 2023 par Lisa

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Cet article parle de : #injection #addiction #sante-mentale #culture #histoires-vraies #livres

Moi, Christiane F., 13 ans, droguée, prostituée… est une biographie de Christiane Felscherinow, écrite par les journalistes Kai Hermann et Horst Rieck. Les deux journalistes rencontrent la jeune femme en 1978, alors qu’ils écrivent un article sur des jeunes SDF en Allemagne, récent phénomène de société à l’époque. Dans le cadre de ce projet, ils comptaient interroger la jeune fille pendant environ deux heures, mais, fascinés par l’histoire de cette adolescente de 15 ans, ils ont continué à l’écouter pendant deux mois à un rythme de 4 à 5 jours par semaine, et l’article s’est finalement transformé en livre.

Le livre raconte l’histoire de Christiane, une jeune adolescente qui arrive à Berlin dans les années 1970 et sombre petit à petit dans l’addiction. Elle relate la violence du changement d’environnement : d’un petit village à la campagne à la cité Gropius berlinoise. Son récit commence à son arrivée, elle découvre une immense cité morose, bétonnée, où l’ennui et la misère sociale règnent en maîtres. L’ambiance à la maison se dégrade, la violence de son père est omniprésente. Petit à petit, les espaces de fuite rétrécissent et le besoin d’échapper à la réalité devient essentiel. À la fois pour s’évader et pour s’intégrer, Christiane se réfugie dans les produits et glisse lentement vers l’addiction à l’héroïne, qui la poussera à se prostituer pour payer ses doses. 

Le récit est très touchant, on s’attache rapidement à la jeune fille qui nous partage ses questionnements : comment trouver sa place dans un univers violent et inhospitalier ? Quel sens donner à un quotidien triste qui offre peu de perspectives ? Le livre se lit très bien et on est vite happé par les mésaventures du personnage.

L’addiction n’est pas uniquement question de volonté

C’est aussi très dur, on assiste impuissants à la déchéance de la jeune fille, qui pourtant essaye vraiment de s’en sortir. Un bon rappel pour ceux qui ne l’auraient toujours pas compris, l’addiction ce n’est pas uniquement une question de volonté ! L’environnement est ici primordial : des professeurs dépassés et démobilisés, des parents absents ou violents, pas de structures de soin ou de repérage précoce, la nécessité de se créer un sentiment d’appartenance et de communauté malgré tout, etc. C’est d’ailleurs seulement lorsque la jeune fille change d’environnement qu’elle parvient à décrocher et à se reconstruire. Il est d’ailleurs frappant de constater à quel point il est difficile, voire impossible, pour elle de trouver du soutien de la part de professionnels. Le nombre de places en structures est dérisoire et l’attente pour une prise en charge est interminable. 

Alors, est-ce qu’on y retrouve une démarche de réduction des risques ? Non, pas du tout. Les protagonistes partagent leurs aiguilles et les réutilisent systématiquement, faute d’avoir accès à du matériel stérile. Les prises de risques sont permanentes et les décès émaillent le récit. Personne ne semble pouvoir offrir de soutien ou de suivi adapté aux adolescents en détresse. 

Ce livre, devenu un classique, a souvent été présenté comme un matériel éducatif « anti-drogue » auquel on prête un pouvoir dissuasif. Cela nous semble sérieusement questionnable : on doute que chercher à faire peur soit une stratégie réellement aidante (cela peut même s’avérer contreproductif) ! En outre, se focaliser sur la substance, en oubliant le fond du problème soulevé par le récit (l’isolement social, la violence intrafamiliale, le manque de perspectives scolaires et professionnelles, etc.) nous fait passer à côté de toute la complexité des enjeux d’addiction.

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