DÉTAILS DU FICHIER JOINT Livre-Morphine-Mikhail-Boulgakov-Folio
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« Morphine » anatomie d’une chute.

Publié le 4 octobre 2023 par Maxime

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Cet article parle de : #injection #culture #fictions #livres

Un livre russe qui détaille la dégringolade addictive d’un jeune médecin dans la pampa Russe, une occasion de rappeler que les premiers morphinomanes étaient souvent des médecins.

Il s’agit du journal d’un jeune médecin, le docteur Poliakov, affecté juste après la Révolution russe à un poste dans une clinique rurale. Il y sera le seul médecin, assisté d’Anna, une infirmière dévouée. Il souffre de l’absence de sa femme, qui l’a quitté brutalement quelques temps auparavant. À ceci s’ajoute l’isolement et la solitude, nouveaux pour cet homme habitué à la grande ville où il a suivi ses études. Poliakov tombe alors dans l’addiction à la morphine sous le regard impuissant d’Anna. Bientôt, le narrateur éprouvera les affres du manque et sombrera dans la détresse et la folie, dont seul le suicide le sortira.

Le journal du médecin retrace la chronique de sa dépendance à la morphine, de sa première injection à la dernière un an plus tard. Il vit d’abord l’euphorie et la lune de miel : « Je ne peux m’empêcher de faire mes compliments à celui qui, le premier, a extrait de la morphine d’une tête de pavot. Un authentique bienfaiteur de l’humanité ». Puis le désespoir : « De nouveau pleuré. Que veut dire cette faiblesse et cette abjection, la nuit ? » Le docteur Poliakov décrit minutieusement sa déchéance, la fréquence des injections et leurs effets. Il exprime sa détresse et raconte sa dépendance de plus en plus forte à la drogue.

La narration est si réaliste qu’on ne peut s’empêcher de penser que l’auteur n’est pas étranger aux tourments qu’il décrit. Effectivement, ce récit relate très précisément son épisode de morphinomanie en 1917 quand Boulgakov, de retour du front, fut muté comme médecin de campagne près de Smolensk. 

La nouvelle se lit très vite et très facilement, l’écriture est incisive, presque chirurgicale. On voit clairement le personnage s’enfoncer dans le déni puis en sortir progressivement, on voit également l’alternance entre les phases de manque et de soulagement. C’est dramatique (le suicide de Poliakov est annoncé dès le départ) et on assiste, aussi impuissants qu’Anna, à la chute inéluctable du narrateur.

Est-ce l’occasion de tirer des enseignements niveau réduction des risques ? Non, pas vraiment. On imagine qu’avec un accompagnement adapté la fin tragique du personnage aurait pu être évitée. Malheureusement, il ne trouve de réelle aide nulle part, les services de psychiatrie ne répondant pas du tout à ses besoins, il se retrouve complètement désemparé. La honte et le stigmate qui pèsent sur les personnes injectrices le pousse à prendre des risques et à s’isoler.

 

Morphine  est une nouvelle russe de Mikhaïl Boulgakov publiée en décembre 1927.

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