Priscilla film (2024) réalisé par Sofia Coppola
Image extraite du film Priscilla (2024) réalisé par Sofia Coppola

Priscilla – Désillusion d’une jeune fille et prédations en rose bonbon

Publié le 14 février 2024 par Lisa

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Cet article parle de : #culture-du-viol #culture #films #histoires-vraies

Produit et adapté du livre inspiré de la vie de Priscilla Presley, le film offre, sous un vernis rose poudré, une parfaite illustration des mécanismes de domination et d’emprise permis par la gent masculine sur le corps des jeunes filles.

Priscilla Beaulieu (14 ans), incarnée par Cailee Spaeny, révise ses cours dans le dinner d’une base de l’armée américaine en Allemagne, quand un militaire vient lui proposer au détour d’une conversation rapide de participer à une fête organisée par et pour le King Elvis Presley (24 ans) incarné par Jacob Elordy (de la série Euphoria). Dans la soirée, celui-ci la repère illico-presto et la flatte. Grisée, elle attend avec impatience la prochaine soirée où ils s’embrassent. Ensuite le King part en tournée, Priscilla peine à l’oublier puis, presque deux ans plus tard, il remet une pièce dans la machine grâce à un coup de téléphone qui remet le feu aux poudres. 

Rapidement elle part à Graceland, le domaine de la famille Presley et finit par s’inscrire au lycée là-bas. Alors qu’Elvis est pris par son activité de superstar, la jeune fille doit finir son lycée avec un désintérêt manifeste et dans la solitude la plus totale : elle est l’objet de curiosité de son école et ne lie aucune amitié. Ses journées à Graceland s’enchaînent sans plaisir et sans émotions. Manifestant son désir de relations sexuelles, elle est systématiquement éconduite par son amant qui préfère attendre (le mariage, sa majorité). Un jour ils se marient, un autre elle accouche puis enfin, au bout d’une décennie  de relation, elle claque la porte. Entretemps, on assiste à des scènes tristement banales de violence psychologique ou verbale, à une sélection de perruques (a)variées qui rappellent que la mode n’a pas toujours eu bon goût, et au partage de diverses drogues qui réveillent ou endorment.

Une relation quasi pédocriminelle 

Avant que le film commence, nous avions peur : allait-on assister à un spectacle qui romantiserait une relation quasi pédocriminelle ? Les années 1950, l’après-guerre et les USA ayant des spécificités culturelles qui dénotent avec notre temps. Certes, mais comment ne pas détourner le regard quand Elvis propose à une enfant de 14 ans d’aller l’attendre dans sa chambre pour discuter en promettant qu’il ne lui ferait rien de mal ? Que tout le monde se complaît dans la normalisation de cette « idylle » fabriquée de toutes pièces par les rapports de domination et d’intérêts qui s’entrecroisent entre les deux parties prenantes. 

Évidemment que la petite Priscilla veut d’Elvis. Évidemment qu’elle souhaite aller plus loin. Évidemment qu’elle s’oppose à ses parents pour se rapprocher de son love interest. C’est le rôle des adultes d’encadrer les rapports avec les enfants, on ne peut pas demander aux adolescents de faire des choix éclairés d’adultes sans avoir conscience que c’est toujours l’adulte qui se sert de l’enfant (même si de vieux réacs clament encore le contraire). Et ce n’est pas parce qu’Elvis n’a pas de relations sexuelles avec elle que ce n’est pas une relation abusive !  Vers la fin du métrage, on découvre avec une surprise toute relative, qu’il la trompe effectivement. Alors qu’il lui ment, l’empêche de travailler, refuse qu’elle ai une vie sociale. Cette solitude et ses impératifs de vie dictés par un mec puissant qui ne joue pas selon les mêmes règles qu’il impose à sa future épouse. 

Il a construit, forgé la petite épouse parfaite qui l’attend à la maison pour rassurer sa morale religieuse. Peut-être bien. Même s’il initie allégrement sa douce aux différentes drogues qui vaudront sa perte (à lui).

Un propos pas forcément compris par la critique

Quelque chose qui frappe quand on s’intéresse à la réception critique du film, c’est que l’aspect plastique est presque plus commenté que le fond du film. Lequel semble par ailleurs avoir été fort mal compris. Il ne s’agit pas d’un film sur le rock’n’roll, ni sur l’american dream, pas plus que sur une romance étincelante et légendaire. C’est un film sur l’émancipation, sur le courage qu’il faut mobiliser pour ne pas être détruit par une emprise toxique et sur la force qu’il faut pour ne pas s’oublier. Priscilla est une Queen, rien de moins.

Si on n’a pas d’avis particulier sur les aspects plastiques de la réalisation et que notre avis s’articule surtout sur le fond du film, on peut dire que c’est un film typique de Sofia Coppola. Peut-être même un peu moins clinquant qu’à l’accoutumée. On se rapproche du (mauvais) rêve ethéré qu’était Virgin Suicide, porté cette fois par une bande originale signée Phoenix. À la différence qu’ici, l’issue est plutôt heureuse et qu’on a des pistes d’explication concernant le comportement des divers protagonistes.

Il faut souligner l’excellent et troublant travail de l’âge de l’actrice principale. En effet, celle-ci avait dans les 24 ans pendant le tournage et si au début elle fait vraiment enfant, à la fin, elle fait clairement adulte. L’évolution de son style et de la manière de la filmer s’adapte avec justesse avec l’âge que le personnage est censé avoir dans l’histoire. 

 

La bandeannonce : https://www.youtube.com/watch?v=Sb9EeD2CQtg

L’interview de la réalisatrice par Konbini : https://www.youtube.com/watch?v=g7kBb_9gLlg 

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