Shit ! est un roman de Jacky Schwartzmann sorti en 2023 aux éditions du Seuil.
Mr Morel (Thibault), un trentenaire bisontin qui devient le CPE du collège Voltaire dans le quartier Planoise de Besançon. Après une rupture déchirante et pétri de bonnes intentions, il commence par s’installer près de son nouveau lieu de travail. Puis il fait la rencontre du commerce de proximité établi dans l’appartement en face du sien. Un four, avec tout ce que ça implique en termes de voisinage. Un coup du sort s’abat alors sur les tenanciers laissant à Thibault l’occasion de commencer une double vie professionnelle. C’est alors qu’avec une voisine complice ils montent un business de deal social et solidaire qui profite bientôt aux familles les plus précaires de la cité. Mais les anciens employés, les tenanciers du four d’à-côté et la police cherchent à lui mettre la main dessus.
Ça se lit très très vite, c’est écrit simplement, ça percute, ça ferait d’ailleurs un excellent film. C’est un moment de lecture trépidant et l’intrigue tient en haleine. Malgré quelques facilités çà et là qui semblent un peu grosses pour être véridiques (n’oublions pas qu’il s’agit d’un roman et non d’un docu fiction). Par contre c’est bien acide, et ça arrose de vitriol à droite et à gauche en dressant des portraits tantôt drôles tantôt cruels des différentes personnes qui apparaissent dans le récit : élèves, professeurs, policiers, chefs d’entreprise, repris de justice ou avocats.
Se lancer dans le biz n’est pas sans risques
Les références sont très contemporaines mais la langue ne feint pas un style « parlé » qui est vite pénible à lire, tant mieux. On se marre, on apprend des choses, on tremble (pour peu qu’on soit un peu empathique) et on se plaît finalement à assister à la naissance d’une criminalité altruiste comme il n’en existe que dans les œuvres de fiction.
Alors, est-ce qu’on y trouve quelques éléments de réduction des risques ? Non, évidemment. On ne le dira pas mais se lancer dans le biz n’est pas sans risques. D’ailleurs, si les personnages s’en rendent compte assez vite et qu’ils se sortent de situations inextricables, c’est en sacrifiant leur humanité et leur drôlerie pour des comportements bien plus ambivalents et amoraux. Ainsi, on prend de la distance avec les personnages, surtout Thibault, qui passe d’un boug maladroit et un peu pitoyable à un presque caïd de la bonne couleur et sauveur du quartier.
Ceci dit, le livre prend le temps de mettre en lumière les mécanismes d’enfermement et de comment l’économie souterraine et le banditisme profitent de la misère et de l’isolement pour se développer. Dans sa derrière partie, Thibault raisonne froidement et pense « pion à abattre » pour sauver son business. Les lois du marché, tout ça, tout ça… De là à penser que la solution, c’est la légalisation (« des tonnes de graines pour des hectares de plantations… »), il n’y a qu’un pas.