Couverture du livre « u monde plus sale que moi » de Capucine Delattre aux éditions La ville brule + complétion IA générative.
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Un monde plus sale que moi – Un livre à mettre entre toutes les mains

Publié le 28 février 2024 par Lisa

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Cet article parle de : #consentement #culture-du-viol #culture #livres

Un brûlot puissant, écrit à la première personne qui aborde le premier amour avec une grille de lecture centrée sur les mécanismes d’emprise et les violences sexuelles.

La narratrice et l’autrice ne partagent pas le même patronyme, il faut du temps pour se sortir de la tête que ce récit n’est pas une autofiction, tant il est criant de vérité. Capucine Delattre a seulement 23 ans et son second roman porte la parole de toute une génération de jeunes filles, prévenues des horreurs auxquelles leur genre les expose dans l’intimité des chambres à coucher grâce à #Metoo, mais qui n’ont pas réussi à les éviter. Comment, alors qu’elles lisent Mona Chollet et portent haut les valeurs anti patriarcales des sororités qu’elles rejoignent, ont-elles pu, elles aussi, tomber dans le panneau sans rien voir arriver ?

C’est la question que se pose Elsa entre ses 17 ans et la vingtaine. Proche de sa mère, discrète, fourrée dans ses livres et intriguée par la chose sexuelle, Elsa rencontre Victor dans une soirée. L’attirance n’est pas immédiate mais après quelques messages échangés et quelques rencards de circonstance, la première relation sexuelle sans saveur a lieu. D’abord une, puis d’autres encore, presque innombrables, suivant toutes le même déroulé décevant et finalement douloureux. 

Pendant une tristement longue période, Elsa se donnera à son amant afin de se sentir aimée jusqu’à somatiser son mal-être (par de l’anorexie, des idées noires et un isolement social) dans l’indifférence la plus totale. Elle se résigne pendant un temps, jusqu’à finalement dire « non », sans que Victor n’en tienne compte. Son corps exprimera son refus des rapports sexuels par des saignements systématiques, que Victor ne relèvera que pour se moquer de ses règles à répétition. Puis : la rupture. Elsa va mal puis s’ouvre, se confie et comprend de quoi elle a été victime dans cette relation. Le viol, loin des stéréotype qu’elle connaissait. Le viol, loin de la crudité des témoignages #MeToo qui abondent sur les réseaux sociaux autour d’elle. Le viol, sans que le violeur ne comprenne qu’il a violé. Le viol « sans faire exprès ».  

Le viol banalisé

Une fois qu’Elsa comprend, elle va être assaillie de doutes quant à sa légitimité en tant que victime et d’explications pour dédouaner Victor de sa responsabilité. Ce sont toujours les mêmes mécaniques qui se mettent en place, et l’auto-culpabilisation est terriblement prégnante chez les victimes de violences sexuelles. 

Malgré tout, le livre n’est pas un objet à charge contre le sexe masculin. Ce n’est pas un manifeste misandre, et il est souvent fait mention de la triste propension de notre société à fabriquer des agresseurs qui s’ignorent. Parce que le sujet est tabou et qu’on ne parle de sexualité que pour dire « sida » et « préservatif », comme si l’enjeu ne se situait pas aussi dans les violences sexuelles. Parce que ça dérange et parce qu’on continue de présenter les violences sexuelles comme étant uniquement les faits d’armes de monstres terrifiants qui font la couverture des journaux d’actualité. 

Comme le disait Adèle Haenel, dans la longue interview donnée à Mediapart en 2019, concernant sa relation d’emprise avec Christophe Ruggia lors de sa jeune adolescence : « Les monstres, ça n’existe pas. C’est notre société. C’est nous, c’est nos amis, c’est nos pères. Et on n’est pas là pour les éliminer, on est là pour les faire changer. Mais il faut passer par un moment où ils se regardent. » 

(https://www.mediapart.fr/journal/france/041119/metoo-adele-haenel-explique-en-direct-pourquoi-elle-sort-du-silence

Un rappel, s’il en fallait un, que la violence sexuelle peut tous et toutes nous concerner et que le « moi jamais » ne sert à rien sinon à se voiler la face et silencier les personnes victimes.

 

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