Couverture du livre « Un si gentil garçon » de Javier Gutierrez aux éditions Autrement
Couverture du livre « Un si gentil garçon » de Javier Gutierrez aux éditions Autrement

Un si gentil garçon – Encore un monsieur tout le monde

Publié le 9 octobre 2024 par Maxime

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Cet article parle de : #consentement #culture-du-viol #culture #fictions #livres

TW : viol & soumission chimique.


Quelles étaient les probabilités qu’en prenant un livre au hasard à la bibliothèque on tombe sur l’histoire d’une bande de garçons qui droguent des femmes pour les violer dans le contexte très préoccupant du procès Pelicot ? 

Eh bien croyez-le ou non : c’est ce qui nous est arrivé. En prenant le roman espagnol « Un si gentil garçon », on a été précipité dans la tête d’un violeur. Une lecture enrichissante qu’on vous conseille ici, même si elle est à la fois dérangeante et complexe. En effet, en dépit d’une histoire assez simple, la non-linéarité du récit rend trouble la compréhension des événements. Si l’ensemble finit par constituer un millefeuille limpide, la progression des différentes intrigues à la fois dans le passé et le présent (parfois dans la même phrase) peut étourdir. Rajoutons à ça une ponctuation dépouillée à l’extrême et des dialogues inclus dans le corps du texte, et le vertige est total.

« Tu as toujours été un gentil garçon. Un si gentil garçon, de bonne famille. Tu te payais le luxe de vouloir vivre ta vie, tu jouais dans un groupe de rock, portais les cheveux longs et refusais catégoriquement de travailler dans la banque comme papa : tu semblais si inoffensif, Polo. Pourtant, dix ans après, quand Blanca resurgit, tu n’es plus toi-même qu’un fantôme, une ombre, un cauchemar vivant. Ton boulot, les conversations avec ton psy, ta merveilleuse Gabi : rien n’a pu te sauver, et aujourd’hui tu es là, sur ce bord de trottoir, à quelques mètres de ta victime, pantelant, exténué, acculé. La gentillesse est le plus beau des déguisements, le plus cruel aussi. »

Attention : spoilers 

Le si gentil garçon du titre, c’est Polo, le garçon autour duquel se tisse l’histoire du livre. Une histoire qui court sur une période de dix ans sur deux continents. Dans sa jeunesse, il a joué dans un groupe de rock éphémère et une soirée a marqué sa mémoire. Le pauvre en a fait des cauchemars (et une psychothérapie), il a même quitté l’Europe pour aller vivre quelques années aux USA. Mais dix ans plus tard, alors qu’il est en couple avec Gabi, une fille de cette époque, il croise au hasard d’une rue Blanca. La chanteuse du groupe de rock. 

Et là, tout lui revient à la gueule : avec sa bande de potes, ils droguaient les filles dans les soirées. Les violaient chacun leur tour tandis que certains filmaient les scènes. Polo, Rubén, Nacho, Chino et les Jumeaux sont les coupables. Gabi et Blanca sont deux des innombrables victimes. Gabi a pris une peine plus lourde encore : elle est en couple avec un de ses violeurs sans se douter une seule seconde de ce qu’il lui a fait. 

Ici, la drogue du viol c’est le Rohypnol®. Un benzodiazépine retiré du marché à cause de la puissance de ses effets et des dangers qu’une société malade trouve à faire des substances qui provoquent l’inconscience et l’amnésie. Les Roche, du nom du laboratoire qui les produisait, écrasés et versés dans les verres des victimes offraient aux violeurs de longues heures de tranquillité. 

 

No(s) excuse(s)

L’auteur nous fait la gentillesse de ne pas leur chercher d’excuses. C’est un écueil dans lequel il est facile d’aller se vautrer. Heureusement, l’intelligence de la construction de l’histoire ne permet pas de mettre l’emphase sur Polo et Rubén. Ce serait même plutôt le contraire, à mesure que le récit avance, on dispose de plus de détails pour reconstituer le puzzle. Entre une surdose, la non assistance à personne en danger, les actes de violences physiques, une tentative de meurtre, on ne sait plus où donner de la tête. 

Dix ans plus tard, les narrateurs s’en veulent encore, regrettent, ne comprennent pas comment ils en sont arrivés là. La bêtise de la jeunesse, l’influence néfaste de leaders charismatiques, l’effet de meute sont avancés tour à tour. Mais le constat dans le livre est le même que dans la vraie vie : la triste banalité des personnes qui commettent des violences et des violences sexuelles. À part que dans l’immense majorité des cas, ce sont des hommes, pas grandchose ne permet de différencier le loup de la brebis.

« Un si gentil garçon » est un (dur) roman noir espagnol écrit par Javier Gutierrez. Il est publié en 2013 en France, aux éditions Autrement. Il fait 180 pages et est disponible au tarif de 16,50 € sur le site de l’éditeur.  Vous pouvez certainement le trouver dans la bibliothèque près de chez vous ou votre bouquiniste de proximité ou en ligne. Si vous souhaitez consulter quelques avis de lecteurs et lectrices, vous pouvez vous rendre sur babelio.

Pour lire le début du livre : 


 

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