Paulo Higgins n‘est pas qu’un formidable collègue de travail, un professionnel reconnu et un militant engagé dans la lutte contre le VIH et pour l’intégration et les droits des minorités ! En 2024, c’est aussi un auteur publié dans une maison d’édition.
Comme son livre aborde nos thématiques de toujours (les consommations de drogue, la vie avec des traumatismes, l’acceptation de soi, la crainte de (sur)vivre dans un monde qui se désagrège), il était logique qu’on lui consacre un article complet.
Le livre est un roman. Le narrateur est un homme trans d’une trentaine d’années ayant transitionné il y a 8 ans, il s’appelle Mario. On va le suivre pendant une semaine à l’occasion d’un voyage à Paris. Une opportunité pour lui de s’éloigner de son quotidien et de faire le point sur sa situation. Découpé en chapitres qui sont autant de journées de voyage, le livre invite à arpenter ses pensées et ses souvenirs à la faveur de lieux ou de situations qui lui évoqueront certains moments de sa vie (pré et post transition).
Le livre aborde aussi deux autres gros sujets, à savoir la dépendance et la sexualité. L’introspection à laquelle se livre Mario sur ces deux questions–là, ainsi que les évènements qui ponctuent ses réflexions, bien que subjectifs, peuvent parler à tout le monde. C’est vraiment un ouvrage qui permet de rentrer dans la peau d’une personne trans masculine homosexuelle pendant quelque 230 pages. Et de donner à voir, à ressentir et à essayer de comprendre.
Le narrateur dit plusieurs fois son désarroi face au monde, face à des gens qui l’objectifient, qui le fétichisent, qui font de lui une expérience, qui veulent se payer un tour de manège sans avoir conscience qu’ils reproduisent une certaine forme de violence dans l’intime. Et pas que dans l’intime, d’ailleurs. Il y a plusieurs scènes de drague, plusieurs scènes de sexe, et plusieurs fois la sensation d’avoir été utilisé. Mario évoque l’impression d’avoir travaillé gratuitement. Comprendre : d’avoir fait du travail du sexe gratuit. Du bénévolat sexuel ? Et pour qui ? Pour quoi ?
Appeller un chat un chat
Le narrateur ne mâche pas ses mots, et parle plusieurs fois de sa chatte de trans. Ici, pas de ménagement, on appelle un chat un chat, on utilise les vrais mots ! Si jamais vous ne comprenez pas tout, l’auteur vous a rédigé un glossaire à la fin, pour vous aider.
Dans la dernière partie du livre, Mario retrouve sa BFF, Colette. Celle-ci tient une table LGBT dans le village associatif d’un festival du sud-est de la France. On devine un ancrage dans le réel, tant cet épisode est décrit avec foultitude de détails qui rappellent l’Insane Festival 2023 avec Angèle en tête d’affiche. Mario la rejoint et ils dorment sur le même camping que tout le monde. Le niveau d’angoisse est palpable, et les peurs sont légitimes dans cet environnement où la majeure partie des gens sont arrachés (et soumis à la pression du groupe). Ce sont des peurs qu’on ne peut pas imaginer si on ne les a pas vécues, et pouvoir les lire telles quelles est encore une fois un bon moyen de comprendre comment l’endroit (genre, couleur, orientation sexuelle et autres signes visibles differenciants) d’où l’on regarde une situation donnée peut tout changer.
Un brillant exercice de style à offrir à vos ami·es dans le placard, vos proches qui se posent des questions… Ou bien vous le gardez pour votre tonton homophope et son fils masculiniste, histoire de pimenter le prochain repas de Noël !
Pour lire les critiques vous pouvez vous rendre sur Babelio et pour acheter le livre vous pouvez vous rendre sur le site de l’éditeur Hors d’atteinte.