Les représentations sociales autour de la consommation d’alcool ont la peau dure. On a encore largement l’image de « l’alcoolo » au nez rouge, du pilier de PMU qui boit seul. Pourtant, la dépendance à l’alcool a de très nombreux visages et touche également des personnes très bien intégrées socialement, qui ne correspondent pas du tout aux clichés dominants.
Selon une étude de 2015 sur les représentations sociales liées à l’alcoolisme : « L’image de l’ivrogne, ou de l’ivresse d’habitude, semble apparaître en France à partir du XIXe siècle. Le consommateur d’alcool est, quant à lui, vu comme un homme issu d’un milieu touché par la précarité et la misère sociale et morale (Inserm, 2003). Ainsi, il semble que la consommation alcoolique, excessive, visible, et la misère économique et morale soient devenues des éléments importants des représentations sociales de l’alcoolisme. »
Les représentations liées à l’alcool sont également très genrées, l’étude explique : « L’alcoolisme masculin est perçu comme un alcoolisme d’entraînement, convivial et festif et […] l’alcoolisme féminin est perçu comme un alcoolisme plus problématique, caché et culpabilisé. » Cette distinction s’ancre dans des stéréotypes de genre qui opposent alcoolisation et féminité. Les auteurs concluent : « Ainsi, plus que les hommes, les consommatrices d’alcool doivent faire face aux réprimandes de la société et à des attitudes stigmatisantes que ce soit de la part de leur entourage ou des praticiens de santé. »
De multiples facteurs
Pourtant, en réalité, la dépendance à l’alcool est un fait social qui excède largement ces stéréotypes. Selon l’Inserm, il existe une vulnérabilité individuelle à la dépendance dans laquelle interviennent plusieurs facteurs : génétiques, comportementaux et environnementaux. Des facteurs psychologiques et comportementaux sont ainsi associés à un risque accru de dépendance : impulsivité, recherche de sensations, prise de risque, mais aussi et surtout des symptômes de dépression/anxiété ou un vécu traumatique.
L’environnement joue un rôle important dans le risque d’alcoolodépendance : il agit via des facteurs sociaux (niveau de revenus, vie sociale, statut professionnel…), familiaux (absence de supervision parentale, conflits, violences), ou encore par la facilité ou non à consommer de l’alcool (prix, disponibilité).
Ainsi, ces facteurs de risque existent dans tous les milieux, quel que soit le genre de la personne. Le problème avec ce genre de représentations et de clichés, au-delà de leur caractère hautement stigmatisant, c’est qu’ils empêchent certaines personnes de questionner leur rapport à cette substance. Quelqu’un qui ne se reconnaît pas dans cette figure aura du mal à imaginer qu’il puisse y avoir un problème.
Dossier de l’Inserm Alcool et Santé : https://www.inserm.fr/dossier/alcool-sante/
« Représentations sociales de l’alcoolisme féminin et masculin en fonction des pratiques de consommation d’alcool », par Elsa Taschini, Isabel Urdapilleta, Jean-François Verlhiac, Jean Louis Tavani, dans Les Cahiers Internationaux de Psychologie Sociale, 2015
« Les représentations de l’alcoolisme et la construction sociale du « bien boire » » (1998), Ludovic Gaussot