
Actualité politique oblige, aujourd’hui c’est le point Retailleau ! Vous l’avez sans doute vu passer sur vos écrans à l’heure de grande audience, la nouvelle vidéo du ministère de l’Intérieur concernant les usager.es de drogues matraque tous vos écrans. L’occasion de décrypter de manière plus éclairée la ligne politique lancée en termes de santé publique.
TRISTE SIRE
On ne présente plus Bruno Retailleau, mais introduisons-le quand même : à seulement 17 ans, notre protagoniste marquait ses débuts politiques aux côtés du souverainiste Philippe de Villiers, tristement connu pour ses positions homophobes et complotistes, et se positionne très vite comme fer de lance d’une droite ultra conservatrice en fervent opposant à l’IVG et au mariage pour tous, réfractaire également au droit du sol.
En bon carriériste, il finit par intégrer l’UMP où il incarne l’aile la plus réactionnaire, proche du déchu François Fillon. N’ayant pas hésité une seconde à appeler à voter blanc au moment de l’affrontement présidentiel Macron-Le Pen, sous prétexte que « la droite n’est pas soluble dans le macronnisme », l’anti-front républicain s’illustre pourtant comme farouchement gouvernemental lorsque le président de la République lui propose de rejoindre ses rangs comme premier flic de France, dans le but de draguer droite et extrême–droite afin d’obtenir une majorité parlementaire à l’Assemblée.
UN CLIP DE CAMPAGNE ILLISIBLE AU SERVICE D’UNE MORALE DISCUTABLE
Après s’en être pris aux femmes, aux homosexuel.les, aux migrant.es, et aux wokistes, le sinistre ministre de l’Intérieur s’attaque, sous couvert de lutte contre le narcotrafic, aux usager.es de drogues qu’il accuse de participer à un crime organisé et d’avoir « du sang sur les mains ». C’est dans ce contexte politique nauséabond, où la violence déferle en règlements de comptes sanglants impliquant des mineurs au sein des réseaux de deal, que Bruno Retailleau a lancé ce qu’il qualifie lui-même de « vidéo choc » comme support d’une « campagne de culpabilisation » (financée avec l’argent des saisies de trafics de drogues) des consommateurices qu’il « ne souhaite plus sensibiliser mais responsabiliser ».
La clarté de la vidéo en elle-même est extrêmement discutable : on y voit une personne allumer un joint, les volutes de fumée se prolongent en un rail de poudre blanche qui prend progressivement feu jusqu’à enflammer successivement une caméra, un lapin en peluche puis une voiture qui elle–même se décline en revolver qui tire, laissant froidement sur le sol une empreinte de cadavre – toujours en feu – barrée du slogan « chaque jour, des personnes payent le prix de la drogue que vous achetez ». Premier constat, on n’y comprend vraiment pas grand–chose, deuxième constat mais Trigger Warning drogues : vous pourriez avoir envie de consommer en la regardant, tant les produits représentés semblent d’une qualité excellente, le joint est roulé à la perfection et la poudre blanche, tracée merveilleusement, semble d’une pureté rare. Et dernier constat, mais celui–ci bien plus impactant : Retailleau veut faire la guerre aux narcotrafics et, par cette entrée–là, aux usager.es de drogues, qu’ils soient addicts ou primo consommateurs, les accusant de meurtre par procuration. Un fourre-tout d’une médiocrité intellectuelle notable au service d’une « moralité » discutable.
ON NE CHANGE PAS UNE ÉQUIPE QUI FOIRE
En réalité, rien de nouveau sous le soleil. Retailleau s’inscrit tout simplement dans la digne lignée de son prédécesseur, Gérald Darmanin, lui aussi célèbre pour ses positions réactionnaires et ayant déjà attaqué les consommateurices au travers de la lutte contre le narcotrafic, ciblé comme grande cause nationale en déployant plus de moyens et en donnant mains libres aux forces de l’ordre pour aller coller des amendes forfaitaires. Et devinez quoi ? Ça ne fonctionne pas. Comme le ministre de l’Intérieur l’a lui-même relaté dans sa conférence de presse, si les quantités de drogues saisies ont augmenté, les consommations et les violences liées au narcotrafic aussi. Pourtant, le gouvernement n’en démord pas et fonce tête baissée dans sa folie meurtrière.
VOS GUERRES, NOS MORTS
Car le plus choquant dans cette campagne, c’est l’hypocrisie délibérée. Soudainement, le destin des enfants de quartiers défavorisés semble intéresser le ministère de l’Intérieur qui ne semblait pourtant pas l’avoir en préoccupation majeure ces dernières années. Et pour parler des vraies causes de l’escalade de la violence et de l’enrôlement des jeunes dans les réseaux, quel intérêt le gouvernement a-t–il porté à la misère qui sévit dans les quartiers ? Aux écoles surchargées, délaissées, en proie aux suppressions de postes ? À l’ascenseur social en panne ? À la protection de l’enfance qui peine à survivre ? Aux stigmas sociaux et racistes ? Les quartiers sont les grands oubliés des politiques publiques, hormis celles qui prônent la répression. Mais alors, qui a du sang sur les mains ?
Et si l’on se penche sur l’accompagnement des usager.es, on rétropédale et la santé publique avec. C’est pendant l’épidémie sida que la réduction des risques fut brandie comme un outil indispensable de santé publique, et aussi par les professionnel.les de santé et les responsables politiques. Loin de s’inscrire dans cette continuité, les Haltes soins addictions, plus connues sous le nom de « salle de shoots », sont au point mort et la France s’illustre par son retard comme le zéro pointé de l’Europe. Accompagner les usager.es, c’est pourtant sauver des vies. Alors permettez–moi de reposer la question : qui a du sang sur les mains ?
DIVISER POUR MIEUX RÉGNER
Et légaliser alors, dépénaliser, encadrer ? Hors de question pour Retailleau qui refuse de choisir « la voie de l’échec ». Mais de quel échec parle-t-on ? Du nombre de décès par overdose dans la rue ou des jeunes victimes de cartels ultra violents ? Car les discours évoluent : fut un temps, on accusait les dealers de la mort de la population, c’est à présent la population qu’on accuse de la mort des dealers. Cette hypocrisie mortifère tente de fractionner la société comme si l’un était responsable de l’autre, face à un État coupable qui nie ses responsabilités. Les consommations sont en hausse, les violences dans les quartiers également. Symptomatique d’une société qui va mal, abandonnée des pouvoirs publics ?
Cette vidéo censée provoquer un « électrochoc » n’a en réalité rien de choquant de la part d’un ministre de l’Intérieur qui stigmatise toujours plus, au sein d‘un gouvernement gangréné par l’influence de l’extrême–droite, dans ses idées comme à l’Assemblée nationale. Et ce, malgré une défaite électorale dans ce que l’on peut appeler un passage en force. Et c’est à nous que l’on donne des leçons ?
Âpre constat, prêt.es au combat.
Et puisque l’on garde bien en tête que dans ce contexte ultra toxique, il faut avancer avec bienveillance, si tu souhaites discuter de tes consos ou si tu ressens le besoin de trouver une écoute, n’hésite pas à contacter le 3615 KEPS, nos permanences safe. Tous les mercredis et jeudis de 14 à 17h, slide dans nos DM pour prendre rdv !