spiritualité, psychédélique et aliénation
©️ Photo de Jaredd Craig pour Unsplash

Psychédélia, spiritualités et nouvelles formes d’aliénation

Publié le 30 juin 2025 par Victor

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Cet article parle de : #sante-mentale

L’ère du renouveau psychédélique est là. Congrès bondés, investissements massifs, cliniques spécialisées, start-up du bien-être mental, ayahuasca sur prescription ou retraites de psilocybine pour dirigeants stressés. Tout semble prêt pour la grande bascule : celle qui ferait passer les drogues du tabou à la solution. Mais une question se pose : de quoi ce retour en grâce est-il le nom ?

Un imaginaire sous contrôle

Les substances psychédéliques sont désormais promues comme des catalyseurs de guérison, d’éveil ou de performance. Le champ lexical a changé : on ne parle plus de « trips » mais d’expériences transformatrices. La culture underground, politique et contre-culturelle qui a longtemps porté ces usages est peu à peu diluée dans un océan de promesses thérapeutiques, d’objectifs mesurables, de protocoles validés. Le risque ? Une mystique psychédélique vidée de sa puissance subversive.

Car derrière l’engouement, une logique bien connue opère : celle de la récupération. Ce qui fut outil d’ouverture devient marchandise, produit d’optimisation de soi, ou outil de conformité. S’ils sont potentiellement bénéfiques pour certains, les protocoles de psychothérapie assistée par MDMA ou psilocybine se déroulent dans des cadres souvent normatifs, détachés des enjeux sociaux, culturels ou existentiels profonds des usager·es.

Des spiritualités sans trouble

Le tournant mystique des psychédéliques modernes s’accompagne souvent d’un langage de développement personnel qui écrase les dimensions collectives, politiques, voire conflictuelles des expériences intérieures. La figure de « l’usager éclairé » ou du « chercheur de vérité » devient le modèle à suivre : en paix, aligné, performant. Mais qu’en est-il de celles et ceux qui bad trip, qui n’ont pas les bons mots, les bons réseaux ou les bons guides ? De celles et ceux pour qui le psychédélisme est un cri, un vertige, un refus du monde tel qu’il va ?

Le risque n’est pas tant que les psychédéliques deviennent populaires. Le risque, c’est qu’ils deviennent inoffensifs.

Refaire du lien : critique, soin, altérité

Il est encore possible de faire autre chose. D’ancrer les pratiques psychédéliques dans des contextes radicalement inclusifs, non marchands, critiques des normes, ouverts aux fragilités. Des lieux où l’expérience ne vise pas forcément à « guérir » ou à « réussir », mais à traverser, comprendre, relier. Où les récits spirituels sont aussi politiques, intersectionnels, situés.

Cela suppose de redonner voix aux traditions marginalisées, aux savoirs autochtones, aux usages festifs, queer, précaires, militants. Cela demande de reconnaître que le psychédélisme n’est pas une solution miracle, mais un espace de trouble, un champ de forces contradictoires, une pratique de l’altérité.

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