
Chaque 31 mars, c’est la Journée internationale du Drug Checking (l’analyse de drogues – de produits – dans la langue de Molière), l’occasion pour nous de revenir sur ce service de santé publique.
Une journée symbolique
Depuis 2017, à l’initiative de Dance Safe (États-Unis) et The Loop (Royaume-Uni), la journée du 31 mars est placée sous le signe de l’analyse de drogues. Une mobilisation symbolique qui rassemble, en ligne, des associations de réduction des risques de plusieurs pays dans le monde (BunkPolice, Drogart, Energy Control et bien d’autres) afin de visibiliser les services d’analyse de drogues pour les usagers et de donner corps au plaidoyer international. Un peu comme Support Don’t Punish, le 26 juin, ou la Journée mondiale de prévention des overdoses, le 31 août. Hasard du calendrier, le 31 mars est également la Journée internationale de la visibilité trans, on ne vous oublie pas et on vous aime !
Un service de santé publique attractif
En France, si la question de la réduction des risques (RdR) est inscrite dans le code de santé publique depuis janvier 2016, le grand public et les personnes non concernées y voient souvent une incitation. C’est le cas tous les jours dans les commentaires qu’on reçoit sur nos contenus ou dans la bouche des politiques (Sabrina Agresti-Roubache estime par exemple que « Donner une seringue à quelqu’un pour aller se droguer, ce n’est pas faire de la prévention. »). L’ignorance est de mise.
Pourtant, dans une société où la consommation de drogue est galopante, où le libre échange permet des transport de drogues toujours plus tentaculaires et où des nouvelles molécules psychoactives sont inventées chaque année, on peut affirmer sans ciller que l’analyse de drogues et la réduction des risques en général sauvent des vies. C’est aussi une manière efficace de travailler l’attractivité des services des associations médico-sociales, en permettant de mettre en réflexion les consommations des usagers, et de les alerter sur les risques de leurs pratiques.
L’analyse de drogues telle que la pratiquent les associations de réduction des risques est anonyme (grâce à un système de codes et de pseudonymes) et gratuite. Souvent, un entretien de collecte précède l’analyse technique, au cours duquel la personne est invitée à échanger avec un·e pro. Sont abordés pêle-mêle l’usage du produit, ses effets et leur intensité ainsi que les habitudes de consommations de l’usager·e. Parfois, des données sociodémographiques (âge, genre) sont également renseignées .
Des intérêts multiples
Comme le dit Techno+, « Informer ne nuit pas à la santé ». Au contraire, cela permet d’éviter des drames stupides comme des surdoses mortelles à la première consommation de MDMA ou liés au mésusage de médicaments, de manière sûrement plus efficace que des clips douteux au prix exorbitant.
Quand elle est pratiquée par les association de RdR et pour les usagers, l’analyse de drogues permet ainsi :
- d’être prévenu si l’échantillon contient un composé ultra–puissant au seuil de surdose très bas (fentanyl, nitazene) ;
- de détecter des produits de coupe dangereux (délirogènes ou cannabinoïdes de synthèse) ;
- d’être alerté sur une concentration anormalement élevée (Pourquoi l’augmentation de la qualité de l’héroïne entraîne plus de surdoses ?) et d’agir en conséquence ;
- de faire de la veille sanitaire (en contrôlant l’arrivée d’un produit sur un territoire) et si nécessaire d’alerter les CEIP, les structures médico-sociales, les centres d’addictovigilance et les usagers ;
- et d’alimenter une base de données des drogues à travers le pays et le continent afin de partager les connaissances.
Si son échantillon est signalé dangereux, la personne peut par exemple ne pas consommer ou le faire en adaptant ses pratiques. Le Drug Checking est alors un outil comme un autre et s’inscrit dans un corpus plus vaste visant à promouvoir une information pragmatique et sans tabous pour les usagers et usagères de drogues (ainsi que les curieux de tout poil).
Les structures dédiées aux usagers peuvent en outre faire remonter des informations précieuses pour la santé publique nationale lors de l’apparition d’un phénomène inquiétant, directement depuis le terrain. Depuis le bas de l’échelle, depuis la rue.
Analyser pour sauver des vies
Si les dispositifs d’analyse de drogues se développent de manière inégale, les problématiques du terrain font parfois apparaître des stratégies innovantes :
- Aux USA, par exemple, où la crise des opioïdes de synthèse démarrée au début des années 2000 entraîne aujourd’hui environ 100 000 mort·es par an, des bandelettes réactives détectant le fentanyl ont été mises en circulation.
- Au Canada, qui fait face à l’arrivée de fentanyloïdes de synthèse sur son marché local, des dispositifs mobiles d’analyse circulent dans un camion.
- En Allemagne, la culture clubbing a motivé la création d’une app, Knowdrugs, qui agrège les données de plusieurs dispositifs européens.
- En France, des permanences d’analyses chill et détente sont organisées par les associations telles que la Perm de Keep Smiling à Lyon, le B4 (before) de Charonne à Paris, ou le Chill’in de Plus Belle La Nuit à Marseille, à l’attention d’un public plus jeune (à l’heure des premières consos festives).
178 Structures en France
178 structures sont recensées sur la carte interactive mise à jour par Techno+ et autant sur celle du réseau ATP (analyse ton prod). Si toutes ne disposent pas d’un laboratoire, leur mise en réseau permet à celles sans labo de collecter et de relayer les échantillons aux assos mieux équipées.
Si vous êtes géographiquement loin d’une de ces structures mais que vous avez besoin de faire analyser votre ou vos échantillons, vous pouvez, grâce à Psychoactif et au réseau ATP, passer par un service d’analyse à distance, par voie totalement dématérialisée (enfin, faut encore mettre l’enveloppe dans la boîte !).
Enfin, au niveau européen, le TEDI – Trans European Drug Information a développé une base de données qui collecte, surveille et analyse l’évolution de diverses tendances des drogues en milieu récréatif, un système qui permet de comparer facilement les tendances des drogues à travers l’Europe.
N’hésitez pas à faire connaître ces services autour de vous, surtout si vous ou vos proches êtes concerné·es.
Comptes Instagram à suivre :
- @druglab Marseille
- @testitceid Bordeaux
- @Cheklabs Metz
- @analysetonprod le réseau !
- @analysetonprod idf Paris
Ressources complémentaires sur le sujet :
Marseille : Drug Lab et analyse de drogues, comment ça marche ?
Forum : « Psychoactif » Témoignez sur l’analyse à distance : etes vous satisfait ? en quoi ca change votre conso ?
Fédération Addiction : Analyse de drogues