La culture du viol en milieux festifs est un phénomène complexe et multiforme, résultant de normes sociales nocives, de stéréotypes de genre et d’une banalisation de la violence sexuelle. Les femmes ou minorités de genre, en particulier, sont souvent confrontées à des situations où leur consentement est ignoré, leur parole niée ou systématiquement remise en question, dans un contexte social où les comportements prédateurs sont souvent tolérés, voire encouragés.
En tant que fait social total, le sexisme infuse tous les espaces et toutes les sphères de nos vies. Et puisque nos soirées ne se déroulent pas hors de notre société patriarcale, elles ne sont malheureusement pas épargnées ! D’autant que la prise de produits et les contextes festifs peuvent participer à lever les inhibitions, pourtant NON, ce n’est pas parce que c’est la fête que tout est permis (et le fait d’avoir consommé n’est pas une excuse lorsqu’on commet des VSS, c’est même une circonstance aggravante) !
Il existe de nombreux stéréotypes et croyances qui participent à la culture du viol en milieux festifs. Dans les représentations sociales dominantes, on imagine l’agression comme étant perpétrée par un inconnu, fou et éventuellement armé, dans l’espace public, avec violence. Toute agression qui s’éloigne de ce cas de figure risquera d’être disqualifiée. Pourtant, plusieurs études (y compris notre sondage État des lieux des violences sexistes et sexuelles en milieux festifs) montrent que dans la grande majorité des cas, l’agresseur est connu par la victime et les violences ont lieu dans un cadre privé. Donc, même si la personne connaît bien la victime, qu’elle est bien intégrée dans le groupe de potes, que les faits ont eu lieu chez l’une ou l’autre des personnes, ça n’en est pas moins une agression ! L’ignorance sur la réalité des VSS est dangereuse puisqu’elle en invisibilise une grande partie et rend la prise de parole des victimes beaucoup plus difficile.
On attend également de la victime qu’elle se conforme au stéréotype de la « vraie victime », dans le cadre festif elle doit : ne pas avoir trop consommé, ne pas être rentrée trop tard, ne pas être habillée de telle ou telle manière, avoir dit « non » clairement et s’être débattue, avoir eu un comportement parfaitement rationnel et jugé moralement irréprochable. Toute victime s’éloignant de ce cliché risque d’être considérée comme peu crédible, voire carrément responsable de ce qu’elle a subi. Encore une fois, ce stéréotype est extrêmement préjudiciable aux personnes ayant vécu des violences ! On le répète, une agression est TOUJOURS et UNIQUEMENT la faute de l’agresseur (peu importe les comportements, les réactions, l’habillement, le degré d’alcoolisation de la victime).
Combattre activement et systématiquement
Alors on le répète :
- Pousser quelqu’un à boire en espérant pécho n’est PAS une technique de drague : une personne bourrée ou défoncée n’est pas en état de donner un consentement éclairé donc pas touche ! Profiter de la vulnérabilité d’une personne qui a consommé, c’est de la soumission chimique et c’est une agression.
- La tenue ou la façon de danser d’une personne n’est pas une autorisation implicite. D’ailleurs, il n’y a pas d’autorisation implicite, sans « oui », c’est « non » et dans le doute, on demande.
- « Peut-être pas ce soir », « je suis fatigué.e », « je sais pas trop », « je me sens pas très bien », « peut-être une prochaine fois », etc., ça veut dire NON. On n’insiste pas, insister, c’est forcer et c’est pas ok du tout ! Céder (par lassitude, parce qu’on ne sait plus quoi faire, parce qu’on se sent épuisé.e ou coincé.e, parce qu’on nous met la pression…), ce n’est pas consentir.
- Ce n’est pas parce qu’une personne accepte de danser avec toi, de discuter, de se faire payer des verres ou des consos qu’elle te doit quoi que ce soit ou qu’elle t’es redevable !
- Être bourré.e ou défoncé.e n’est pas une excuse : si tu n’es plus en état de respecter le consentement des personnes en face de toi quand tu as consommé, c’est certainement le moment de remettre en question tes consos et ta compréhension des enjeux des VSS.
- Quand quelqu’un te met un stop (ou a l’air visiblement mal à l’aise, ou ne répond pas à tes avances avec enthousiasme), on entend et on respecte. Si on te rapporte que tu as eu un comportement inapproprié, on écoute et on se questionne. Il n’y a pas de débat à avoir, d’insistance, de négociation, de justification : si on te dit non, si on te rapporte que tu as été relou, on ouvre grand les oreilles et on prend acte !
- Le pote relou à qui on excuse tout parce que « ça vaaaa, c’est machin, on le connaît, il est pas méchant » est certainement extrêmement oppressant (voire un agresseur) pour les personnes concernées. Excuser et minimiser le comportement problématique de tes potes, c’est participer à la culture du viol.
Combattre activement et systématiquement la culture du viol est indispensable à la création d’espaces festifs véritablement inclusifs et accueillants. Et ça commence par questionner nos croyances, nos représentations et, in fine, les comportements qui en découlent.