
Le témoignage du jour prend place il y a dix ans lors du célèbre festival Ozora. Entre drogues, canicule et grosse fatigue, X nous raconte comment cette semaine psychédélique a modifié son rapport aux drogues hallucinogènes.
« En 2015, je réalise le rêve de tout teuffeur amateur de psytrance : j’embarque avec mon mec de l’époque et ma meilleure amie pour Ozora en Hongrie ! Le fantasme Ozora se réalise enfin ! Prévente en poche, on se prend un pass Interrail et on se lance dans le road trip à l’issue d’un chantier de bénévolat sur lequel on est restés 4 semaines et où on a bien levé le coude.
Notre premier train part de Genève très tôt, on manque de le louper car on s’est couchés encore perchés deux heures avant le réveil. Bref, le voyage jusqu’en Hongrie suit son cours alors qu’on est en pleine de descente de L et fatigués à la mort. D’ailleurs, on oublie notre réchaud de camping à la gare de Vienne, on ne peut qu’imaginer l’alerte au colis suspect que ça a dû créer là-bas ! Une valise noire avec une bouteille de gaz à l’intérieur…
Looking for drugs
Bref, quand on finit par arriver à Ozora à l’issue d’un très long voyage, on est crevés et ravis. La déco est déjà folledingue et le site du festival est vraiment immense. On renonce à trouver un spot à l’ombre pour poser les tentes puis on fait un tour des scènes. On se fait rembarrer par les vigiles qui « gardent » la scène principale. Pour l’after movie, il est important que le drone capture les images de la horde de fêtards qui courent direction la scène sitôt les rubalises tombées. Ce cinéma me fait mauvaise première impression.
Pour une expérience psychédélique complète, on cherche des trucs : « Looking for drugs » « NEED LSD » dessinés au marqueur à même la peau. On traverse les différentes zones de camping jusqu’à tomber sur la personne qui aura ceci ou cela. On finit par en trouver, on prend un peu tout ce qui passe et tout ce qu’on trouve par terre.
Avec le recul, je ne le referais pas… Mais y a eu un moment assez drôle où mon ex et moi, on se roulait des grosses pelles sur le dancefloor de la main stage. Gros câlins, sentiment de fusion totale les yeux fermés… Je phasais tellement qu’à des moments, je le poussais en mode « putain c’est qui qui m’embrasse là, c’est relou » puis j’ouvrais les yeux, le reconaissais et eclatais de rire et on reprenait nos etreintes.
La semaine à été longue
L’association LSD, soleil et alcools forts (on trouve de tout et à des prix défiants toute concurrence aux bars) n’était pas giga safe. D’ailleurs quelques semaines plus tôt, j’avais tapé une maxi insolation (je ne recommande à personne), donc j’étais malgré tout assez vigilant à me protéger la tête et à m’hydrater, mais on a pris cher, c’était inévitable.
Il faisait cet été–là une chaleur de plomb, pas une goutte de pluie, pas un nuage… La journée, on était amorphe et c’était impossible de dormir ou reprendre des forces et la nuit, la différence de température et d’hygrométrie était si radicale qu’on grelottait si on restait immobiles, tellement on n’avait pas les bons vêtements.
La semaine à été longue. Si longue qu’à un moment, sous trip, je me suis dit « la route retour va être infinie, j’ai la flemme… Si je meurs ici, je retourne au point de départ ». Un peu comme dans les jeux vidéos ! Pas du tout une pensée suicidaire. C’est une option que j’ai vraiment considérée. Il y a un grand feu qui brûle de longue et c’était vraiment tentant de se jeter dedans une fois que la fin du festival approchait. Quand les effets de la drogue se sont arrêtés, j’ai déballé à mes potes que j’avais eu cette pensée très présente. Très insistante même.
J’ai fini le festoche sans drogues supplémentaires. Et j’ai remarqué plein de trucs qui n’allaient pas. Enfin qui ne correspondaient pas à ma manière de faire la fête : les vigiles flippants, les chiottes degueues qui refluent à des dizaines de mètres à la ronde, les douches crades au possible, pas un pet d’ombre à part quelques arbres, le bar qui te sert des canettes tièdes, la fosse de déchets alimentaires et d’huile de friture qui se déversait derrière les stands, les voitures dans les zones de camping qui se déplaçaient, le peu de robinets à disposition, les coiffes d’indiens, des déchets en veux-tu en voilà partout…
J’ai plus trop touché au L après ça
Cet été-là, ça faisait déjà un an que la Russie avait déclaré la guerre à l’Ukraine en annexant le Donbass. La Hongrie était hostile aux réfugiés. En septembre, Viktor Orban donnait l’autorisation aux militaires de tirer à balles réelles sur les réfugiés qui essayaient de passer la frontière. Entre ça et les contrôles d’identité aux frontières deux fois plus longs et poussifs pour mon ex aux origines marocaines que pour nous les blancs, j’ai décidé depuis de ne plus aller faire la fête dans des pays gouvernés par l’extrême droite.
Cet épisode m’a vraiment fait peur. J’ai plus trop touché au L après ça, à part une ou deux fois, des petites quantités qui donnaient des bad trips poisseux, pas traumatisants mais vraiment malaisants. Depuis, j’éprouve une méfiance idoine à l’égard de cette substance par laquelle j’ai commencé mon apprentissage des drogues. Par leur durée et leur imprévisibilité, les hallucinogènes ont tendance à me rebuter aujourd’hui. Je crois que le monde dans lequel on vit me fait trop peur maintenant pour déverrouiller les portes de ma perception. »
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