C’est quoi l’addiction au sexe ou hypersexualité ? On l’a beaucoup entendu ces derniers temps, parfois pour justifier des comportements inacceptables. Ça nous rappelle aussi l’insulte sexiste et misogyne « nympho », souvent utilisée pour jeter l’opprobre sur une sexualité féminine jugée excessive. Il y a donc de quoi se méfier. Pourtant, les comportements addictifs peuvent s’appliquer à la sphère des relations intimes et de la sexualité et provoquer une grande souffrance chez celleux qui en souffrent. Alors, des éclaircissements ?
Commençons d’abord par une information essentielle : l’addiction sexuelle est absente de toutes classifications officielles des maladies psychiques. Ce terme est apparu dans les puritains pays anglo-saxons à la fin des années 1970, avant de devenir à la mode avec les repentances médiatisées de stars hollywoodiennes prises dans des scandales de mœurs, comme David Duchovny, Tiger Woods ou plus récemment Harvey Weinstein.
Néanmoins, il existe bel et bien des addictions comportementales, ou « addictions sans substance » qui se caractérisent par l’impossibilité de contrôler la pratique d’une activité. L’activité sexuelle pouvant en faire partie, on parle alors d’hypersexualité. Dans le DSM-V (la « bible » des psychiatres), le trouble est référencé sous le nom de « trouble sexuel non spécifié », abandonnant l’ancienne dénomination de satyriasis et nymphomanie. À ces anciens concepts était associé un trouble psychologique caractérisé par une obsession vis-à-vis du sexe entraînant une libido considérée comme trop active.
La limite à partir de laquelle on parle d’hypersexualité est sujette à débat, il n’existe pas de sexualité « normale » ni une seule façon de la pratiquer. Certains se contentent d’un rapport sexuel épisodique, d’autres en ressentent le besoin quotidiennement, voire plus. En plus de cela, il n’est pas rare d’observer l’hypersexualité comme une conséquence d’un stress post-traumatique, qui procurerait une fausse sensation de contrôle de celui-ci.
Les 5C de l’addiction
Au début du XXIe siècle, on s’accorde à parler d’hypersexualité lorsque le comportement sexuel implique des conséquences négatives sur le plan social et des souffrances sur le plan psychologique. L’expression de cette sexualité compulsive peut s’observer cliniquement avec un cycle qui se composerait des 4 phases suivantes :
- L’obsession (envahir l’espace psychique en se focalisant sur le sexe vient en réponse à la gestion de difficultés existentielles) ;
- La ritualisation (systématisation constante qui varie selon les individus) ;
- L’agir sexuel (pour obtenir temporairement un soulagement de la souffrance existentielle) ;
- Le désespoir (sentiment d’impuissance dû à la perte de contrôle).
Comme il n’est pas évident de se projeter dans ces considérations parfois difficiles à comprendre, on vous propose cet outil hyper simple pour vous aider à vous positionner : les 5C de l’addiction, développé par Laurent Karila, psychiatre addictologue. Les voici :
- Contrôle (perte de contrôle) ;
- Craving ou Consommation (envie irrépressible de consommer) ;
- Compulsion (activité compulsive) ;
- Continu (usage continu) ;
- Conséquences (usage continu malgré les conséquences négatives).
Cet outil présente l’avantage de se détacher de la notion de produit ou d’objet de dépendance, pour s’intéresser plutôt aux comportements qui en découlent.
Sources : Lorenzo Soldati, psychiatre sexologue ;
Addictions, dites-leur adieu !, Laurent Karila ;
L’addiction sexuelle : quelles stratégies thérapeutiques ?, Marthylle Lagadec