Cet extrait de journal raconte les pensées qui traversent X le lundi 28 août 2024. Des réflexions intenses à propos des conduites addictives, des relations et aussi du chemsex. Vendredi prochain, c’est un autre extrait de ce même journal que nous partagerons ici.
Si vous ou vos proches êtes concerné·es par la pratique du chemsex, ne restez pas seul. On sait combien c’est difficile de se sortir de l’ombre et d’aller demander du soutien quand on mélange drogues et sexualités hors normes. Le risque d’être mal reçu·e par des structures de santé existe bien sûr ; mais des pratiques aussi dangereuses que l’injection ne devraient pas s’improviser.
Apprendre à s’injecter correctement, avoir le bon matériel (stérile et adapté), connaître les risques et les alternatives à des pratiques ou des produits ou même simplement vider son sac : il existe une offre de soin sur le territoire français. Elle est sûrement imparfaite et largement insuffisante mais avec le secours des groupes de parole, des structures communautaires et les services en ligne, l’offre s’étend petit à petit. Ne reste pas seul, prends soin de toi.
Lundi 28 août 2024
Je me réveille pas trop tard, toujours aussi déprimée que la veille. Aucun message de Quentin. Je le savais, il a « rechuté ». C’était tellement prévisible au vu des derniers messages que j’ai reçus de lui hier, pendant un mix où, comme par hasard, je n’étais pas là. Le seul message auquel j’ai eu droit aujourd’hui c’est : « Ça va. J’ai merdé mais ça va. Pas de ouf. Juste un peu. », à 14h32, message très similaire à celui que je lui ai envoyé deux semaines auparavant quand c’était moi qui « rechutais ».
Depuis, silence radio. C’est vrai que j’ai pas mal déconné ces derniers jours, mais je ne sais pas pourquoi j’ai cette impression que lui reconsomme pour prendre sa revanche. Il a souffert de mes abus, de mon absence, maintenant, c’est à mon tour. C’est très dur à vivre. Non seulement sur le plan affectif mais aussi sur celui de ma maladie : la dépendance. On y soulève déjà un des premiers symptômes : l’égocentrisme. J’étais partie pour parler de Quentin mais nan, quand il m’a dit qu’il avait « merdé », j’ai tout de suite eu une envie de consommer, pas un petit truc de 5 min qui passe si on décide de s’occuper l’esprit, nan la c’était un PUTAIN DE GROS CRAVING qui me rongeait les os.
Tout m’insupporte
Au lieu d’envoyer des messages d’amour et d’encourager mon ami à revenir à la raison, j’étais à quatre pattes sur mon parquet avec le flash de mon téléphone en train de chercher des miettes de 3.
Cette journée est longue et déprimante. Mon craving étant passé, tout ce que j’ai dans la tête, c’est Quentin. Va–t-il répondre à mes messages, sera-t-il en capacité d’aller à Lille demain, dans un bar qui fait son opening et où QUIMIX est censé mixer de 22h à 2h ? Je commence à ne plus avoir la force mentale pour supporter ces situations qui se répètent en boucle depuis qu’on s’est rencontrés. À vrai dire, je n’ai la force pour plus grand–chose, et tout m’insupporte.
Surtout les gens, et plus précisément les gens défoncés. Ces soirées, after, partouz, after d’after où tout le monde crie, ne s’écoute pas parler, étale sa vie comme si à 27 ans ils avaient déjà tout compris sur tout et avaient la science infuse, la réponse à tout. Les novices qui vont taper 3 traces de coke et se sentir surpuissant. Putain quelle horreur. Et puis y’a les partouz où, dans la logique des choses, les gens sont censés baiser, mais nan, ce serait trop beau. Ça commence plutôt bien puis au bout de 2–3 heures tout le monde est soit trop défoncé au G, soit ne trouve pas une putain de veine pour faire ce fameux slam de 3 (et je ne parle même pas du scénario où l’Alpha, cathinone ultime pour donner envie de ken, qui peut créer des psychoses horribles, est impliqué).
Ces partouz se terminent souvent avec quelques mecs qui tiennent plus ou moins encore debout et réussissent à foutre leur bite dans le premier trou venu, une autre partie de la population en G-hole (là aussi on a un éventail assez varié en termes de comportement lié à la surdose de GHB ou GBL), enfin nous avons la troisième et dernière partie qui regroupe les obsédés du slam, en général regroupés dans la salle de bain, transformée en boucherie.
Exprimer mon dégoût
J’écris ces quelques lignes sans aucune prétention, juste pour exprimer mon dégoût pour toutes ces drogues qui pendant des années ont ruiné ma vie, ma santé, mes relations amicales et familiales. Je ne suis cependant pas dans le déni, si on me fout un meug de 3 sous le pif, j’aurai une pompe dans le bras dans les 30 secondes qui suivent, alors que j’étais à l’hosto juste ce matin pour un mal de chien que j’ai aux deux poignets à cause d’une inflammation des tendons. Je suis totalement perdue, sans but, seule, et je sens que ma dépression, même si elle ne m’a jamais quittée, reprend le dessus sur ma vie.
Les témoignages publiés sur KEPS et ses différents réseaux sociaux sont issus de notre communauté. Ils peuvent nous être envoyés par email, en messagerie privée, ou racontés de vive voix (et enregistrés puis retranscrits), ils sont le récit d’une expérience toujours subjective. Il convient de les prendre tels qu’ils sont : un morceau de la réalité d’une personne. La plus grande bienveillance est de mise et les propos tenus ici ne reflètent pas une position de Kepsmag ou de l’association Bus 31/32.