Témoignage | Bénévole au Delta Festival

Publié le 14 octobre 2024 par Maxime

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Cet article parle de : #milieux-festifs #temoignage

Voici le rapport détaillé de deux jours de bénévolat à la dixième édition du festival marseillais.


Pour commencer et vous aider à situer notre point de vue, nous sommes deux individus âgés de 33 et 25 ans à nous être inscrits le 15 avril pour rejoindre l’équipe de bénévoles du Delta Festival. 30 mails et 4 mois plus tard, nous voilà dans le vif du sujet. Vendredi 6 août, nous rejoignons les plages du Prado vers 18 heures pour profiter du festival avant de prendre notre premier shift au service Joker de 22h à 02 heures du matin. 

 

BENELOVES IS IN THE AIR

Après une fouille sommaire, on récupère notre stuff de bénévole et on découvre les espaces dédiés. Une aire d’attente pour les bénévoles avec différents panneaux permettent d’attendre le début de nos shifts en étant facilement identifiables par les responsables bénévoles. On obtient deux tee-shirts plutôt jolis pour trois jours de bénévolat, des casquettes dans différents coloris sont aussi offertes aux bénévoles qui travaillent en journée. On nous donne des bracelets qui servent à faire l’appel de nos créneaux et nous donner nos repas. Les bénévoles sont appelés Bénéloves, c’est mignon ; les salariés, eux, sont des Warriors.

 

On trouve également dans cette zone : 

  • un vestiaire à disposition des bénévoles (avec la possibilité de retourner facilement à son sac dans la soirée) ; 
  • une grande zone couverte servant à prendre les repas ; 
  • des wc chimiques en nombre ;
  • un évier avec plusieurs robinets ;
  • une grande tente dans laquelle sont stockés le matériel sacs, gants, pinces des différentes missions du festival (et où on peut trouver nos responsables) ;
  • une borne de rechargement pour les téléphones (malheureusement, elle avait pris l’eau lors du gros orage du premier jour).

Sur ces entrefaites, on entre dans la zone festivaliers...

 

VIS MA VIE DE FESTIVALIER

On arrive par le côté des manèges de fête foraine, dont le prix du ticket est soigneusement absent des devantures. Stands de nourriture divers et variés (avec une barquette de frites à partir de 4 €), stands de merchandising, stand de tatouage (retrouvez notre entretien avec un tatoueur au sujet de la présence de stands tatouage dans les événements festifs) et de nombreux bars. Sur place, on note des casiers (tarif prohibitif), des powerbanks pour recharger vos téléphones (2 € l’heure) et une foultitude d’associations venues présenter leurs activités au sein du village des possibles. La caution « jeunes qui s’activent » du festival. Ici, tout se monnaie. Sauf les verres de Perrier offerts à même la canette alu au stand du même nom, les goodies des associations présentes et l’eau accessible aux robinets ou au bar à eau. 

Les tarifs pratiqués au bar sont prohibitifs : la consigne coûte désormais 2 € et la bière la moins chère est à 8,20 € les 45 cl. Au niveau des softs, on est sur le même ordre d’idée avec des verres de 40 cl à 5 € (Coca-Cola, Fanta, Sprite, Fuze Tea, Tropico et Red Bull). Pour les bénévoles : c’est peanuts. Nous passerons donc la soirée à l’eau (du robinet). 

Quelques tarifs pratiqués sur le festival
Quelques tarifs pratiqués sur le festival

Ce qui nous frappe tout de suite c’est l’omniprésence de pancartes communiquant pêle-mêle sur les manières de recharger son cashless, sur l’intérêt des capotes de verre Drink Watch, sur la lutte contre les violences sexistes et sexuelles ainsi que sur la loterie pour gagner des places l’année prochaine. 

L'océan de signalétique qu'on trouvait sur le festival (rappelons que la conduite d'une trottinette en état d'ébriété est dangereux et interdit.
L’océan de signalétique qu’on trouvait sur le festival (rappelons que la conduite d’une trottinette en état d’ébriété est dangereux et interdit.

On tourne un peu, on fait des photos, on s’active sur les scènes et l’on est passablement impressionnés par la résilience du festival qui a su rouvrir après l’énorme orage de l’avantveille. Si le jeudi soir un plateau a été installé devant la grande scène pour pouvoir faire jouer les artistes malgré l’interdiction de laisser monter des gens sur la structure initiale, ce vendredi, c’est mise à nue (sans aucune bâche) qu’on découvre une grande scène fonctionnelle mais soumise aux caprices de la météo. De fait, c’est un site dépouillé qu’on foule du pied. Pas de zone d’ombre hormis les tentes abritant les bars, les assos, etc. 

 

(TROP) PLEIN LES OREILLES

On observe, bien centrale, la safe zone tenue par Addiction France et le gros poste de secours. Ça et là, des gilets jaunes ramassent les déchets à chaque pas on trouve des capotes de verres au sol , les queues se font longues aux différents bars. On zone pour profiter un peu de l’ambiance et nous ferons le même constat partout : la sonorisation du site est catastrophique. 

Partout on entend au moins deux musiques, qui se parasitent l’une et l’autre. Et alors que les scènes jouent déjà fort, il y a aussi des stands entièrement (et lourdement) sonorisés.  

  • Ainsi, face à la grande scène, on profite de l’animation de Transavia (qui fait gagner des billets d’avion) mais aussi de la scène Colisée ; d’ailleurs, la grande scène diffuse entre deux concerts une playlist allant de Michel Berger La groupie du pianiste à Naps La kiffance. 
  • La scène Colisée est parasitée, d’un côté par l’ultra stylé bar Heineken et la zone Axe, et de l’autre par la grande scène. 
  • Au niveau de l’Eden, il y a le camion #AsusStudentTour ainsi que les manèges et la RiffX Stage (la meilleure scène du festival, sans discussion possible). 
  • RiffX Stage depuis laquelle on profite à fond des sonorités de l’Eden. 

 

La question, c’est : n’y a-t-il pas trop de scènes pour un espace si petit ? Ou encore, est-ce que ces stands ne peuvent pas baisser la musique ? On a essayé d’en discuter avec des festivaliers et festivalières mais cela n’a semblé gêner que nous. Peut-être qu’on a viré vieux cons (ou qu’on est trop exigeants) ! À 80 € la place, bien entendre le concert est un luxe qu’on est en droit de demander. 

 

À LA BOUFFE !

On a notre premier shift sur les coups de 22 heures, au service JOKER. Cela signifie que nous irons là où il manque du monde à l’instant T. On part manger au catering des bénévoles vers 21 heures. Une déconvenue de plus, même si l’on nous informe qu’on arrive en fin de service (les repas cessent d’être servis à 22 heures, nous informet-on. Au menu, une salade indienne aux morceaux de poulet comprendre du riz jaune froid (micuit donc bien croustillant) garni de cubes de betteraves, de carottes râpées, de graines de courges, de sauce salade industrielle et de morceaux de poulet giga secs   et en dessert, un donut au sucre. 

Les repas (froids) servis au catering bénévoles aux alentours de 21h.
Les repas (froids) servis au catering bénévoles aux alentours de 21h.

Ça gronde aux tables des bénévoles, les personnes autour de nous pestent sur la qualité de la nourriture. On plaisante dans la bonne humeur en étant malgré tout un brin moqueur. On finit notre assiette mais c’est rude. Le deuxième soir nous auront droit à un bol de boulgour, un oeuf dur.et un donut au chocolat

 

JOKER À (PRESQUE) TOUT FAIRE 

On arrive à l’heure pour notre créneau. On est bien nombreux. On a affaire à une première responsable très gentille qui bipe nos bracelets (un genre d’appel, mais en numérique). Puis nous sommes dispatchés sur différents postes. Une partie de l’équipe part aux différents bars et nous écopons de la corvée d’eau. On dit corvée mais on est ravis,nous allons porter les sacs des Désoiffeurs et donner de l’eau aux festivaliers sur le site jusqu’à ce qu’ils ferment boutique, après quoi nous irons au bar à eau. Idéal pour des agents de la RdR infiltrés ! On nous re-bipe les bracelets et le shift se passe pour le mieux, le remplissage des sacs est fastidieux car équipé de moins de 5 litres, on doit faire de très nombreux allers-retours. Mais malgré ça, ça roule ! Vers minuit, nous nous rendons au bar à eau. Nous sommes 5, il y a une tireuse avec 3 becs (dont seulement 2 fonctionnent correctement). La foule est compacte et présente mais le travail est bête et simple. On ne voit pas le temps passer. Notre responsable nous propose un truc à grailler, et elle nous offre des crêpes au chocolat. Attention bienvenue, merci encore, c’était trop mignon !

Après tout ça, on récupère nos affaires et on crache notre encre : retour maison. 

 

Le samedi, nous commençons notre shift à 17h jusque 22h30. On fait le plein d’energy drink car la veille, la soirée était longue. Un vent à décorner les bœufs souffle sur la rade de Marseille, retardant l’ouverture des portes. On doit traverser une foule compacte le long de la route pour arriver côté bénévoles. Fouille des sacs, ma canette a du mal à passer. Je plaide coupable, et insiste sur le fait que les bénévoles n’ont rien à boire de sympa sinon de l’eau. Je dois faire suffisamment peine à la dame car après une dernière vérification sur la vraie nature du breuvage, j’entre avec. On nous rebipe nos bracelets et la mission du jour consiste en le ramassage des mégots et autres déchets ; puisqu’on va bosser sous le soleil on nous offre une casquette floquée aux couleurs du festival. On chausse notre gilet jaune, nos gants et on se partage une pince pour trois (oui, on s’est fait un copain !) et on est parti pour une des mission les plus chill possible. Le seul problème c’est le plein vent qui balaie le sable de bas en haut et nous éclate les yeux. On hallucine un peu sur le nombre de capotes de verres qui sont par terre.

Du Marketing Drinkwatch en masse dans un festival où les capotes de verres sont distribués gratuitement (et recouverent le sol)
Du Marketing Drinkwatch en masse dans un festival où les capotes de verres sont distribués gratuitement (et recouvrent le sol)

Aguichés qu’on a été par les publications de Clean My Calanque sur le verre offert aux gens qui auront ramené un gobelet de mégots, on décide de rentabiliser notre activité. Très rapidement, on a un gobelet, on va au stand, on échange notre gobelet de mégots contre une carte cashless. Mission rapide au bar (enfin pas si rapide vu l’attente aux bars) et on a le bonheur de se voir offrir : un soft ! Ahah, sympa… 

 

AUTANT EN EMPORTE LE VENT

Finalement, le mauvais dimanche nous poussera à prévenir par texto que nous ne viendrons pas œuvrer un jour de plus. Les raisons invoquées pour nous justifier : fatigue, météo, absence de boissons et repas insatisfaisant. Le love, c’est bien, mais ça ne nourrit ni hydrate

 

À part le teeshirt, il n’y a aucun avantage à être bénévole. C’est dommage, et c’est peut-être une des raisons qui fait que les gens se désistent. Ne pas être en capacité de fournir un repas chaud et satisfaisant ou des softs (ne serait-ce que du café) à sa ressource humaine est une aberration. Que dire de la sortie définitive qui contraint les bénévoles de la journée à ne pas pouvoir rentrer chez eux prendre une douche ? Ni même à se rendre au Casino en face du festival pour toper des choses à manger ou boire ?  

On ajoutera que le greenwashing omniprésent sur le festival est rapidement contredit par les multiples produits dérivés, les stands louches ( Axe ?) ou carrément écocidaire (TransAvia ?). Mais bon ! Les gros évènements et le star system sont vraiment incompatibles avec une gestion consciente des ressources finies que nous offre la planète terre… Autant faire la fête ! 

Concluons cet article déjà beaucoup trop long on pourrait dire que malgré une volonté de faire un événement populaire le Delta doit répondre à une logique capitaliste. En mettant des tarifs last minute à 80€ la soirée et en proposant un espace VIP pour un prix mirobolant cet évènement est réservé aux privilégiés qui peuvent se le permettre. Soit, si ça ne privatise pas pendant 3 semaines une partie de plages les plus fréquentées de Marseille fin août ça serait certainement moins remarquable. 


Les témoignages publiés sur KEPS et ses différents réseaux sociaux sont issus de notre communauté. Ils peuvent nous être envoyés par email, en messagerie privée, ou racontés de vive voix (et enregistrés puis retranscrits), ils sont le récit d’une expérience toujours subjective. Il convient de les prendre tels qu’ils sont : un morceau de la réalité d’une personne. La plus grande bienveillance est de mise et les propos tenus ici ne reflètent pas une position de Kepsmag ou de l’association Bus 31/32.

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