Ou comment X a, selon elle, « redécouvert le bonheur » en testant l’injection de 3-MMC pour la première fois.
Vendredi 30 Août, 3H25
Putain, pourquoi je rate toujours mon dernier slam ? J’ai des crampes aux jambes, je suis toute recroquevillée dans mon lit, pas question de dormir sans avoir fait un bon dernier shoot. Ça pue le sang dans ma chambre, j’en ai foutu un peu partout sur mes draps. Ma mère, qui dort, mais qui je sens va bientôt se lever pour faire pipi, me demandera, comme à chaque fois « c’est quoi ces traces ? », je sais même pas ce que je lui répond d’habitude, un truc du genre « mais c’est rien, ça date », pfff…
Pas de nouvelles de Quentin, je me sens totalement impuissante. Je fais tout pour qu’il rentre chez lui et qu’il arrête de consommer, alors que j’ai récupéré presque 6 g aujourd’hui. Je suis vraiment une grosse merde.
J’ai la pâteuse, je pue de la gueule et j’ai bien trop la flemme de me démaquiller.
J’ai fait lire mes quelques lignes à Sido, il a bien aimé, ça me fait plaisir. On a passé 3 ou 4 heures au téléphone à parler de Dieu, de drogues, d’écriture et j’en passe. Il a trouvé LE site de RC, on attend notre RSA comme des rats.
Honnêtement, je ne sais pas trop dans quoi je m’embarque. Je vais reprendre la cons quotidienne comme avant ? Et Quentin dans tout ça, notre projet, on en fait quoi ? Je suis un peu perdue, mais je sais que je peux trouver la bonne équation et enfin mener une vie qui pourrait me plaire.
Ni regret, ni tristesse, rien
Je pars en vacances dans deux jours avec ma mère et ma sœur dans une petite ville près de Marseille, où nous allons tous les étés depuis vingt ans. Ça va être funky, moi en descente, ma mère qui va capter que j’ai reconsommé et ma petite sœur qui ne m’adresse plus la parole depuis la fois, où, en bad total de LSD, je suis rentrée chez moi et j’ai tabassé mon autre sœur parce qu’elle dormait dans ma chambre.
On s’est battues comme des taulards pendant une bonne trentaine de minutes, ma mère au milieu qui se mangeait des tartes dans la gueule, la moitié de la vaisselle éclatée par terre (je sais pas pourquoi les gens aiment tant péter des assiettes quand ils sont énervés, moi je casse des téléphones).
Je sais, ce n’est pas NORMAL de cogner sa petite sœur sans raison (même si le L m’a mis dans un mal terrible), mais quand j’y repense, je ne ressens rien, ni regret, ni tristesse, rien. J’ai beau la regarder des fois, essayer d’avoir un minimum de remords pour ce que j’ai fait, mais c’est le vide émotionnel.
Honnêtement, je n’arrive pas trop à comprendre pourquoi. Nous avons toujours été proches, et pendant les pires moments de ma vie, elle était là. Malgré ses problèmes à elle (je suis quasi certaine qu’elle est alcoolique), elle s’occupait de moi comme une infirmière. Elle était toujours là, quand je me retrouvais à Tenon pour x ou y raison, pour me ramener à manger, dormir à côté de moi. Même dans des moments où je voulais qu’elle se casse parce qu’elle arrivait totalement bourrée aux urgences.
Dernier souvenir que j’ai en tête de nous deux dans cet hôpital de l’horreur, c’est quand j’y étais pour une constipation qui durait depuis plus de 10 jours (sûrement liée au fait que je mangeais pas et que prenais au moins 30 ml de G par jour). Je ne suis pas très douillette, mais à ce moment-là je souffrais.
Les médecins, après inspection de mon intérieur, ont décidé de m’administrer des lavements. Et comme ils ne constataient aucune évolution, ils me donnaient tout simplement des tubes plus gros à me foutre dans le cul. Je ne parle pas des petits lavements qu’on se fait avec le tuyau de la douche avant de se faire enculer.
Nan nan.
Le dernier était tellement énorme (1 litre de contenu que je dois réussir à garder le plus longtemps possible dans mon trou de balle, afin d’évacuer ce qui potentiellement m’empêche de chier depuis des jours) que c’est l’infirmière qui s’est chargée de la mission.
En sortant de ma chambre, ma sœur est là, à peine le temps de la regarder que je cours aux toilettes, impossible de garder le contenu plus longtemps que ça. Elle me suit et me voit sur les chiottes, ma triple couche aux pieds, en train de chier de l’eau pendant au moins 40 secondes en pleurant de douleur.
Ce genre de truc quoi.
« Elle » a changé ma vie
Je sens que ma mère va débouler mais je le veux ce putain de slam.
Comment j’ai commencé à me piquer de façon quotidienne ? À cause d’une pratique, surtout répandue dans le milieu homosexuel, le chemsex. J’ai beaucoup traîné dans le milieu gay et vite, je me suis familiarisée avec cette pratique.
Mon meilleur ami de l’époque, un partouzeur invétéré, a cédé à mon envie obsessionnelle de me faire piquer. Je n’avais pas peur du tout, au contraire, ça m’excitait. Je pense même que ce qui m’attirait le plus, c’était qu’on me m’enfonce une aiguille dans le bras, je ne me demandais pas vraiment quels étaient les effets de cette drogue directement injectée dans le sang.
Et là…
WOW.
Vendredi 30 Août, 10H48
Je reprends là où je me suis arrêtée tout à l’heure. J’ai très peu dormi, je sens comme un poids sur ma tête, qui compresse tout mon corps, mes yeux brûlent. J’aimerais retourner dormir.
C’était il y a 4 ans. La 3–MMC était bonne, c’était mon antidépresseur. J’en consommais quotidiennement avec ma petite paille, je prenais des « pointes », toute la journée et ça me mettait bien. Mélange parfait entre dopamine et sérotonine, molécules qui manquaient désespérément à mon petit cerveau. Peu importe où j’étais, dans la rue, dans les transports, au bar, mon pochon et moi étions inséparables.
Elle était si bonne que j’en consommais 1 à 2 g grand max par jour. « Elle » a changé ma vie.
Je suis passée de la meuf qui restait cloîtrée chez elle, à se défoncer aux anxio et au tramadol, à une fille qui s’ouvrait aux autres (dans tous les sens du terme), sortait, rencontrait de nouvelles personnes. Je pense que quand j’ai goûté pour la première fois à cette drogue de synthèse, j’ai redécouvert le bonheur. Pourquoi mentir? J’étais malheureuse, dépressive et malgré le fait que ma « tentative » de suicide soit arrivée quelques années plus tard, je me réveillais chaque matin avec une seule envie. Je voulais mourir.
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