Le témoignage du jour aborde la santé mentale et le diagnostic de l’autisme ainsi que l’épineuse question du « consommer seul·e » avec des arguments très subjectifs qui sont valables et des précautions prises qui laissent entrevoir une pratique consciente des risques. Cependant ce n’est pas à prendre à la légère (ni comme un exemple) : toutes les consommations de drogues (même légales) comportent des risques. Si les notions de Set & Setting et de dosages sont évidemment centrales, des conduites addictives peuvent quand même se développer malgré une bonne connaissance des risques.
« J’ai écrit un truc cet aprem qui peut être intéressant, j’espère c’est pas trop long, J’ai pas trouvé de titre aussi, Et je me suis dit que peut–être il faudrait rajouter à la fin un « disclaimer » par rapport au danger de consommer seul, je vous laisse voir.
Une balance perpétuelle
J’ai été diagnostiqué autiste il y a deux ans, après être tombé en dépression due à un burn out autistique.
L’autisme impacte toute ma vie, mes relations, les actes du quotidien, ma santé mentale.
Je considère ça comme un handicap, la société est incapable de s’adapter à mon fonctionnement, elle me demande en permanence de fournir des efforts dont je suis incapable.
Alors pour m’adapter, les drogues sont venues comme une énième béquille, surtout après avoir été très déçu du potentiel des médicaments psychotropes prescrits.
Cannabis, psychédéliques, RC, stimulants, dépresseurs, dissociatifs, tout y passe. Et c’est aussi devenu mon intérêt spécifique, ma grande passion.
Sous certaines substances, je me sens moins handicapé, mais je ne le prends pas pour acquis, j’utilise ça pour mieux pointer mes difficultés une fois sobre. Car sinon il suffirait d’être défoncé toute la journée, parce que mon autisme se voit moins. Mais je ne veux pas que ça marche comme ça, évidemment.
La consommation de drogue, c’est une balance perpétuelle qui peut se déséquilibrer à tout moment : « C’est toi qui contrôle le produit », « ou c’est le produit qui te contrôle ».
Pour l’instant ce qui me permet de garder une consommation peu problématique c’est mes connaissances des produits (et notions en rdr) ainsi que mon besoin de contrôle permanent.
Je préfère consommer seul
J’ai une façon de consommer assez unique, je préfère consommer seul, et d’ailleurs c’est la manière la plus safe que j’ai trouvée pour moi. Quand je consomme en groupe, j’ai tendance à augmenter facilement les dosages, à être plus facilement influencé pour tester des choses que je n’avais pas prévues, ou à juste me sentir mal dû à mes problèmes de communication… Et surtout, ça m’ouvre la porte à « me défoncer pour me défoncer ».
Chose que je refuse jusqu’à présent, certes, j’y prends beaucoup de plaisir sur l’instant, mais je veux toujours en tirer quelque chose sur un plus long terme. Et surtout, pouvoir y réfléchir sobre, et mieux accepter ma réalité grâce aux drogues, sans attendre impatiemment ma prochaine session.
Mais c’est un équilibre fragile qui ne dépend pas que de moi et ma volonté, je suis très sensible donc une variation de l’environnement ou de ma santé mentale peut tout faire basculer, j’en suis conscient.
Quand je consomme seul, je choisis le dosage et je sais (+ ou – évidemment) d’où vient le produit, je gère le set and setting et diminue les risques d’imprévus.
Ma plus grande peur c’est la perte de contrôle de moi-même, ce qui m’empêche de pousser mon corps à bout physiquement et mentalement. Mais parfois ça arrive, c’est quand le produit prend le dessus chimiquement dans le cerveau, le danger il est là.
Et malgré ma peur de l’imprévu, consommer une substance EST quelque chose d’imprévu. Car ça modifie les perceptions de mon corps et de mon esprit de façon incontrôlable, mais la plupart du temps, d’une façon à y prendre du plaisir,
Peut être qu’un jour, J’arriverai à savourer un imprévu sobre. »
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