Marseille, le 27 novembre 2025,
Santé et justice nulle part, police partout. Voilà ce qui se dessinait derrière la cynique opération « Santé Justice » planifiée le 26 novembre par la préfecture des Bouches–du–Rhône et l’ARS PACA. Non, la lutte contre le trafic ne justifie pas tout.
Le 26 novembre, un nouveau palier dans la répression et la brutalisation des usagers de drogues a bien failli être franchi. Face à l’indignation unanime des associations marseillaises de prévention et de réduction des risques, la préfecture des Bouches-du-Rhône et l’ARS PACA ont finalement renoncé à « l’opération Santé Justice », qui consistait en un vaste « ratissage » visant les consommateurs de drogues à la rue dans le centre-ville de Marseille. Cette opération, fondée sur une confusion assumée entre santé et sécurité publiques, s’inscrit dans une dynamique de surenchère répressive engagée il y a plusieurs mois par les autorités préfectorales.
Nous, associations, collectifs citoyens, structures de prévention et d’accompagnement, appelons l’ARS et son ministère de tutelle à reprendre au plus vite la main sur une situation qui relève d’abord de ses prérogatives : la santé et l’accompagnement des personnes les plus fragiles.
La préfecture et l’ARS avaient sollicité le soutien d’acteurs associatifs du champ sanitaire et social pour participer à cette opération qui, envisagée à bas bruit depuis plusieurs semaines, devait avoir lieu ce 26 novembre. Les populations ciblées, des femmes et des hommes vivant à la rue et ayant besoin, pour la plupart, d’un accompagnement médicosocial au long cours, devaient ainsi être regroupées pour une demi-journée dans un centre « de transit », avant d’être réorientées au cas par cas : vers les structures associatives pour les plus chanceuses, vers les centres de rétention ou une garde à vue pour les autres.
Les associations marseillaises engagées dans la prévention, la réduction des risques, l’addictologie, l’accès aux soins et aux droits, l’hébergement et l’accompagnement social, ont unanimement refusé de s’associer à cette « opération », qui va à l’encontre de tous les principes élémentaires en santé publique. Fondée sur la coercition, elle ne laisse aucune place au consentement éclairé d’acceptation des soins. En réalité, le volet « santé » de l’opération semble surtout servir de « caution d’acceptabilité » à une brutale opération de contrôle et de répression.
Soyons sérieux : aucune approche thérapeutique, aucune stabilisation, aucune orientation efficace ne peut émerger d’une procédure expéditive de quelques heures. Sans même évoquer les questions éthiques qu’elle soulève, une telle opération serait foncièrement inadaptée et contre-productive. Elle nourrirait la méfiance des personnes concernées à l’égard des acteurs associatifs et ne ferait qu’isoler et marginaliser davantage des personnes déjà extrêmement vulnérables.
Cette opération est d’autant plus indigne qu’elle fait suite au rejet systématique par la préfecture de toutes nos propositions construites depuis de nombreuses années en matière de prise en charge des personnes concernées et de réduction des nuisances liées aux consommations dans l’espace public. Ces propositions ont pourtant donné des résultats pérennes partout où elles ont été mises en œuvre, elles auraient pu apaiser durablement la ville et améliorer la situation sanitaire.
Parmi elles, évidemment, la Halte soins addictions (HSA) : un dispositif largement documenté, maintes fois évalué, qui a fait ses preuves dans d’autres grandes villes de France et d’Europe. Conçues pour accueillir, soigner, apaiser l’espace public et accompagner les personnes les plus en difficulté, les HSA ont depuis longtemps prouvé leur efficacité. Une ou plusieurs HSA à Marseille permettraient de réduire les nuisances subies par les riverains, en offrant une alternative concrète à l’errance et aux consommations à risques. Son implantation a pourtant été rejetée par la préfecture, sans justification à la hauteur des enjeux. D’autres propositions, concrètes et immédiatement réalisables, ont été mises sur la table. C’était il y a plusieurs mois, nous attendons toujours un retour à nos courriers restés lettre morte.
Rappelons par ailleurs que les dispositifs existants de soins et de réduction des risques sont aujourd’hui exsangues, dans l’incapacité de répondre aux besoins des personnes.
Face à ce refus systématique de bâtir des solutions pérennes, la mise en scène de cette opération policière sonne comme un renoncement politique. Pour les acteurs de terrain et les personnes concernées, elle sonne même comme une forme de provocation.
Nos associations ne seront pas la caution sanitaire ou sociale de la « guerre à la drogue », que l’on appelle désormais narcotrafic. Nous ne sommes pas les alliés du trafic. Nous ne serons pas non plus ceux de la répression arbitraire.
Nous appelons les pouvoirs publics à ne plus céder aux réponses simplistes, à sortir des postures et des effets de communication.
Associations, riverains et citoyens restent mobilisés : nous sommes prêts à accompagner les autorités vers une stratégie durable, concertée, fondée sur le respect des droits, de la dignité des personnes concernées et les connaissances scientifiques, qui, seule, permettra de garantir la tranquillité publique.
Contacts presse :
Addiction Méditerranée : Laurence Emin | 06 80 73 08 82
ASUD MSY : Caroline Gasiglia | 06 20 78 64 48
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Collectif Je dis OUI : Muriel | 06 63 71 12 34
Médecins du monde : Didier Febvrel | 06 25 35 56 35
Nouvelle Aube : Sophie Desrousseaux | 06 89 56 61 81
Vers Marseille sans sida et sans hépatites : Michel Bourrelly | 06 25 91 64 07
Signataires : Addiction Méditerranée / AIDES / ASUD MSY / Bus 31/32 / Collectif Alerte PACA / Collectif Belsunce / Collectif Je dis OUI / Habitat Alternatif Social / Réseau HARENE / Médecins du monde / Nouvelle Aube / Vers Marseille sans sida et sans hépatites