De minuit à minuit - Sara Mychkine - ed . Le Bruit du Monde
De minuit à minuit - Sara Mychkine - ed . Le Bruit du Monde

De minuit à minuit – une lettre d’adieux déchirante

Publié le 17 mai 2024 par Maxime

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Cet article parle de : #addiction #sante-mentale #culture #livres

Un texte court, bref, vif et acéré. Comme un coup de poing dans la gueule au milieu de la colline du crack.

Une mère (elle n’a pas de nom) adresse une dernière lettre à sa fille (elle aussi anonyme) dont la garde lui est retirée. Abordant entre autres sujets la vie, la mort, l’envie de mort et donner la vie à travers 15 mouvements qui sont autant de courts chapitres l’auteurice, à travers une forme poétique composée de vers, incarne cette maman prête à perdre sa fille. 

Première personne de rigueur, c’est au fil des pages qu’on comprend le parcours de cette femme. La violence, la violence coloniale, la violence héritée de la culture, de la famille, de la société. La violence envers elle-même, la violence des autres à son égard et surtout, la violence contre une société dans les marges de laquelle elle est contrainte de vivre. 

La colline (du crack) est presque un personnage à part entière. Tout autant que le crack lui-même. La colline appelle, la colline rappelle et cette femme y laisse son bébé pleurant dans un tas d’ordure à côté d’une tente où elle s’injecte. On devine une existence faite de douleur et d’épreuves innommables qui fendent l’existence en plusieurs morceaux. 

La violence sexuelle est bien sûr présente. Rabâchée même, mais à juste titre. On sait qu’être une femme expose à une violence sexuelle inouie. Phénomène dûment renseigné par la sociologie et les archives criminelles de tous les pays. C’est encore plus le cas si une femme est précaire, si elle est à la rue, si elle est en situation irréguliere ou usagère de drogue. Ou si elle cumule ces différentes caractéristiques.

Le fond & la forme 

Dans un bel entretien accordé au magazine Diacritik Sara Mychkine raconte à propos de la forme poétique en vers :

« J’ai choisi cette forme très simplement parce que j’écris dans des carnets. Bon, je dis des carnets mais en réalité, on est plus sur le cahier de brouillon à 90 centimes qu’on achète en supermarché. Il y a un mouvement organique dans l’écriture à la main, une désinstutionnalisation du geste, peut-être, qui fait que j’y ai trouvé une immense liberté. Instinctivement, j’ai commencé à sauter des lignes de manière aléatoire

à effacer ponctuations et majuscules
pour que l’espace suive
les mouvements
de ma langue

C’est cette liberté que j’ai souhaité donner à la mère. Cette liberté qu’elle trouve en choisissant enfin d’écrire, de s’écrire, pour sa fille, pour ses sœurs, pour arracher du néant tout ce qu’elle a été. Mais il y a aussi, c’est vrai, le reflet du monde dans cette façon de faire ployer l’espace par l’écriture. Une oscillation entre le silence, le vide et ce qui est. Le chant derrière la parole. La pulsation fiévreuse de la vie, sa mâchoire morbide, ses os qui sifflent. J’ai toujours été fascinée par le rythme du langage, sa musicalité. À quel point les mots ne suffisent pas à dire. À moi, ils ne m’ont jamais suffi. C’est de là que je suis née poète·sse. Du manque. »

« De minuit à minuit » est un roman de 150 pages écrit par Sara Mychkine publié en 2023 aux édition Le bruit du monde.

Si vous souhaitez en feuilleter les premières pages vous pouvez consulter Google Books, pour lire les avis de la communauté Babelio c’est là et pour l’acheter ce sera sur le site de l’éditeur.

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