Coyverture du livre Heroïna écrit par Marc Fernandez + complétion IA générative Adobe.
Coyverture du livre Heroïna écrit par Marc Fernandez + complétion IA générative Adobe.

« HÉROÏNA » une fiction dans un univers bien réel.

Publié le 20 décembre 2023 par Maxime

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Cet article parle de : #culture #fictions #livres

« HÉROÏNA »  est un roman francophone de 200 pages du journaliste Marc Fernandez, sorti en 2023 aux éditions Harper Collins dans la collection « Noir ». 

 

Une famille pas comme les autres 

Le livre raconte l’histoire d’Olivia, son mari Roberto et leur enfant Pablo. Un noyau familial pas comme les autres puisqu’à Acapulco, où l’intrigue prend place, Roberto est un chef de Cartel. Il dirige des opérations de production, de transport, de revente et d’intimidation à grande échelle sur la ville, mais aussi l’État de Guerrero et plus largement le pays. Le livre est composé d’une vingtaine de chapitres, plutôt courts, qui offrent les points de vue des deux parents et parfois d’autres narrateurs. 

Olivia est l’héroïne désignée par le titre. Si elle s’est accommodée sans être dupe de la transition de job de son époux, passé du BTP au narcotrafic, un jour, son univers vacille. Elle surprend son mari emballer de la poudre avec son enfant dans la cuisine. Elle réalise alors que son doux Pablito sera forcément contraint de rejoindre le milieu et l’entreprise paternelle, mais aussi qu’aux yeux de la loi, elle est complice de toutes les actions de sa moitié. Le doux Pablito, lui, rêve d’ouvrir une librairie confortable et chaleureuse pour consacrer sa vie d’adulte à sa passion : les livres. 

Alors que cet épisode lui reste en tête et la fait vriller, elle rencontre fortuitement un de ses anciens camarades de classe, Martin Calderòn, devenu une figure nationale de la lutte antidrogue. Sautant sur l’occasion, Olivia demande à Martin de l’aider à extraire Pablo de l’emprise du narcotrafic, le temps presse car il est déjà adolescent. 

Martin va s’inspirer du travail d’un juge italien luttant contre les dynasties mafieuses de Calabre et va proposer à Olivia de placer Pablo dans une famille d’accueil en changeant son identité, protégé par le programme de protection des témoins, et de les déchoir tous les deux de leurs droits parentaux. 

 

Un page-turner efficace 

Le livre se lit très rapidement, c’est un page-turner efficace dont l’intrigue est certes simple mais agréable à suivre. On regrettera certaines situations un peu trop « faciles » mais ça ne gêne pas la crédibilité de l’histoire. Le vocabulaire utilisé est très accessible, il n’y a pas de fioritures de style trop abstraites et, surtout, le livre s’ancre dans le réel. Et c’est sa grande force. Sa valeur informative, sa manière de se référer à des affaires judiciaires réelles, à de vraies déclarations de célébrités, à la véritable initiative d’un juge pour enfants italien, ou encore au comptage officiel de morts rapporté par les médias d’information, apporte un réalisme brutal et dérangeant, rendant l’ensemble bien plus intéressant et bien moins gratuitement sensationnaliste que d’autres romans de trafic qu’on a pu voir passer par ici ces dernières années. 

Si cette dimension journalistique est aussi prégnante, c’est certainement car l’auteur a été journaliste spécialiste de l’Amérique latine et de l’Espagne, au service notamment du Courrier International. Passionné de polar, il est à l’origine de la revue Alibi et a notamment écrit une trilogie inspirée de faits divers sudaméricains (Mala vida, Guerilla Social Club et Bandidos). 

 

C’est à Acapulco, Mexique, que se déroule l’histoire. Acapulco ville côtière, ville de rêve dirait-on. Mais ça, c’était avant (et encore, le passage de l’ouragan Otis fin octobre 2023 ne va pas arranger les affaires des habitants). Acapulco jouissait d’une aura idyllique, comme Monaco ou Saint-Tropez peuvent faire rêver chez nous. Les célébrités, le luxe, la fête ont disparu à mesure que le lieu s’est démocratisé et a cédé au tourisme de masse. Mais une insécurité généralisée s’est répandue sur le Mexique lorsqu’en 2006, Felipe Calderòn a militarisé la lutte contre les narcotrafiquants du pays. 

 

Un paradis devenu enfer 

Dans l’article « Le Mexique sombre dans le narcotrafic et la violence » datant de 2012, Le Monde diplomatique soulignait même que « le président mexicain Felipe Calderón a aggravé l’un des conflits civils les plus meurtriers de la planète, sans s’attaquer au trafic d’armes et à la pauvreté. Une guerre d’un nouveau type ravage le pays. »

Puis de détailler « Entre janvier 2007 et décembre 2011, 50 000 personnes ont perdu la vie au Mexique dans le cadre de la guerre de la drogue, et 10 000 ont disparu. Le conflit s’étend désormais sur tout le territoire mexicain. Les spécialistes du narcotrafic à l’ONU avaient pourtant mis l’exécutif en garde contre les risques d’une aventure mal préparée qui se limiterait au seul terrain militaire, sans s’attaquer au trafic d’armes, au blanchiment d’argent et, surtout, à la pauvreté. Or, en six ans de « guerre », l’État mexicain a été incapable d’œuvrer dans ces trois domaines, où les cartels mexicains trouvent pourtant les ressources leur permettant de gagner du terrain. »

L’article expliquait également qu’avec 29% de moins de 15 ans en 2010, le Mexique fondait son développement sur une tranche d’âge jeune, pour laquelle trop peu d’argent a été investi en termes d’aides et d’éducation. Pas assez qualifiés, laissés aux mains d’un taux de pauvreté délirant, ils forment une réserve de main d’œuvre inépuisable pour des narcos qui ont de l’argent. D’autres facteurs sont également pointés dans l’article pour expliquer le climat actuel : le démantèlement du secteur de l’agriculture au profit d’un accord de libreéchange nord-américain, ALENA, qui a laissé aux abois des centaines de milliers de paysans (et de terres). Autant de « cadeaux » faits aux narcotrafiquants pour agrandir les champs de pavot somnifère et de coca, qui ne semblent pas avoir rempli les objectifs de satisfaction initiaux attendus par les gouvernements signataires. 

 

Acapulco, capitale du crime

La disparition de chefs de cartels emblématiques n’a en effet pas du tout permis d’enrayer le trafic, mais a plutôt laissé vacantes des places qui « font rêver » et pour lesquelles de nombreux trafiquants plus petits mais ambitieux se disputent à l’arme de guerre. Depuis 2010, les chiffres n’ont fait qu’augmenter. Paris Match titre « Acapulco capitale du crime » et les faits divers sordides se répètent sans fin. 

Dans le livre, Olivia se lamente et regrette souvent ce qu’est devenu « son » Acapulco, sa ville de rêve. Elle insiste également plusieurs fois sur la banalité de ces attaques, devenues habituelles, et sur la façon dont la population s’est accoutumée à ces bains de sang. 

Il ne semble pas y avoir d’issue possible à ce conflit armé, dans lequel les civils se trouvent coincés, d’une part, entre l’armée et les cartels, mais également entre les cartels eux-mêmes, qui s’affrontent dans une version réaliste et latine de Game of Thrones, sans dragons mais avec AK-47 et une classe politique largement pénétrée par l’argent des narcos.

En 2017, Libération revenait sur ce phénomène dans un article au nom sans équivoque « Onze ans d’efforts, 200 000 morts… et des cartels au plus fort ». Pour avoir une image peut-être plus parlante pour comprendre la difficulté à lutter contre le trafic de drogue, il faut l’imaginer comme une hydre, la bête mythologique de la Grèce antique. À chaque fois qu’une tête est tranchée, deux autres repoussent, les têtes étant bien sûr l’incarnation des cartels, des réseaux, des mafias, ou peu importe comment vous les appellerez. 

 

Extraire les enfants du cercle infernal

Dans le roman, afin de soustraire Pablo à sa destinée funeste, Martin Calderòn s’appuie donc sur les travaux d’un juge italien, Roberto Di Bella, « un de ces juges courageux, en Italie, qui consacrent leur carrière à la lutte contre la mafia. À Reggio de Calabre, Roberto Di Bella a trouvé une nouvelle manière de lutter contre la toute puissante mafia locale, la N’dranghetta. Depuis 2011, il obtient des décisions de justice pour exfiltrer les enfants de mafieux vers d’autres régions d’Italie. Le juge tente ainsi de les soustraire à cette culture de la criminalité et veut casser le cercle infernal de reproduction des clans mafieux », relate RFI.

« À 57 ans, le juge Di Bella, qui vit sous protection policière, a déjà accumulé près de trente ans d’expérience sur les us et coutumes de la mafia calabraise. Il affirme être en mesure de reconnaître immédiatement dans son tribunal les mineurs appartenant à des ‘ndrine les clans composant la ‘Ndrangheta parce qu’ils sont entraînés dès leur plus jeune âge à dissimuler leurs émotions pour éviter de se trahir. « Souvent ils ont vu leur père, leur frère ou leurs grands-parents se faire tuer. Et selon le code de la mafia, ils doivent les venger, alors la violence appelle la violence dans une spirale sans fin », raconte L’Express dans son article « Casser la lignée de la mafia, à travers les enfants ».

 

Bref, au moment d’appeler un livreur, gardons en tête qu’il n’existe pas de cocaïne qui soit produite dans le respect des droits humains.

 

Pour en savoir + sur la situation au Mexique 

« Splendeurs et misères d’Acapulco, paradis de la jet-set devenu repaire de narcotrafiquants » sur le site Vanity fair : https://www.vanityfair.fr/savoir-vivre/lifestyle/story/acapulco-jet-set-declin-slim-aarons/12320 

« Guerre de la drogue au Mexique » sur le site wikipedia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_de_la_drogue_au_Mexique 

« Le Mexique sombre dans le narcotrafic et la violence » sur le site du monde diplomatique : https://www.monde-diplomatique.fr/publications/l_atlas_mondes_emergents/a54227 

« Mexique : guerre des cartels, l’insécurité gangrène l’État du Chiapas » un reportage de France 24 : https://www.youtube.com/watch?v=DO9spzZt56Q 

« Cartels : passer la frontière » un reportage de Charles VILLA pour BRUT : https://www.youtube.com/watch?v=8ST2x8UDfJc 

« Mexique : la réalité derrière le narcotrafic »  un reportage de Charles VILLA pour BRUT : 

https://www.youtube.com/watch?v=IE5uesiNQhk 

 

Pour en savoir + sur le travail du juge Di Bella 

« Le juge qui sauve les enfants de la mafia italienne », sur le site du Journal du dimanche : 

https://www.lejdd.fr/International/Le-juge-qui-sauve-les-enfants-de-la-mafia-italienne-850403-3145931 

« Casser la lignée de la mafia, à travers les enfants », sur le site de L’Express : https://www.lexpress.fr/monde/casser-la-lignee-de-la-mafia-a-travers-les-enfants_2142655.html 

 

Pour en savoir + sur le livre 

Pour lire les avis de lecteurs sur le site Babelio.com : https://www.babelio.com/livres/Fernandez-Heroina/1497475 

Pour lire la revue de Gilbert Chevalier sur FranceInfo : https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/a-livre-ouvert/heroina-de-marc-fernandez_5838368.html 

Pour lire un article de blog qui parle du livre : https://domiclire.wordpress.com/2023/05/21/heroina-marc-fernandez/ 

« Polars – Enfances en détresse », sur le site du journal Option au coeur du social : https://journaloptions.fr/2023/07/13/polars-enfances-en-detresse/ 

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