C’est le premier film hollywoodien à parler ouvertement de drogue et des effets qu’elle engendre. À ce titre, il marque l’histoire d’Hollywood puisque les discussions avec les commissions de censure furent très agitées, afin de parvenir à obtenir l’autorisation de parler au cinéma de drogue, d’addiction et de sevrage, qui faisaient partie des sujets tabous interdits par le code Hays à l’époque.
Le film retrace l’histoire de Frankie Machine, qui revient dans son quartier après une cure de désintoxication, bien décidé à ne plus consommer d’héroïne. Il rêve de devenir musicien de jazz, après avoir découvert la batterie lors de son séjour au centre. Malheureusement, sa femme, en fauteuil roulant depuis un accident de voiture causé par Frankie en état d’ivresse, s’oppose fermement à ce projet. D’anciennes fréquentations refont surface et Frankie replonge, malgré l’aide et le soutien de Molly, sa voisine avec qui il entretient une liaison amoureuse.
Le film offre un traitement très moderne de l’addiction pour l’époque. On voit le piège se refermer sur Frankie et ses bonnes résolutions volent en éclats à l’épreuve de la précarité, d’un entourage malsain et d’un contexte de vie qui le pousse inexorablement vers la conso. Les scènes de conso ne sont pas spectaculaires, plutôt pudiques même. Le film ne tombe pas dans les écueils classiques et lourdingues de surdramatisation de la prise de drogue, de l’extrême misérabilisme et de la mise en scène gore de la pratique de l’injection. On imagine que c’est également par souci de censure, mais le résultat est agréablement plus subtil que dans certaines autres œuvres contemporaines traitant du même sujet.
C’est frappant de voir un film de 1955, en noir et blanc, avec un casting exceptionnel, aborder ce genre de thématique ! Il est également connu pour son générique, réalisé par le graphiste Saul Bass et la partition très novatrice d’Elmer Bernstein qui marque le début d’une façon d’utiliser le jazz au cinéma. L’intérêt en termes de culture ciné est certain.
Un film d’époque
En revanche, années 50 obligent, la caractérisation des personnages féminins demeure assez caricaturale. On a vraiment une opposition claire entre deux figures stéréotypées : d’un côté, l’épouse hystérique et manipulatrice, et, de l’autre, l’infirmière douce, bienveillante et dévouée. C’est tellement marqué que ça en devient rapidement agaçant.
Finalement, le récit nous surprend en offrant une fin plutôt optimiste, après une descente aux enfers qui semble ne plus pouvoir finir.
On voit bien ici l’importance de l’accompagnement médical et le rôle déterminant du soutien des proches (on pense ici à l’aide bienveillante de Molly). On constate aussi à quel point l’entourage et le contexte de vie comptent quand il s’agit de dépendance et d’habitudes de consommation. Le fait de trouver d’autres envies que la conso, des projets porteurs, des choses qui donnent du sens et font du bien (ici la batterie et l’audition pour devenir musicien pro), est aussi présenté comme un moyen de retrouver du contrôle sur ses consos.
L’Homme au bras d’or ( The Man with the Golden Arm) est un film américain tiré du roman homonyme de Nelson Algren et réalisé par Otto Preminger, sorti en 1955.