BD, Homme Pénétré, Martin Py
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L’homme pénétré, ou le cour d’éducation sexuelle moderne qui fait du bien

Publié le 13 juin 2025 par Meureh

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Cet article parle de : #culture #livres

L’homme pénétré : repenser notre intimité, c’est la BD incontournable qui, à travers une pratique sexuelle très tabou, offre une réflexion sociétale qui s’étend jusqu’à la construction de toute notre sexualité et nos normes de genre.

À partir d’une analyse assez parlante, à savoir que la moitié des hommes hétérosexuels ont déjà été pénétrés par leur partenaire féminine mais que seulement 4% d’entre eux osent assumer cette pratique, Martin Py et Zoé Redondo décryptent cette statistique avec pédagogie, de manière ludique et accessible, en mettant à bas le concept de virilité et ce qu’il implique.

Des personnages pas si fictifs

Plusieurs sujets sont abordés pour une réflexion plus globale grâce à différents personnages taillés pour le rôle. Un médiateur neutre et fictif, Eddy, qui se fait animateur des quatre autres protagonistes, inspirés de faits réels. Nous retrouvons Johakim, le brut de décoffrage, mec cisgenre hétérosexuel les deux pieds dans les clichés mascu, accroché à sa virilité et qui multiplie les sorties de route, avant de se réveler un personnage plus complexe, avec des doutes et un parcours de vie atypique. Gaëtan, son ami d’enfance, se démarque pour être plus flex dans son rapport à son corps et aux pratiques qui l’animent, un homme cisgenre hétérosexuel curieux, plus délicat que son copain de longue date. À ses côtés comme petite amie, Alissa, femme cis hétérosexuelle, féministe décompléxée et sûre d’elle qui affirme ses convictions avec détermination. Également plus à l’aise à l’idée d’explorer sa sexualité et celle des autres, elle milite même pour en parler de manière fluide en démystifiant la pénétration masculine. Pour finir, son ami Merwan, homosexuel bien en dehors des clichés, qui se dévoile peu à peu dans le livre en décortiquant son vécu, et sa vision de la sexualité à travers son plaisir et ses coups durs.

Des parcours différents pour une même réalité 

Et c’est avec beaucoup d’humour et de légèreté que ces cinq personnages nous plongent dans des sujets en réalité très lourds : leur intimité, leur milieu social, leur enfance et ce par quoi ils sont passés, là où les doutes se sont installés et la place qu’ils occupent encore aujourd’hui dans un monde qui peine à déconstruire ses stéréotypes de genre et qui porte une vision toute tracée de ce que doit être une sexualité épanouie, en fonction du genre.

En retraçant leurs expériences, leurs plaisirs inavouables, le regard sociétal dont ils souffrent, mais aussi leurs difficultés, leurs agressions, leur errance médicale et sentimentale, les limites placées et dépassées, c’est tout un paysage sociétal où la sexualité est centrale quoique taboue dont on nous dresse le portrait, et qui donne la fervente envie de s’émanciper en bousculant tous ces carcans.

Un outil pédagogique palliatif 

Disposer de ce genre d’outils pédagogiques est indispensable et nous remercions nos deux artistes de s’être penchés sur le sujet avec autant de précision, de douceur et de talent. Comme nous le soulignions dans notre campagne sexualité de février, les besoins de supports éducatifs sont immenses et aborder la vie sexuelle au sens large du terme s’avère être un parcours du combattant. Encore plus quand on débute. 

Avec des cours d’éducation sexuelle quasi inexistants et totalement binaires quand ils sont au programme, la curiosité et le besoin de construire une sexualité et de rechercher son plaisir pousse les publics jeunes à s’auto-éduquer sur les sites pornographiques gratuits, haut lieu de reproduction de tout ce que cette société patriarcale a à nous inculquer. Sexisme, violences, racisme, fétichisme transphobe et homophobe, ces premières approches s’avèrent dévastatrices pour construire une sexualité saine fondée sur le plaisir, le respect de ses limites et de celles des autres, et sur le consentement.

L’Homme pénétré est donc une lecture que nous recommandons chaudement à toustes ! En effet, les tabous passent sous silence des inquiétudes concernant nos envies et nos désirs, mais aussi nos failles et nos mauvaises expériences. L’occasion d’en apprendre beaucoup, de se rassurer, de conscientiser certaines choses, d’en réaliser d’autres, et de se réapproprier son corps. Car enfin, et c’est le fil conducteur de cette bande dessinée, nous ne sommes pas si binaires et normé.es que cela, et notre plaisir ne l’est pas non plus. Il est enfin temps de faire place à la transgression (si consentie) !

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