Dans ce film, aux qualités visuelles indéniables défilent une brochette de personnages troubles et intéressés dans un décorum de haute bourgeoisie anglaise.
Attention : SPOILER en vue.
Oyez oyez ! Le nouveau film d’Emerald Fennell est sorti, il est disponible sur la plateforme de streaming Amazon Prime. On retrouve la réalisatrice et autrice de « Promising Young Woman » dans ce nouveau long métrage qui aborde des thématiques très éloignées de son premier long métrage (auquel nous avions consacré un article). Cette fois-ci, c’est l’homme qui est au centre de l’histoire. Deux hommes plutôt : le très plastique Jacob Elordi (vu dans Euphoria et Priscilla) et l’atypique Barry Keoghan.
Puisque la réalisatrice aime ne rien faire comme tout le monde, c’est avec un Female Gaze hallucinant de fraîcheur que le film s’attarde sans fin sur les corps de ses personnages masculins sans sexualiser ou diaboliser outre mesure les personnages féminins. Les hommes sont ici jaloux, menteurs, faibles, allumeurs, en proie à leur désirs, contradictoires, sexualisés, matérialistes et érigés au rang de trophées humains ; tant de traits traditionnellement accordés à la gent féminine par le cinéma depuis qu’il existe.
Revenons sur le film : Oliver arrive à Oxford à la rentrée 2006. Il ne se fait pas beaucoup d’amis. Un jour qu’il rentre en vélo, il croise Felix, un BG sur le bord du chemin, penaud d’avoir un pneu crevé et de rater un examen. Oliver et Félix échangent leur vélo avec un arrangement mutuel et par la même occasion deviennent copains. S’ensuivent un méli mélo de cuites et de discussions qui conduisent Felix à inviter Oliver à passer l’été avec lui et sa famille dans leur domaine de Saltburn dans la campagne. À partir de là, le ton du film évoluera par paliers, par « tableaux », en changeant de style et de propos. Spoiler à suivre
Le choc facile
La film a créé beaucoup de battage médiatique dans les journaux et sur les réseaux sociaux à cause du dégoût ou du malaise qu’ont pu provoquer certaines scènes (la baignoire, la chope au clair de lune, la danse, etc.). Honnêtement, ces scènes sont du choc facile, pour personnes ayant la tolérance au malaise assez basse. Faire l’amour pendant ses règles, s’affranchir de la nudité, avoir des réactions incompréhensibles ou laisser traîner sa langue dans des endroits bizarres sont certes ici brillamment mis en scène mais que modérément immoral.
À l’occasion d’une fête d’anniversaire, l’alcool et d’autres drogues coulent à flot, c’est furtif mais ça a son importance dans le scénario. Quand on découvre qu’Oliver est décidé à croquer sa part du gâteau et qu’il fait disparaître un à un ses “adversaires”. Beaucoup de choses se mélangent, l’angle homoérotique est d’ailleurs très très hot. Les prises de risques sont légion. On regrettera aussi que Carey Mulligan soit réduite à un rôle de clown triste profiteur, son talent méritait mieux que ça et comme son personnage sort rapidement de l’intrigue, on se demande pourquoi elle s’est dérangée à venir jouer ici.
Le montage final mi-révélation mi-explication est en trop à nos yeux. Il explicite trop clairement quelque chose qui est bien amené par le film et le fait de savoir que dès le début Oliver n’avait pas de nobles intentions met à distance ce personnage qui reste attachant une grosse partie du film. Là ça fait de lui un méchant foncièrement méchant.
On a lu çà et là que le film parlait de lutte des classes, nous ne sommes pas d’accord. À part que les habitants de Saltburn sont des ultra riches aussi précieux que ridicules, Oliver n’est pas particulièrement à plaindre. Ses parents partent avec lui à Mykonos tous les étés, vivent dans une grande maison, et s’inquiètent pour lui. C’est davantage d’un récit sur la fascination et l’obsession qu’il s’agit, notamment avec le trouble provoqué par le beau Félix sur Oliver. Encore une fois, n’hésitez pas à venir nous donner votre avis sur le film sur Instagram ou Facebook.