Un film espagnol qui aborde la question épineuse de la pause clope et du droit de fumer au travail au début des années 2000.
Lorsque la succursale espagnole d’une entreprise américaine est obligée de mettre en vigueur l’interdiction de fumer à l’intérieur de ses locaux, Ramirez, un des employés, décide de faire signer une pétition contre cette mesure qu’il estime injuste et déplacée. Il souhaite qu’une salle inoccupée de la société serve d’espace fumeurs.
En apparence, tout le monde est d’accord et va lui apporter son soutien. Pourtant, en s’entretenant seul à seul avec chacun de ses collègues, Ramirez se retrouve confronté à une série de prétextes afin d’éviter de figurer sur la liste. En réalité, la plupart des raisons invoquées pour ne pas signer la pétition en dissimulent d’autres…
Le film est un peu déroutant, il se déroule essentiellement en huis clos au sein de l’entreprise et la plupart des scènes sont composées de dialogues en gros plans entre les personnages. L’œuvre pourrait être aisément transposée au théâtre. On comprend vite que le fameux fumoir n’est qu’un prétexte pour mettre à jour les dynamiques aliénantes de l’entreprise, les rivalités entre collègues, les frustrations individuelles, la peur du changement, les luttes internes et les espoirs déçus de certains. Ici, le monde de l’entreprise est étouffant, pousse à la méfiance extrême et aux petites trahisons.
Il reste cependant intéressant de relever les plaidoyers en faveur du fumoir. On voit là toutes les représentations et les dimensions sociales associées à la cigarette. Ramirez (qui a bien intégré le conditionnement des lobbies du tabac) la présente ironiquement comme le reflet de sa liberté individuelle. Fumer devient le symbole de sa liberté de choix, une part de son identité, un plaisir qu’une société aseptisée et hygiéniste ne pourra pas lui retirer.
Instrumentalisation de la dépendance
Il voit dans l’interdiction de fumer dans les locaux une intrusion insupportable de la part des Américains qui viennent de racheter sa boîte. Là aussi, c’est assez ironique, lutter contre cette interdiction devient pour le personnage une lutte contre l’américanisation de la société et la dépossession de son identité, sans qu’il réalise que ses arguments sont exactement ceux que les grands lobbies américains de la cigarette lui ont mis dans la tête. L’addiction à la nicotine, méticuleusement orchestrée par ces grandes compagnies, prend alors cyniquement des airs de lutte émancipatrice.
On comprend bien qu’au-delà de la cigarette, les personnages sont terrifiés par le changement.
Le tabac est abordé essentiellement dans ses dimensions symboliques et sociales, jamais sous l’angle de la santé. Le personnage moque même la tentative de réduction du tabac d’un autre, qui tente de lui expliquer que l’interdiction a eu des effets positifs sur lui.
Smoking Room est un film espagnol de Julio Wallovits et Roger Gual sorti en 2002.
https://drogbox.fr/05-drog-a-lecran/01-FILMS/01-Usages-et-sevrage/Smoking-room/page.php
https://fr.wikipedia.org/wiki/Smoking_Room
https://www.senscritique.com/film/smoking_room/444475
