Sur les rails est un livre de Julien Hervieux, publié en 2021 chez Filatures.
« Et si à l’époque du marketing roi, on poussait l’application de ses principes jusqu’à l’improbable ? La drogue, la cocaïne, la cité, ses règles, ses codes et ses trafics ?
C’est l’idée qui germe chez Sam quand il se retrouve sans emploi après des années passées comme cadre sup dans de grandes boîtes où la compréhension des marchés et des attentes non exprimées des consommateurs font office de valeurs quotidiennes et cyniques.
S’associant à Malik, ex-caïd du trafic de beuh dans sa cité du 93 en mauvaise passe, il va aller au bout de son idée : viser gros, passer au marché de la cocaïne plus risqué mais plus prometteur, créer une marque, packager ses sachets, vendre cher, très cher, investir et savoir perdre au début pour mieux récolter ensuite. Bref, conquérir le marché parisien de la poudre et le fric qui va avec. »
Le livre est divertissant et se lit très facilement. Le ressort classique du duo improbable, de la confrontation de deux mondes habituellement hermétiques fonctionne relativement bien. C’est cynique, amoral et dénonce à la fois les techniques de manipulation du marketing, la délinquance en col blanc qui sait profiter d’un système construit à son avantage, l’inefficacité totale des politiques de lutte contre le trafic et la médiocrité ambiante d’une société qui nous pousse à courir derrière le profit et la valorisation de l’ego.
On ne meurt pas d’une trace de cocaïne
Cependant, de nombreuses invraisemblances minent la crédibilité du récit. Pour commencer, le marketing a déjà largement sa place sur le marché de la drogue, et les dealers n’ont pas attendu que des cadres sup comme Sam débarquent pour l’intégrer dans leurs techniques de vente. En outre, on note une réelle méconnaissance du produit, des taux de pureté et des produits de coupe. L’avantage concurrentiel prêté à la cocaïne du duo n’en est pas vraiment un : non, on ne meurt pas d’une trace de cocaïne trop pure et personne ne coupe soi-même sa coke au lactose pour atteindre un taux de pureté optimal de 40%, on ne sait vraiment pas où l’auteur est allé chercher ses infos. Finalement, les arrangements de Sam avec la police, les coups montés et les retournements de situation sont souvent bancals et peu plausibles.
Alors, est-ce qu’on y trouve une démarche de réduction des risques ? Non, évidemment. Se lancer dans le trafic de cocaïne présente bien sûr de très nombreux risques et si ici les personnages s’en sortent bien, l’issue de ce genre de combines est rarement aussi glorieuse en réalité.
