Saoirse Ronan dans The Outrun
Saoirse Ronan dans The Outrun

The Outrun – L’urgence (dé)boire

Publié le 1 janvier 2025 par Maxime

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Cet article parle de : #culture #films #histoires-vraies

Un film doux et poétique sur une histoire brute et difficile. Comment l’urgence de boire détruit la vie de Rona et comment elle s’éloigne de ses démons pour refaire surface. 


Rona, la trentaine, vit à Londres avec son amoureux Dayniin. L’amour ouf, mais le tableau est obscurci par les consommations d’alcool hautement problématiques que s’inflige la jeune femme. Un soir elle echappe de peu à une agression sexuelle mais en ressort marbrée. Son love part, épuisé d’assister impuissant aux mises en danger de son amoureuse et de subir son courroux lorsqu’elle rentre ivre. Rona se rend auprès de sa famille, dans l’archipel des Orcades. Elle aide à la ferme et entame un parcours de sobriété. Lorsqu’elle se croit enfin rétablie, elle réalise que l’envie de picoler est toujours là, et qu’elle est prête à attaquer sans prévenir ! Elle va encore plus loin dans l’isolement et participe à une mission écologique dans un endroit encore plus reculé. Elle fréquente assidûment les cercles de parole des alcooliques anonymes, même au fin fond du trou-du-cul-du-monde. Par intermittence, le récit est entrecoupé de flashbacks sur son enfance avec ses parents plutôt rock’n’roll et sur ses soirées londoniennes ainsi que sur sa vie de couple. Quelques scènes, de type documentaire, illustrent le craving d’alcool, le folklore des Orcades. 

MÉMOIRES JEUNES

Le film est adapté d’un livre (paru en français sous le titre L’écart) écrit par Amy Liptrot. Il s’agit de ses mémoires, sur son rapport à l’alcool entre autres et son échappée dans l’archipel parental. On est encore une fois dans un film de femmes, écrit par des femmes, produit par des femmes. Donc : zéro sexualisation, pas de male-gaze, d’érotisation des violences ni de victimisation. C’est rafraichissant et après The substance, Animale ou Diamant Brut, c’est une nouvelle fois un bonheur d’apprécier ce qui différencie un film de mecs d’un film de meufs. Sans vouloir essentialiser le genre au cinéma, bien entendu. 

Bref, l’histoire racontée par le film est d’autant plus touchante qu’elle est inspirée de la réalité. C’est un parcours volontaire, semé d’embûches foutrement normales (un verre de vin posé sur une table, un festin de village, une mauvaise nouvelle) qui font vaciller notre héroïne. Le roseau plie, mais ne rompt pas. D’ailleurs, durant le film, Rona reboit. C’est traité comme un non-sujet. Ni un échec ni un motif d’embrouille quelconque : son décompte revient au jour 1. Et au détour d’un dialogue tendre avec un sexagénaire aux AA depuis vingt ans, on lui dit ce qui est un mantra : on avance un jour à la fois ; qu’on en soit à trois jours ou à trente ans d’abstinence.

 

ZÉRO PATHOS 

L’enfance de Rona est à l’image de beaucoup d’autres. Compliquée, malgré des parents qui essaient de bien faire ; mais aussi pas si pire au regard de certains récits de vie. Une mère bigote et un père atteint de troubles psychiques (isolement et désert médical obligent) font qu’elle grandit dans un climat soumis à des scènes de violences. Des violences qui plus est largement incompréhensibles du point de vue d’un enfant. Le film n’est pas pathos ! Et ça, ça fait du bien. Il était légitime d’avoir peur de trouver plein de ralentis / violons sanglotants / pianos autoritaires et larmes généreuses. 

Rona passe beaucoup de temps à s’occuper les mains, à bricoler, travailler, écouter de la musique, fumer des clopes et essayer d’aller de l’avant. Son enfance n’est pas présentée comme le point de départ d’une addiction ! Elle est juste présentée brièvement, confirmant ce que l’on sait des « enfances adverses » et de la probabilité plus grande d’avoir des galères en tant qu’adultes. 

Les images sont somptueuses, l’archipel des Orcades est d’une beauté glaciale sans pareille, Saoirse Ronan qu’on voit un peu moins à l’écran ces dernières années incarne avec mesure et sincérité ce personnage solaire.

Le film fait la part belle à la communication, à l’échange, au pardon, à la progression et on salue l’exercice. Un film en forme de témoignage qui nous donne à voir le courage, la résilience, et l’envie d’aller mieux avant que les choses n’aillent trop mal. 

Sorti au cinéma en 2024, The Outrun est un film réalisé par Nora Fingscheidt avec Saoirse Ronan et Paapa Essiedu. C’est une coproduction allemande et anglaise, qui dure 118 minutes.

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