Maria Debska dans Playing Hard / Zabawa Zabawa - un film de Kinga Debska disponible sur Netflix
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Zabawa – Triple portrait 

Publié le 31 janvier 2025 par Maxime

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Cet article parle de : #culture #fictions #films

Une chirurgienne, une procureure et une étudiante sont dans… Ce qui pourrait être une mauvaise blague est en fait la base d’un film brillant sur l’alcool


Magda est étudiante et bosse le week-end dans des bureaux. En marge d’une soirée où elle a beaucoup picolé, elle est raccompagnée par un homme qui la viole dans un garage. 

Dorota est une procureure quadragénaire qui prend le volant ivre. Au détour d’un texto envoyé distraitement, elle plante sa voiture dans une entrée de métro. 

Teresa est une chirurgienne en fin de carrière qui est passablement portée sur la bouteille, lors d’une consultation pédiatrique, la mère de son patient réalise qu’elle est bourrée. Un duo d’agents de police rencontre ces trois femmes dont les vies arrivent à des tournants inévitables.

TROIS PARCOURS DIFFÉRENTS

Magda tombe enceinte, résiliente, elle se demande quoi faire. La Pologne est un pays encore assez religieux, la morale et l’honneur y ont une place forte. On y observe aussi que la couverture de soins n’est pas suffisante : elle doit régler les frais de son dépistage VIH. Elle est bien emmerdée et essaie tant bien que mal de tenir le coup après son agression seule, seule, seule, la pauvre. Alors qu’elle rentre chez elle en vélo, elle est interpellée par le duo de flics qui lui demande son alcoolémie car elle à l’outrecuidance de circuler sur la chaussée, c’est l’occasion de voir un drôle d’éthylomètre (du genre qu’on n’a pas en France).

Dorota, la procureure, a une vie de famille bourgeoise avec deux enfants, un perfect lover et un boulot où elle gère des cas difficiles. Elle est aussi carrément portée sur la bouteille et boit à outrance à chaque occasion. Lorsqu’elle plante sa bagnole et qu’elle finit au poste, elle braille à qui mieux mieux qu’elle jouit de l’immunité. Elle n’est pas une simple citoyenne et n’a pas à se soumettre aux règles qui régissent la vie des gens d’en bas. En bref, ce n’est pas n’importe qui et elle ne soufflera ni ne fera de prise de sang ! Son mec vient la chercher et elle s’en tire à bon compte. C’est clairement révoltant mais soit, gageons que c’est pas seulement de la fiction et révoltonsnous contre les immunités diplomatiques ! Stop aux privilèges ! 

Teresa est confrontée par la mère d’un patient juste avant une opération chirurgicale. Dans l’équipe, certains la couvrent, certains ont peur mais personne ne lui dit rien. Alors que la vie du patient commence à être menacée, on la prend de court et elle est relevée. C’est pas vraiment la joie pour elle et elle tourbillonne dans les angoisses et la tise. Elle tente un parcours de soins mais en visitant un centre spécialisé, elle est reconnue par une ancienne élève. Elle tourne aussitôt les talons et renonce. 

Ces trois histoires ne s’entrecroisent jamais, leur seul lien est la présence de ce duo de policiers inefficace et de l’alcool. En dire plus sur le dénouement des intrigues serait spoiler inutilement le film. Certes, mais qu’en dire alors ?

FAILLIBLES, HUMAINES, MAIS JAMAIS PITOYABLES

On peut dire que le film est vraiment bien. Facile à regarder, facile à suivre. Linéaire dans sa narration, les trois portraits sensibles qu’il offre représentent trois des multiples manières dont l’alcool peut semer le chaos dans la vie des simples gens. Pour le coup, toutes les trois ont une bonne situation. Même Magda, qui est étudiante et bosse à côté, jouit d’une famille à peu près fonctionnelle. On serait à deux doigts d’être dans le bourgeois gaze mais ça va, c’est évité de peu ! 

Le film ne fait pas de chichis sur l’histoire qu’il veut raconter. La caméra de la réalisatrice est pudique et n’autorise pas les scènes de violences sexuelles. La musique offre une dimension pathos pas désagréable puisque certaines histoires sont vraiment crève-cœurs. Ces femmes sont faillibles, humaines, parfois hautaines, mais jamais elles ne sont pitoyables. Même profondément éméchées. Le film traite ses personnages avec respect. 

D’ailleurs, les femmes alcoolodépendantes sont un peu l’angle mort de la communication de santé publique. Il a fallu que des femmes (des stars) livrent leur témoignage par x ou y moyen pour que l’opinion publique et les médias se saisissent de l’enjeu. La femme alcoolique est encore bien souvent dépeinte en mauvaise mère. C’était le cas par exemple dans État d’ivresse (un roman signé par un homme) ou Fille d’alcoolo (autobiographique pour le coup), La fille du train, Lolita malgré moi, La merditude des choses, Diamant brut, pour ne parler que des œuvres auxquelles on a consacré des articles. Mais c’est généralement quand la femme devient une mauvaise mère que l’alcoolodépendance semble devenir un enjeu sérieux. 

Ici, les trois femmes ont une maternité différente. Magda doit décider si elle garde ou non l’enfant qu’elle porte. Enfant d’un violeur dont elle ne connaît rien, dans un contexte où un enfant hors mariage ET un avortement sont le déshonneur absolu. Dorota a deux jeunes garçons qu’elle éduque avec leur père qui, lui, assure la sécurité et la présence lorsqu’elle travaille et boit énormément. Teresa est mère d’une quadra qui est à la fois à bout de nerfs  et terriblement soucieuse pour la santé de sa maman. 

On apprécie ce pas de côté et le propos général du film, même s’il vire un peu au spot de prévention anti alcool au féminin. 

 

Ce film polonais, disponible sur Netflix, est relativement court. À peine 90 minutes. Une durée resserrée pour un film choral sur trois femmes dont la vie est associée à la consommation d’alcool.

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