En adaptant ce roman qui avait écœuré le puritanisme allemand à la fin des années 2000, le réalisateur prenait beaucoup de risques (comme son personnage principal). Sexe, drogue et micro-organisme sont au programme.
Le film s’ouvre sur Helen, une jeune femme qui fait du skate dans les rues de Berlin avec en voix off la confession qu’elle a des hemorroïdes. Au moment où elle nous parle de sa crème au dioxyde de titane qu’elle s’applique sur « le choux-fleur », on la voit descendre dans une cabine de toilettes publiques à l’hygiène plus que douteuse : le sol est recouvert d’une eau saumâtre et des déchets de toutes sortes semblent surnager au milieu de ces fluides mélangés. Après avoir constaté que le trône est plus que sale, Helen s’assoit dessus et frotte longuement la lunette avec son sexe. Le décor est posé, petites natures et estomacs sensibles : accrochez-vous !
Du reste, on nous présente rapidement sa mère (stricte au possible et au bord de la crise de nerfs depuis vingt ans), son père (absent), son petit frère (chouchou) et sa meilleure amie (Corinna). Son quotidien se résume à aller en cours, faire chier sa mère et repousser les limites de son corps de toutes les manières possibles. Un jour, alors qu’elle se rase le corps, elle coupe son hémorroïde. S’ensuit une fissure anale qui lui vaut une hospitalisation. Durant cette hospitalisation, elle tombe in love du bel infirmier (honnêtement, on la comprend), repense aux événements marquants de sa vie et repense à ses rêves de petite fille.
Le film est agréable à regarder en ce sens que les acteurs et actrices sont crédibles sans êtres ridicules, que les plans sont beaux, que les lumières sont jolies, que le scénario évite les longueurs et que les intentions de réalisation sont nombreuses et plaisantes (on pensera à cette plongée dans l’infiniment petit sur la lunette des chiottes au début du film).
Interlude Drogue
Une des séquences du film porte sur l’usage de drogue. Pour vous la faire courte, un dealer qui passe voir Helen et Corinna cache sa drogue dans une fausse canette de Coca. En partant de chez les filles, il emporte par mégarde une vraie canette de Coca. Les filles trouvant le butin décident de « se faire plaisir » et consomment une grosse partie de leur prise dans un temps relativement faible. C’est sur ce passage que nous avons envie de mettre l’accent !
En effet, fortes de leur cocktail de drogues, elles se baladent dans les rues de Berlin et consomment sans compter, à même le pochon, des substances dont elles ignorent tout. Une image qui ne dira rien aux non-consommateurs mais qui fera forcément tiquer les gens qui savent ; consommer les poudres sans une grimace est cinégénique, certes, mais hautement irréaliste. Les substances psychédéliques ont souvent (toujours ?) des goûts et des saveurs affreusement amers ou acides ou les deux. Se vider les gélules dans la bouche, c’est faisable bien sûr mais particulièrement désagréable au goût. On se doute cependant que sur le tournage divers sucres sont utilisés pour ces scènes.
« Notre aventure se solda par une dette de 1 999 € », alors que dans les faits, leur aventure aurait pu se solder par un drame. Mélanger ainsi autant de drogues dans des quantités si effarantes ne produit pas que des sourires. Certes, les deux amies se connaissent bien et se font une grande confiance mutuelle, mais ça ne fait pas tout. Aucune manifestation des effets désagréables inhérents aux prises de drogues n’est mise à l’image. Et c’est bien dommage, surtout que, par ailleurs, le film ne nous épargne pas grand-chose.
Profondément humaine
Malgré son comportement tape-à-l’œil et ses provocations rebelles, Helen est un personnage profondément humain. Complètement fracassée par une éducation bizarre et un fort sentiment d’abandon, elle essaye tant bien que mal de ressusciter son rêve de petite fille (un noyau familial uni et solide). On vous conseille de regarder ce film (mais pas avec des enfants ou des adultes trop prudes, ça risquerait de ne pas passer). Du reste, c’est un grand huit d’émotions et d’images fortes qui provoquent soit le rire gêné soit le malaise assumé.
Zones humides est un film allemand réalisé par David Wnendt sorti en 2013 et disponible sur la plateforme de streaming Filmo. Il dure 1 heure et 40 minutes et il nous a vraiment donné envie de lire le livre de Charlotte Roche dont il est tiré.