Lévamisole, produit de coupe (feat. Dr. Bdsm). Vidéo disponible sur notre chaîne Youtube.
Lévamisole, produit de coupe (feat. Dr. Bdsm). Vidéo disponible sur notre chaîne Youtube.

Cocaïne – Lévamisole : produit de coupe (feat. Docteur BDSM)

Publié le 16 mai 2024 par Maxime

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Cet article parle de : #cocaine #stimulants #sniff

L’hiver dernier nous recevions le Dr. Bdsm (pas de blagues, il s’agit bien de ses initiales) médecin interniste à l’AP-HM pour nous parler du Lévamisole et de ses risques quand il est utilisé en produit de coupe.  Fort de son expertise et de ses recherches nous l’avions mis devant la caméra pour une petite vidéo lors de notre campagne sur la cocaïne en décembre dernier. 

Vous l’avez réclamé à corps et à cri : voici le texte de la vidéo.

C‘est quoi le lévamisole exactement ?

Le lévamisole est un médicament utilisé à l’origine comme traitement antiparasitaire chez les animaux, notamment les bovins (vaches) et les ovins (moutons). Il a également été prescrit chez les humains pour traiter certaines infections parasitaires, en particulier les infections par les vers intestinaux.

On sait aussi qu’il module le système immunitaire, ce qui a poussé à le tester comme traitement dans certaine maladies auto-immunes (une maladie auto-immune, pour faire très simple, c’est quand ton système immunitaire arrive pas trop à faire la différence entre ce qui est à lui et pas à lui, et se met à attaquer ton propre corps différentes parties selon les maladies. C’est un peu un suicide du corps) et parfois comme traitement supplémentaire pour potentialiser (augmenter) les effets des chimiothérapies dans certains cancers.

C’est aussi probablement aussi cette capacité à moduler le système immunitaire qui lui confère beaucoup d’effets secondaires et qui a poussé les autorités sanitaires de beaucoup de pays à le retirer du marché.

Depuis une quinzaine d’années au moins, il est utilisé comme produit de coupe de la cocaïne et on a revu ses effets secondaires chez les consommateurs de cocaïne.

Depuis quand n’est-il plus utilisé en France, et l’est-il ailleurs ?

En France, il fait l’objet de fortes restrictions depuis 1998. Il est cependant, toujours prescrit dans des situations très précises et encadrées en pédiatrie, uniquement en pharmacie hospitalière et dans un contexte d’ATU (autorisation temporaire d’utilisation) pour sa capacité à moduler le système immunitaire.

Il reste commercialisé en médecine vétérinaire et dans l’agriculture. Et oui (je sors du sujet mais c’est très intéressant), on utilise souvent les mêmes médicaments pour le bétail et les êtres humains, et notamment les antibiotiques. L’industrie agroalimentaire est une grande pourvoyeuse de résistance bactérienne ! On s’en sert aussi encore dans certains pays en développement, comme en Inde par exemple.

 

Quels effets a-t-il sur les gens qui en consomment ?

D’abord, et c’est la raison pour laquelle il est utilisé comme produit de coupe, il a une activité pharmacologique propre en amplifiant la libération de norépinéphrine (augmente ta vigilance mais aussi ta pression artérielle, ton stress sur l’organisme d’une manière générale) et libération de dopamine dans le cerveau (récompense plaisir, motivation…), améliorant ainsi la neurotransmission dans le système nerveux central. 

Le lévamisole augmente donc les effets de la cocaïne et leur durée, en étant bien meilleur marché que la cocaïne.

 

Quels dangers d’une exposition régulière et prolongée ?

On connaît la fréquence des complications quand il est utilisé comme médicament, à des doses de 100-150 mg par semaine environ. En fonction de sa concentration dans la cocaïne achetée et s’il s’agit d’un consommateur régulier, on peut donc vite arriver aux mêmes ordres de grandeur. 

L’effet secondaire pour lequel il a été retiré du marché, c’est surtout l’agranulocytose.

C’est quand tes globules blancs « mangeurs de bactéries », les Pac-Man de l’immunité, baissent en nombre et que du coup, ton système immunitaire se fragilise. Cela t’expose à un risque d’infections potentiellement graves. Cette complication apparaît dans 2,25 à 13% des cas en fonction des études, ce qui est quand même énorme (tout le monde parmi ce pourcentage ne va pas forcément faire d’infections graves).

Les autres effets secondaires sont :

La vascularite entre 0,5 à 3%. Ça, c’est quand tes artères s’inflamment et se bouchent. Et les artères, ça transporte des globules rouges avec de l’oxygène. Donc là, on parle de « nécrose » surtout au niveau de la peau (on appelle ça du « purpura »), qui touche surtout les oreilles et le nez, mais parfois des organes plus vitaux comme les reins ou les poumons… 

« Le purpura est une affection cutanée caractérisée par l’apparition de taches rouges ou violettes sur la peau. Le purpura peut être causé par une baisse des plaquettes ou une fragilité des vaisseaux sanguins. Le purpura se caractérise par des taches pourpres qui apparaissent sur la peau. » dixit Elsan.Care

 

La leucoencéphalite, c’est une inflammation du cerveau, un peu comme la sclérose en plaques. On en ignore la fréquence mais très peu de cas ont été enregistrés.

D’autres complications encore plus rares ont été rapportées. Mais c’est dans des études avec des patients qui avaient déjà d’autres maladies (cancer, maladie auto-immune…) et qui prenaient du lévamisole en association avec d’autres médicaments pour potentialiser leurs effets (un peu comme pour la cocaïne, tiens donc…).

Au passage, ne retenez pas que lévamisole est un anticancéreux. Si ça marchait vraiment aussi, on le saurait… !

Concernant ces effets secondaires, pour les consommateurs de cocaïne, il y’a des hypothèses selon lesquelles les effets secondaires sont potentialisés (augmentés) mais honnêtement (c’est une hypothèse que fait notre bon Dr. Bdsm), vu le nombre de consommateurs réguliers en France, aux USA et dans le monde si c’était aussi fréquent, on aurait plus de données que ce qu’on a actuellement (des rapports de cas par-ci parlà, des Français ont colligé 200 cas dans la littérature, c’est vraiment pas énorme….).

Après, il y aussi un petit biais : ce n’est pas un truc que les médecins connaissent trop. Probablement qu’il y a plein de situations où les effets secondaires sont présents, mais minimes et donc pas rapportés. Dans ces études qui reprennent les cas publiés, la plupart n’étaient pas graves mais certains sont quand même allés en réanimation et 2 sont morts…

 

Y atil des seuils d’exposition dangereux ?

Pour l’agranulocytose (la baisse des globules blancs « mangeurs » de bactéries), au moins une partie est liée à la dose mais d’une manière générale, c’est surtout la réaction auto-immune qui va induire les complications. C’est pas encore très clair le pourquoi ça induit ces réactions auto-immunes. D’une manière générale, dans ces situations, il semblerait qu’il y ait un terrain génétique sousjacent (une susceptibilité). 

Même si c’est plutôt décrit chez des utilisateurs réguliers, on retrouve des cas chez des consommateurs occasionnels (mais pas au 1er « hit »/1ère exposition). Surtout, ça disparaît tout seul quand on arrête d’en consommer. Cet effet peut revenir, surtout chez des personnes qui ont déjà fait des réactions auparavant.

Donc en tout cas, si ça t’arrive une fois, fais bien vérifier ton produit et assuretoi qu’il n’y a pas de lévamisole grâce au Druglab à Marseille ou ailleurs en France (voir cette carte sur le site de Techno+).

Astu déjà eu affaire à des complications liées à la cocaïne et au lévamisole ?

C’est très rare, jusqu’à maintenant j’ai vu 2 cas très probables en hospitalisation et comme c‘était rentré dans l’ordre tout seul, on n’était pas allé jusqu’à doser le lévamisole dans les cheveux, etc. 

En tout cas, c’était très à la mode il y a quelques années comme sujet, on en parlait beaucoup dans les congrès de médecine interne (c’est le nom de la spécialité qui s’occupe des maladies auto-immunes).

Encore une fois, tu dois avoir beaucoup de cas pas graves qui passent inaperçus et quand un patient en est au stade de consulter pour ça, les signes sont tellement alarmants que c’est plutôt des patients que tu vas voir à l’hôpital, aux urgences puis dans les services. Encore une fois, il y a aussi le fait que les médecins ne connaissent pas trop cette histoire, et vu que ça rentre dans l’ordre tout seul en quelques jours, quelques semaines, il y a pas mal de cas où on doit passer à côté, même quand c’est très grave…

On remercie chaleureusement ce bon Dr. Bdsm pour le temps qu’il nous a accordé et son naturel devant la caméra. On espère qu’on aura la chance de l’avoir de nouveau sur d’autre sujets.

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