(c) Andrey Soldatov pour Unsplash

Comment survivre aux fêtes de fin d’année ? KEPS vous donne la parole !

Publié le 23 décembre 2025 par Léa

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Cet article parle de : #sante-mentale

Bonjour à tous·tes ! On espère que vous allez bien (lol) 

23 décembre, veille du sacrosaint jour de Noël. Il flotte, fait froid, et les rues sont blindées : cadeaux last minute pour le tonton que t’aimes bof ou alors tu tentes de trouver le truc le moins cher possible pour faire plaisir à mamie sans défoncer ton PEL… En vrai, même si t’aimes Noël, cette ambiance de film Le Grinch 2.0 dans les rues avec des décorations qui claquent notre empreinte carbone, bah c’est pas ton kif absolu. Et si tu n’aimes pas les fêtes, que tu ne fêtes pas ou plus les fêtes ou que tu te retrouves seul·e, cette fausse joie placardée partout et financée avec nos impôts (si t’es imposable), ça te donne envie de vomir : tout est OK et possible.  

Déjà, la fin de l’année, c’est difficile car on se retrouve à lutter contre plein d’injonctions, idées de cycles, résolutions pour l’année, bilan de l’an passé, etc., mais en plus, la vrai vie s’arrête pas : les angoisses, les problèmes de thunes, les potes, les amoureux·ses, la dépression, ou juste le temps de merde… 

Ici, on a souhaité partager vos stratégies, normaliser toutes les expériences et donner un peu plus la parole pour illustrer la réalité et les diversités d’expériences qui se vivent à cette période. On veut parler des injonctions qui nous pèsent, de ce que l’on peut faire, ce que l’on décide, ce qu’on fait parfois à contrecœur, de ce que l’on  aime célébrer. 

Pour certain·es, les fêtes sont un moment de joie (même si on pense que la société nous pousse à le croire), pour d’autres, c’est un vrai défi. On vous propose plusieurs extraits de témoignages pour comprendre comment chacun·e s’organise pour survivre. Eh oui survivre, car on croit que tout le monde voudrait juste se mettre en off une semaine dans son pieu. 

À travers 4 témoignages, KEPS donne la parole à des personnes qui ont créé leur propre stratégie, s’écouter, ne plus performer les fêtes… 


Fêter Noël en essayant de se protéger 

Pour L., la fin d’année en famille est quelque chose qui reste important, c’est un des rares moment où sa famille se réunit encore, mais l’attachement est ambivalent. C’est à double tranchant entre violences familiales, structurelles et affections.

« On veut trop faire genre on est une famille “normale”, si tant est que normal existe. En réalité, on est tous·tes tellement instables qu’on se réfugie dans cette tradition pour avoir un semblant de vie commune. »

Noël et tutti quanti, c’est synonyme d’amour mais c’est aussi un espace chargé de conflits où tout le monde explose. Les tensions reviennent facilement et les questions à la con sur ton futur fusent. Famille, travail, âge, couple, corps, et oh ? Lâchez-nous la grappe ! Pour L., le contrôle social de la famille est quelque chose de difficile à surmonter pendant les fêtes. « On s’aime beaucoup, mais on se déchire aussi énormément, et chaque Noël, c’est très trigger.»

En grandissant, L. explique que les écarts de valeurs notamment politiques ont rendu ces réunions plus difficiles, avec un sentiment d’isolement persistant malgré une famille qui se veut progressiste.« Même si ma famille est “progressiste”, je me sentais quand même isolée et toujours en croisade pour me faire respecter, notamment sur les remarques concernant le poids ou le physique. »

Face à cette violence diffuse, L. ne peut pas renoncer totalement à Noël, mais met en place des stratégies de survie : simplification des repas, règles collectives, évitement de certains sujets, notamment politiques, remplacés par des jeux, recherche d’allié·es, surtout parmi les plus jeunes. Jusqu’à quand cette ligne peut tenir ? L. a été claire avec sa famille : si ça devient violent, c’est fini. Alors sous cette sorte de menace, qui est totalement légitime, certain·es jouent le jeu. « On essaye de faire au mieux, mais le truc que j’ai trouvé aussi, c’est la menace : si ça se passe mal, je ne viendrai plus. Je viens surtout pour faire plaisir aux autres, et ça me coûte beaucoup d’argent. »

Dans son témoignage, L. nous avoue que la conso reste un terrain miné pendant les fêtes, entre culpabilisation mais aussi besoin de souffler. Il faut toujours sa petite béquille. « Et j’avoue que j’ai toujours du mal à gérer mes envies de conso. L’idéal serait de s’envoyer un gramme à chaque repas, mais je me freine, c’est ma limite. Du coup, je bois des coups pour oublier et franchement, je finis toujours assez raide. C’est le seul moyen que j’ai trouvé pour supporter tout ça. »

Autre truc pour essayer de gérer cette période : un petit temps perso avant pour se ressourcer.  « Ma position est assez privilégiée : je ne suis pas seule. Il s’avère que malgré tous les stratagèmes week-end solo avant Noël pour décompresser, me faire plaisir avec des trucs détente avant –, ça reste terriblement angoissant à cause de toute la violence que ça représente. » 

Refuser de se sentir disparaître 

De son côté, C. a choisi de ne plus passer Noël en famille, non par rejet brutal mais plutôt par choix pour soi, à soi et pour se préserver. Sous couvert de tradition, C. ressent un sentiment d’effacement profond. 

« Pour la première fois, je ne vais pas aller voir ma famille pendant les fêtes de fin d’année. Jusqu’à présent, j’ai toujours passé le 24 au soir du côté de ma mère, et le 25 du côté de mon père. »  C. décrit et ressent une violence qui n’est pas frontale, mais structurelle.

« Ma psy parle de “violence ontologique”. […] Ce terme est suffisamment précis pour justifier de l’utiliser tel quel. » Car si sa famille n’est pas virulente à son égard, la famille nucléaire et hétérosexuelle ne permet pas malgré tout une existence hors des normes. « Je ne retrouve pas des personnes virulentes qui s’acharnent à ce que je disparaisse, mais je me retrouve face à une puissance écrasante qui rend inenvisageable toute existence déviante. »Des moments qui semblent ainsi faire disparaître ce qu’est C., qui ne trouve pas sa place et souhaite trouver d’autres moments moins forcés pour être avec ses proches.

Noël, en tant que fête ultra-symbolique de la religion catholique, de la famille nucléaire, avec tout l’héritage et le poids socioculturel que cela représente, qui accentue encore cette disparition, son sentiment d’effacement. « Je disparais tout simplement. Et cette puissance est d’autant plus grande qu’on fête NOËL, la sacro-sainte-intouchable des fêtes. » C. qui préfère donc passer un moment différent ou avec des personnes qui peuvent le·a représenter, et plutôt que de rompre les liens, choisir un moment plus confortable pour iel. « Ne pas passer les fêtes de fin d’année avec sa famille, c’est parfois moins une histoire de rupture avec des personnes qu’avec une certaine culture. »

Pour certain·es, refuser Noël signifie s’écouter, pourquoi aurait-on besoin d’une fête en particulier pour s’aimer ? 

C. fait un choix pour iel : « Cette année je refuse d’y aller, tout simplement parce que je sais que j’y passerai un mauvais moment. » Un choix plutôt heureux : « Cette année, j’ai pris le temps d’inviter ma grand-mère à déjeuner en tête-à-tête, je suis invitéə à un réveillon de Noël chez un pote de potes, et j’organise un dîner fin janvier pour se retrouver avec mes parents et célébrer ensemble mais différemment. Tout ça me met en joie. ». Parfois, s’écouter permet aussi de mettre en place un petit truc en plus pour éviter de noyer son angoisse dans les consos : « On a aussi moins envie de picoler quand on n’a pas des propos problématiques qui nous arrivent aux oreilles toutes les 30 secondes. » 

 

Économiser sa santé mentale et son bien-être 

Pour M., Noël représente une grande sensation de solitude mais surtout, la famille est un « gros trigger géant ». 

Chaque année, les fêtes sont devenues de moins en moins supportables, jusqu’à perdre tout leur sens. Avec le temps qui passe, ses grands-parents ne sont plus présents, les disputes deviennent centrales et la table se réduit.  

Dans ce témoignage très touchant, M. pointe du doigt un truc central et hyper important : « On s’aime pas plus que l’année précédente car point notable : c’est pas parce qu’on est de la même famille qu’on est forcément obligés de s’apprécier. Voire même on se déteste. » En effet, pourquoi se forcer à s’aimer ? Famille ou pas, on peut choisir qui nous décidons d’aimer et de chérir. « Pourquoi je boirais des coups avec des gens à qui je donnerais même pas l’heure dans la vraie vie ? » 

La fin d’année devient alors un moment galère, avec une cascade de redescentes émotionnellement difficiles et beaucoup de conso pour supporter cette période qui n’est pas des plus agréable pour M. « J’ai commencé à me sentir fatiguée de devoir consommer 3 jours d’affilée à chaque retour de “fête”. » 

Si des alternatives existent, des fêtes de fin d’année entre ami·es ou famille choisie, pour M., Noël et ce que ça représente pour elle ou ses ami·es laissait toujours une place vide, un manque un peu nostalgique, et pouvait rester assez triste. « On avait un peu essayé de recréer ce qui nous manquait, un cadre collectif, quoi. C’était mieux bien sûr, mais ça sonnait un peu triste quand même. »

Notamment car les grosses redé étaient encore présentes : « Au début, j’organisais des Noël sans famille avec des potes pour qui le cercle familial s’apparente plutôt à un fléau aussi. On se faisait une grosse bouffe et on se la collait jusqu’à pas d’heure, on avait même remplacé les boules de Noël du sapin par des pochons de C, ça nous faisait bien rire. » Nous aussi !!! Surtout n’oubliez pas les Roule-tapaille si vous faites ça chez vous. 

Finalement, M. décide de faire un choix plutôt radical pour elle : que Noël puisse n’être « rien » ou plus grandchose et en fin de compte, sortir de Noël.  « Peutêtre le mieux c’était carrément de squeezer Noël plutôt que d’en faire nécessairement un moment qui se veut festif mais qui en fait colle une sacrée déprime. » 

Depuis plus de dix ans, M. choisit de ne plus le faire en famille, et c’est une très bonne décision pour elle-même, et cette année : rien de spécial. Sa santé mentale la remercie.  « Cette année, je me cale avec mon amoureux.se qui est pas gâté.e niveau famille non plus, on se commande à bouffer et on mate Stranger Things. Et on sera même pas en redescente pour une fois le lendemain. En fait, c’est juste une soirée normale et je crois que c’est comme ça que j’ai réussi à survivre à Noël, en réussissant à m’en extraire. »

Créer un nouveau collectif 

Enfin, E. nous raconte que Noël reste une fête très importante, pour sa mère qui demeure attachée à cette tradition. E a quand même souhaité repenser cette fête et arrondir les angles, pour ne plus subir une famille biologique imposée, ou la mélancolie. 

« Noël a toujours été un moment super important pour ma mère. C’est une fête chrétienne importante qui lui tient très à cœur. » Chaque année était synonyme de grande table, légèretés, moments joyeux et accueil et ouverture aux autres. « C’était des moments beaux, avec beaucoup de joie et d’euphorie : de la super nourriture, de la musique, plein de cadeaux, un turbo sapin, des maxis décos, les grands-mères qui restent jusqu’à tard, et pas d’obligation de se coucher tôt ! Bref la turbo teuf quand t’es gosse ! » 

Très croyante, sa mère n’imagine pas que des gens soient seul·es ou isolé·es« Pendant toute mon enfance et jusqu’au milieu de mon adolescence, on fêtait Noël en famille : mes parents + mes adelphes + mes grand-mères. On faisait un dîner le 24 au soir, avec apéro, cadeaux, gros repas, patati et patata… » Comme pour L. et pour M., avec les années, les tables se vident ou les disputes deviennent insurmontables, alors c’est compliqué d’imaginer le même Noël qu’avant. 

Un moment devenu de moins en moins convivial, le nombre de personnes autour de la table diminuant : discordes, divorce, décès… Puis l’injonction à faire des cadeaux, ce qui demande beaucoup de gestion des émotions et du stress, que tout le monde n’a pas forcément… Pour changer la donne et pallier un peu cette tristesse, E. et sa mère transforment leur façon de faire : « Depuis cinq ans environ, le 24 au soir; on fait un apéro dinatoire à la maison. Je l’appelle le Noël des ami·x·s. »

En gros, on accueille celleux qui ne veulent pas être seul·es ce soirlà ou qui ne souhaitent pas fêter Noël avec leur famille biologique. E. met ainsi le doigt sur un truc important que M. évoque également : « C’est pas tant que les gens veulent impérativement fêter Noël. C’est plutôt que si tu es seul·e ce soir-là, t’es vraiment seul·e. Quasiment tout le monde est occupé.e (même dans mon queer gang [fort heureusement pour elleux] tout le monde est en famille). » Et quand E. n’a pas organisé ce fameux Noël des ami·es, la solitude a été très présente : « Je me suis retrouvé comme un vieux boulot tout seul. »


En gros, que vous fassiez Noël et les fêtes, que vous le déplaciez, le transformiez, on se raconte quelques trucs en commun : 

le droit de choisir, le refus de la performance, et l’importance d’écouter sa santé mentale. Et surtout, de ne pas trop se culpabiliser sur ses consos en cette période pas simple. 

On vous conseille de vous écouter, de poser vos limites quand vous vous en sentez capable, d’utiliser vos béquilles, d’inventer d’autres cadres avec celleux qui vous sont chees, c’est aussi une façon de préserver ses émotions, ses relations, et peut-être de gérer un peu ses consos ?  Il n’existe pas de mode d’emploi universel pour survivre à ces fêtes, mais des alternatives : vos stratégies.

Il peut exister des espaces pour en parler, partager et se soutenir. Si vous avez besoin de discuter, KEPS est là, n’hésitez pas. 

Juste se dire que la période est compliquée, c’est déjà un premier pas, légitime et OK ! 

Bisous +++



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