Il y a aujourd’hui dans les discours dominants sur les drogues une forme hiérarchisation très ancrée. En effet, si personne ne rechigne à qualifier les substances illégales, telles que la cocaïne, la beuh, la MDMA, etc., comme des drogues, l’alcool, lui, jouit d’un statut particulier et peu reconnaissent qu’il s’agit bel et bien d’une drogue.
D’abord, qu’est-ce qu’une drogue ?
Selon l’Organisation mondiale de la santé : « On appelle « drogue » toute substance psychotrope ou psychoactive qui perturbe le fonctionnement du système nerveux central (sensations, perceptions, humeurs, sentiments, motricité) ou qui modifie les états de conscience. Une drogue est un produit susceptible d’entraîner une dépendance physique et/ou psychique. Les dangers ou risques d’une substance dépendent de nombreux facteurs : l’âge et le sexe du consommateur, le mode de consommation, la fréquence à laquelle il consomme, etc. »
L’alcool remplit donc tous les critères de cette définition. Pourtant, selon l’Enquête sur les représentations, opinions et perceptions sur les psychotropes (EROPP), l’alcool est rarement perçu comme une « drogue ». Pour 56% des enquêtés, offrir ou boire de l’alcool fait partie des règles du savoir-vivre. Près d’un quart (23%) des répondants se souviennent avoir vu ou entendu une publicité pour une boisson alcoolisée au cours de la dernière semaine. Enfin, une quasi-majorité de la population (45%) considère qu’il est acceptable de boire son premier verre d’alcool avant 18 ans.
Il y a une dimension culturelle (et économique) qui fait de l’alcool une drogue socialement acceptable, voire valorisée (ne pas boire d’alcool est souvent considéré comme suspect, étrange, et on reproche à celui ou celle qui ne boit pas d’être chiant.e et ennuyeux.se). Cependant, les risques et les dégâts liés à la consommation d’alcool sont bien réels : l’alcool est la deuxième cause de mortalité prématurée dans notre pays et une des toutes premières causes d’hospitalisation. Même consommé en faible quantité, il a une influence sur le développement de nombreuses maladies : cancers, maladies cardiovasculaires et digestives, maladies du système nerveux et troubles psychiques.
L’hypocrisie généralisée autour de la banalisation de la consommation d’alcool a de nombreuses conséquences négatives :
- Elle empêche d’envisager le problème à sa juste mesure et donc de trouver des solutions adaptées (sensibilisation, éducation à la conso, réduction des risques, repérage précoce, etc.).
- Elle met en difficulté les personnes qui souffrent de leur consommation en minimisant les problématiques qu’elles peuvent rencontrer (« allez, juste un petit verre », « rolala, t’es chiant.e », etc.).
- Elle dramatise les autres consommations, durement réprimées, tout en stigmatisant les personne qui galèrent avec l’alcool, avec pour sous-entendu que si l’alcool n’est pas une « vraie » drogue, alors la dépendance n’existe pas vraiment et tout est alors question de volonté ou de maîtrise de soi.
Imaginez un peu qu’on se comporte avec la cocaïne, par exemple, comme on se comporte avec l’alcool : une petite trace en famille le dimanche ?
https://www.santeaddictions.fr/je-m-informe/l-alcool-est-une-drogue