
Se nourrir est bel et bien un besoin vital ! Mais comme tout remède, il peut aussi être poison selon l’usage qu’on en a. Et les substances psychoactives n’échappent pas à cette double fonctionnalité : tantôt béquille, tantôt outil destructeur. Existe-t-il des liens possibles entre rapport à l’alimentation et rapport aux produits ? C’est ce que nous allons développer dans cet article.
We’re all on drugs
Pour rappel, un rapport addictif à une substance ou à une activité désigne principalement une perte de contrôle répétée (se dire qu’on ne va pas la consommer/pratiquer et le faire quand même), avec des conséquences sur la vie sociale, affective, financière, la santé physique et/ou la santé mentale. Ce qu’il est important de comprendre, c’est que les rapports addictifs n’arrivent pas par hasard et assurent à l’origine une fonction, consciente ou non, pour la personne concernée.
Humainement, on a tendance à avoir besoin d’équilibre, notion très subjective et tout à fait imparfaite.
Ainsi, chacun.e met en place des comportements et stratégies pour compenser lorsque quelque chose manque à cet équilibre. Et ce, dans la limite des capacités et possibilités qui sont offertes.
Donc même si ce qui a été mis en place peut sembler délétère de l’extérieur, il est possible que cela compense autre chose d’encore plus violent pour l’intégrité psychique de l’individu par exemple. Envisager les rapports addictifs comme un moyen de compenser ce qui a pu faire défaut est une façon constructive de les considérer tels qu’ils sont : comme une conséquence. Il est ensuite possible dans le parcours de soins de traiter les problématiques sous-jacentes pour qu’à terme, la béquille soit moins (ou plus) nécessaire, quitte à devenir un plaisir.
Se priver pour mieux monter
Il n’est pas rare de s’abstenir de manger avant de consommer des produits, afin que ces derniers aient plus d’effets plus rapidement, ou à l’inverse, de manger expressément pour éviter que ça monte trop et trop vite.
Conseil : se nourrir n’empêchera pas une bonne montée et n’a pas besoin d’être fait compulsivement ! La nourriture est un carburant, qui aidera donc à mieux vivre la défonce. Privilégiez des aliments plaisir et un temps dédié avant, pendant ou après.
Un autre phénomène associant alimentation et substances a été identifié : l’alcoolorexie ou l’ébriorexie. Il s’agit d’une jonction entre l’alcoolisme, la boulimie et l’anorexie (voire de l’orthorexie). Plus précisément, c’est lorsque des comportements de restriction alimentaire sont mis en place pour compenser les calories ingérées avec l’alcool. Contrairement à l’alcoolisme, l’alcoolorexie induit un contrôle (notion centrale de l’anorexie et l’orthorexie) poussé de ses consommations.
Conseil : si ça peut sembler une bonne idée sur le papier, les conséquences sur le long terme peuvent en réalité être désastreuses. Un suivi pluridisciplinaire est le plus adapté dans ce cas de figure.
Cravingception
On peut aussi observer une consommation davantage orientée vers certaines substances pour atteindre un objectif lié au poids.
Par exemple, des stimulants avec leur effet « coupe-faim » si le souhait est la perte de poids, ou des dépresseurs type THC avec la « foncedalle » si le souhait est la prise de poids.
Conseil : ces comportements répétés peuvent amener à ne considérer que l’objectif et ce, au détriment des risques qui peuvent exister en parallèle.
Il est important que les décisions prises tiennent également compte des inconvénients liés aux substances consommées, à une malnutrition ou à une sous-nutrition.
Même sans objectif précis de poids, il est possible que certaines consommations, comme le THC ou l’alcool par exemple, puissent déclencher des cravings de nourriture et engendrer une crise compulsive. S’il n’y a pas de comportements compensatoires (vomissements, restriction, laxatifs), il s’agit de boulimie et s’il y en a, il s’agit d’hyperphagie.
Conseil : si c’est uniquement ponctuel et réactionnel à la consommation, pas d’inquiétude, ça peut arriver. L’essentiel est qu’il y ait le moins de mise en danger possible.
Si cette consommation révèle un trouble des conduites alimentaires (TCA) sous-jacent, ne pas hésiter à s’orienter vers un suivi adapté.
La colle c’est délicieux
Même sans crise compulsive, les états de conscience modifiée dans lesquels ces substances conduisent peuvent orienter la personne vers des aliments qui ne sont pas consommés initialement (par conviction ou à cause de croyances qui entretiennent un sentiment de culpabilité à l’égard de ces derniers).
Conseil : prendre du recul vis-à-vis de cette émotion qui peut être tout à fait passagère. Si elle s’installe et nourrit des comportements autodestructeurs, privilégiez nous contacter pour en parler.
Certaines substances (les psychédéliques entre autres) peuvent aussi conduire à consommer des substances non nutritives et non comestibles.
Conseil : si c’est ponctuel et en réaction à la consommation, cela peut être sans conséquences sur la santé. Si c’est un comportement qui se maintient même hors consommation, il peut être caractéristique d’un trouble alimentaire nommé le syndrome de Pica.
Si les liens entre substances psychoactives et alimentation peuvent donc être nombreux, cela ne signifie pas systématiquement qu’il s’agit d’un trouble ou d’un comportement problématique.
Encore une fois : c’est l’intensité, la fréquence et les répercussions sur la santé (vie sociale, finances, besoins vitaux) qui permettent l’identification d’un éventuel rapport addictif (aux consos et/ou un TCA).
Alors : pas d’autodiagnostic, suffisamment de vigilance, un tantinet d’écoute de soi et beaucoup d’indulgence, voici de quoi faire un bon cocktail !