Dans ce témoignage, à la fois terrible et tristement banal, X nous raconte un rapport toxique à la famille. Quand les liens du sang révèlent le pire de nous et qu’on essaie de s’assommer en buvant beaucoup comment ça peut finir ?
C’est étonnant à dire, mais une vie sans alcool, c’est comme la moitié d’une vie. Ce sont des moments que je chéris, parce que j’ai l’impression d’être extrêmement libre dans ces moments-là. Je suis avec les copains, au bar, on ne parle pas de boulot ni de truc sérieux. On est juste là, à picoler et à être ensemble.
J’arrive en général à gérer ma conso, mais à l’approche des fêtes, c’est toujours une galère. Ça m’échappe petit à petit, ma routine sport-taf-vie se dilue au fond de mon bar préféré, mon PEL aussi et finalement, trois semaines plus tard je m’aperçois que j’ai été saoule un soir sur deux et parfois en journée aussi.
Cette année, pour Noël, ça a été vraiment humiliant.
Il y a eu le fameux aller de deux heures de route. Les retrouvailles avec les parents. Puis 1h30 après être arrivée, la famille qui commence à me demander : « Appelle X, on va boire un verre ça fait longtemps qu’iels ne t’ont pas vue » et dans le cas ou X ne répond pas, on me demande d’appeler Y.
« OH, ELLE EST DÉJÀ BOURRÉE »
On est le 24 décembre, il est 12h et je commence la tournée des proches.
De 12h30 à 15h, accompagnée de quelques chips, c’est une bouteille que je bois.
À 15h, je ne distingue déjà plus rien à deux mètres, je tiens difficilement debout. J’éclate une clope dans la voiture familiale que je ne conduis pas, car j’ai un minimum d’éducation, je sature les enceintes de Mariah Carey, parce qu’après tout, c’est Noël. En sortant de la voiture, je m’éclate sur le sol, la raison officielle étant qu’il y avait un trou dans le chemin.
Puis, la fameuse phrase de ma mère retentit « Puisque tu pars tôt demain, on n’aura pas le temps de boire, viens on boit notre cocktail cet après-midi ».
16h, j’en suis à mon deuxième verre de ce cocktail de Noël au goût sucré de culpabilité et agrémenté d’accusations de désertion familiale du 25 décembre.
Un cocktail en entraînant un autre, il est déjà 18h. J’ai l’équivalent de 6 g dans chaque bras et je viens de passer 6 heures à boire pour « fêter Noël et passer du temps en famille ».
19h, je m’effondre le temps du trajet de 20 min dans la voiture, ivre morte et observée par le regard accusateur et presque en colère du reste de ma fratrie. 19h30, lancement du réveillon de Noël et lorsque je passe la porte, j’entends des acclamations de part et d’autre « oh, elle est déjà bourrée », « ah bah t’as fait fort cette année », « je me demande à quoi elle ressemble sobre »…
AUTANT QU’ILS EN AIENT POUR LEUR ARGENT
Pragmatiquement, je me dis que de toute façon, foutue pour foutue, autant y aller. De toute manière, j’aurais quand même été traitée d’alcoolique sans mes 6 g. Autant qu’ils en aient pour leur argent.
22h, les illustres membres de ma famille, adeptes d’intégrer des jeux et des animations lors de chaque événement, nous pro(im)posent un jeu mêlant des questions générales et des questions familiales.
Rapidement, une question m’est destinée. Entre l’interrogation de la plus grande chaîne de montagne d’Europe et celle des exploits sportifs d’un membre de ma famille, la question qui m’est destinée éclate au grand jour : à quel événement familial as-tu trop bu pour la première fois ? Presque flattée que ma première cuite concurrence la plus grande chaîne de montagne d’Europe, je le prends mal, mais ça passe. Puis une quatrième question s’offre à moi et au reste de ma famille : combien de verre as-tu bus ce soir ?
Soudainement, c’est une partie de ma personnalité que je ne contrôle pas qui prend le dessus, qui se lève devant la vingtaine de personnes présentes et qui commence à hurler (avec une articulation plus qu’approximative) : « Je suis tellement flattée que ma vie vous intéresse autant. Ravie d’apprendre que vous êtes mes plus grands fans. J’ai hâte de découvrir la cinquième question, j’espère que ce sera celle sur l’âge auquel j’ai eu ma première expérience anale ! »
J’AI BU 12 HEURES D’AFFILÉE
22h30 sonne et finalement, je suis l’exemple type du tonton beauf, bourré à l’humour carrément limite, mais version meuf.
Le reste de la soirée reste flou et latent, je m’écroule « de fatigue » sur le canapé vers 00h. En entendant de loin « bah si c’est pour finir dans cet état-là, ce n’est pas la peine ».
J’ai bu 12 heures d’affilée, sans pause et, il faut bien l’avouer, sans eau.
Mais pour répondre à la première question, le premier événement où j’ai bu pour la première fois, c’était pour les 18 ans d’un membre de ma famille. J’avais 14 ans, tout le monde était saoul et on m’a proposé un verre, parce que c’était une tradition familiale : « On a tous pris notre première cuite à 14 ans ».
Sous cet angle-là, je ne suis peut-être pas la « tatie bourrée », mais plutôt la tatie hyper traditionaliste de la famille. Qui l’eût cru.
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