Kétamine et injection et petit poney tatoué (photomontage maison, images Pexel et Unsplash)
Kétamine et injection et petit poney tatoué (photomontage maison, images Pexel et Unsplash)

Injection de kétamine : fausse bonne idée / vrais dangers

Publié le 28 octobre 2024 par Maxime

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Cet article parle de : #ketamine #injection

Des personnes passent à l’injection de kétamine afin de protéger leurs parois nasales ou réduire le risque pour leurs reins. En plus d’être faux, ce raisonnement repose sur des idées reçues et comporte des risques importants. Prenons quelques lignes pour démonter cette histoire.

¡ Holà Kéta !

La kétamine est un produit dont la consommation a été multipliée par 4 en France depuis 2010. 

Graphique généré par Chat Gpt à partir des données de l’OFDT.
Graphique généré par Chat Gpt à partir des données de l’OFDT.

 

Si ce n’est toujours pas un produit de large consommation comme le cannabis ou la cocaïne, on en trouve de plus en plus facilement dans les milieux festifs alternatifs. Sans compter les nombreux NPS qui imitent la kétamine et sont vendus comme tels sur les shops en ligne (2-Fluorodeschlorokétamine – 2-FDCK, Fluorokétamine, 2-Fluorokétamine ; 2′-Oxo-PCE – Eticyclidinone, O-PCE, Deschloroéthylnorkétamine, 2-DCNEK –  Méthoxykétamine, 2-MeO-2 – Deschlorokétamine, 2-MeO-kétamine, etc.) et dont les effets peuvent mener à des bad trips (retrouvez nos conseils pour éviter le badtrip) ou accident beaucoup plus graves. Rappelons que l’analyse de drogues en laboratoire est aujourd’hui le seul le seul moyen fiable de savoir ce que contient un produit acheté illégalement, à Marseille et en région PACA le Druglab fait ça très bien 😉. 

Dans les témoignages que nous avons reçus ou dans les discussions que nous pouvons avoir avec les usagers et usagères, ce qui revient souvent, c’est le plaisir recherché et ressenti lors de la dissociation. Avec une recherche d’expériences intenses, très psychédéliques à peu de frais (le prix est abordable, surtout si on achète à coups de 10/20/50 grammes, et c’est facilement revendable). Mais derrière une apparente innocuité (on l’a dit, les effets ne durent qu’une poignée d’heures, n’empêchent pas de manger ou dormir et ne provoquent pas de grosse descente), des conduites addictives peuvent quand même se développer et poser problème. Alors même que la kétamine ne provoque pas de syndrome de manque. C’est un état psychologique qui peut donner un trop fort goût de reviens-y et poser de graves troubles, notamment urinaires mais aussi au niveau de la sphère ORL. 

L’injection : moyen de conso le plus risqué

On va commencer par rappeler un fait indiscutable : l’injection est la manière de consommer des drogues qui expose le plus à des risques sanitaires. Comprenez que c’est le mode de consommation le plus risqué. Pourquoi ? Comment ? En traversant la barrière cutanée pour faire passer les produits par le système sanguin, les muscles ou le dessous de la peau, les germes, virus, bactéries et champignons peuvent facilement pénétrer l’organisme. De plus, la préparation des solutions injectables doit se faire avec du matériel stérile, à usage unique et strictement personnel pour éviter la contamination croisée. Si les règles de l’art ne sont pas respectées, les risques sont réels. Le risque zéro n’existe d’ailleurs pas : les produits issus du marché noir ne sont pas stériles. S’injecter des substances non contrôlées revient à jouer à la roulette russe. Ajoutons que la pratique de l’injection augmente la biodisponibilité et provoque des effets plus forts que presque tous les autres modes de consommation. 

Pour résumer, l’injection (quelle qu’elle soit) augmente les risques de surdose, ceux de contracter des maladies infectieuses telles que le VIH, l’hépatite B ou C, et peut provoquer des infections bactériennes ou diverses pathologies affectant les chairs ou les os.

L’injection n’est donc pas un acte anodin mais malgré les risques encourus, de nombreuses personnes passent à l’acte ; selon l’OFDT, 105 000 personnes s’injectent en France (chiffre de l’année 2014). Quelles pistes d’explications avons-nous ?

Eh bien, sans surprise, un des arguments qui revient souvent dans les témoignages, c’est l’argent. En effet, le passage à l’injection permet de maximiser les effets d’une quantité définie de drogue. C’est la question de la biodisponibilité, on vous a rédigé un article sur cette question. L’argent comme pousse-au-vice, c’est un raisonnement qui se tient. 

Au sujet des UDI l’acronyme qui désigne les usagers de drogues par voie injectable et des risques spécifiques aux drogues, la Dr Chauvin dit dans sa thèse : 

« Ces patients sont fragiles et leur consommation entraîne des conséquences graves, somatiques et psychiques, nécessitant une prise en charge efficace en soins primaires. 

    • La cocaïne provoque des évènements cardio-vasculaires aigus (insuffisance coronarienne, poussée hypertensive, dissection aortique…), neurologiques (convulsions, hémorragie méningée, accidents vasculaires cérébraux …) et psychiatriques (bouffée délirante aiguë, agitation psychomotrice…). 
    • Les opiacés entraînent principalement des évènements respiratoires (diminution de la fréquence respiratoire, détresse respiratoire aiguë pouvant aller jusqu’au coma) et parfois un syndrome sérotoninergique (hypertonie, hyperthermie, agitation, tremblements, sueurs …). 
    • Les cathinones, nouveaux produits de synthèse, entraînent des évènements cardiovasculaires, psychiatriques et neurologiques, sensiblement identiques à ceux des drogues précédemment citées. »

Carla Chauvin. Perception des consultations de médecine générale par les patients injecteurs de drogues. Une étude qualitative dans deux services hospitaliers marseillais. Sciences du Vivant [q-bio]. 2021. 

⚠️⚠️⚠️ Attention cette vidéo s’adresse à des personnes qui pratiquent déjà l’injection dans les meilleurs conditions. C’est à dire qui utilisent du matériel stérile, à usage unique, avec une hygiène impeccable et à un rythme raisonnable. ⚠️⚠️⚠️

Une dépendance psychologique 

La kétamine se retrouve un peu partout ces dernières années. On parle de son retour dans la médecine psychédélique, dans des essais cliniques pour traiter les dépressions résistantes et aussi en produit privilégié des personnes qui n’aiment pas les grosses descentes ou qui cherchent des états puissamment dissociatifs pour un minimum d’effets secondaires. 

En effet, dans l’absolu, la kétamine est un dépresseur relativement sûr. On l’utilise depuis des décennies, notamment en médecine de guerre car elle permet l’anesthésie puissante sans perturber les fonctions vitales. Utilisée seule, la kétamine n’entrave ni la respiration ni le rythme cardiaque. C’est une de ses caractéristiques principales mais mélangée avec d’autre dépresseurs (alcool, sédatifs, benzodiazépines, GHB, GBL, héroïne, tramadol, codéine, etc.), les effets se cumulent et on entre dans une grosse zone de gros risque. C’est ce genre de cocktail qui a par exemple terrassé l’acteur Matthew Perry. 

En petites doses (par exemple sniffé sur une clef comme on le voit dans les films Sans jamais nous connaître, Rotting in the sun ou encore All my friends hates me), la substance va provoquer un effet semblable à l’ivresse (mauvaise coordination, déséquilibre, troubles de la compréhension) sur un laps de temps relativement court et sans réel contrecoup. C’est cette bonne presse qui peut pousser à consommer plus.

La kétamine entraîne une accoutumance très rapide (qui se traduit par une résistance à ces effets psychédéliques et la nécessité d’augmenter les doses). Cette nécessité d’augmenter les doses peut amener l’usager à acheter de plus grosses quantités, voire se mettre à revendre pour amortir les coûts liés à sa consommation. On parle alors d’usager-revendeur si le sujet vous intéresse (un article sur KEPS est dédié à cette notion).

Attention, une dépendance psychologique ne signifie pas qu’il s’agit d’une dépendance au rabais ; cela signifie juste que les manifestations somatiques sont avant tout liées à un état psychologique. Toutes les dépendances sont à prendre au sérieux.

Paroi nasale : comment la préserver

Et oui, qui dit sniff dit bobo narines. Mais qui dit grosse accoutumance, dit beaucoup de sniffs. Et qui dit beaucoup de sniffs dit gros bobos narines. Sans parler des conduites addictives qui nous dépassent et sans perdre de vue que l’usage de drogues est interdit et expose à des risques sanitaires et des poursuites pénales. Comment réduire les dommages sur la sphère ORL quand on sniffe ? Eh bien, le passage à la kétamine liquide propulsée dans les narines (comme le Stérimar) est une alternative sérieuse. 

Plusieurs options s’offrent alors à vous ; en voici deux.

  1. Utiliser un flacon de spray nasal vide (il s’en vend des tas sur les sites de cosmétiques DIY) et peser une quantité donnée de poudre mélangée avec une quantité d’eau définie. D’eau, de sérum physiologique ou d’eau P.P.I. Pour encore mieux faire les choses, on peut aussi, préalablement, compter en combien de pschitt on vide totalement le flacon. À l’aide d’un produit en croix, on est en capacité de savoir combien de sprays = combien de drogue (à peu près). Cette méthode est aussi plus discrète et évite de faire de trop gros sniffs ou de se trimballer avec son matos de sniff. Attention, il ne faut pas prêter son spray. Puisqu’il se glisse dans les muqueuses, il faut considérer que, comme une paille, il est à usage strictement personnel.  
  2. L’autre possibilité est à peu près du même acabit : il s’agit d’utiliser un Kit Spray Nasal. Il s’agit d’un nébuliseur (un dispositif qui crée une brume très fine) visant à imbiber les muqueuses d’une solution de kétamine diluée dans du sérum ou de l’eau PPI. Ce kit est également une alternative proposée aux injecteurs car elle peut aussi préserver le capital veineux. Entendons nous bien, consommer à moindre risque c’est aussi consommer avec modération. Si des conséquences apparaissent sur votre santé physique ou mentale (ou même dans votre vie sociale), il faut reconsidérer votre relation au·x produit·s et peut-être trouver de l’aide adaptée à votre problématique. L’apparition de conséquences néfastes et la poursuite des consommations font partie de la grille diagnostique des troubles de l’usage

Cependant, il faut garder en tête que commencer à avoir des problèmes de paroi nasale signifie que vous sniffez trop. Votre corps vous envoie un signal : écoutez le.

Il vous faut repenser votre rapport aux drogues et pas seulement au sniff. C’est ça que ça veut dire.

En cas de douleurs, de fausses routes, de saignements, de sensations de brûlure persistance, de difficulté d’élocution, de difficulté à respirer, il ne faut pas hésiter à consulter un spécialiste ORL sans tarder (ne pas oublier de passer par son médecin traitant pour avoir une ordonnance qui respecte le parcours de soins et permet un meilleur remboursement). 

Les reins : pas les derniers (ni les seuls) à trinquer !

Les reins, c’est ce joli duo d’organes qui, entre autres fonctions très stylées, s’occupe de filtrer les déchets (les toxines par exemple) de notre sang. Vous ne tomberez pas de votre chaise si on dit que les drogues, bah, ça fait partie des trucs que votre organisme ne cherche pas à conserver (genre pas comme les vitamines et les minéraux par exemple). 

Parce qu’on n’a pas la science infuse, on a trouvé cette vidéo de l’Inserm qui explique un peu le rôle du rein dans le processus d’excrétion du corps humain.

 

 

Normalement, une fois que vous avez vu cette vidéo, le rôle du rein est moins mystérieux pour vous. Le site de l’ANSM (Agence nationale de sûreté du médicament) rappelle les consignes de bon usage de la kétamine à destination des professionnels de santé : 

« Lors de la prescription de kétamine, afin de réduire les risques d’atteintes hépatobiliaires et uro-néphrologiques, nous vous recommandons de :

    • Respecter les posologies recommandées et ne pas prescrire ou administrer la kétamine de façon prolongée ;
    • Surveiller régulièrement les fonctions hépatique (transaminases, GGT, phosphatases alcalines et bilirubine) et rénale, ainsi que la cytologie urinaire ;
    • Demander au patient de surveiller l’apparition de sang dans les urines ou de douleurs pelviennes, qui constituent des signes d’appel d’une atteinte du tractus urinaire et de consulter son médecin si nécessaire ;
    • Envisager l’arrêt du traitement en cas de perturbation du bilan hépatique ou uro-néphrologique, avec l’aide si besoin d’un addictologue. »

Mais on ne parle ici que de traitements à base de kétamine, donc ponctuels. Plusieurs anesthésies par exemple. Pas du tout de personnes qui consommeraient de la kétamine en sniff 3 weekends sur 4 toute l’année depuis dix ans.

Néanmoins, les reins ne sont pas les seuls à trinquer. C’est tout l’appareil urinaire qui est concerné, de différentes manières en fonction des personnes. Reins, vessie, urètre peuvent donc souffrir et voir leur fonctionnement perturbé. 

On en parlait dans cet article dédié aux troubles urinaires avec la kétamine, mais ces troubles peuvent aussi se traduire par :  

  • Des douleurs vésicales = douleurs au pipi/vessie.
  • Une polyurie = trouble urinaire caractérisé par du pipi en abondance (+ de 3l/jour).
  • Une dysurie = gêne lors de la miction qui peut se manifester par un retard au démarrage de la miction, une nécessité de pousser pour initier la miction, un jet faible ou en arrosoir, un jet interrompu, une miction en plusieurs temps.
  • Une hématurie = avoir du sang dans le pipi.
  • Une cystite interstitielle =  inflammation de la vessie sans cause infectieuse.
  • Une pyélonéphrite =  infection située dans un rein et son uretère.
  • Une urétrite = infection de l’urètre, le canal qui véhicule l’urine de la vessie vers le méat urinaire.
  • Une néphromégalie = augmentation anormale du volume des reins.

Il faut bien se dire que pour des gens qui ne consomment pas de drogues, ces troubles peuvent arriver tout au long de la vie en raison de divers facteurs (alimentation, hydratation, maladies, facteurs génétiques ou héréditaires). Et qu’il est ici question de troubles que la kétamine amplifie gravement et rend beaucoup plus courants. La kétamine en tant que produit et pas seulement en sniff. Autrement dit, passer à l’injection ne préviendra pas des risques d’atteintes urinaires mais en plus vous exposera potentiellement à des complications sanitaires (honnêtement, l’injection, ça ne s’improvise pas. Le protocole AERLI existe pour cette raison).

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