Tatouage et piercing en milieu festif | Entretien avec un professionnel

Publié le 16 septembre 2024 par Maxime

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Cet article parle de : #fete #milieux-festifs

Phénomène peu courant voilà 10 ans, la présence d’un stand de tatouages est devenue presque incontournable dans les évènements festifs actuels. Que ce soit dans des nuits de musiques  électroniques ou dans des open airs de plusieurs jours, les conditions d’hygiènes peinent à respecter celles du cadre légal imposé à la profession. Matty à rencontré AaronPiercings de Tarbes pour lui demander son avis.


On a discuté avec un professionnel du bodmod des pratiques de piercing et de tatouages en milieux festifs.

Bonjour, moi c’est Aaron, j’ai 27 ans et cela fait dix ans cette année que je suis dans le piercing. J’ai commencé de manière autodidacte et cela fait cinq ans que je me suis professionnalisé. Je bosse dans un salon sur Tarbes, entre Toulouse et l’Espagne. 

 

Aujourd’hui, on voulait échanger sur les pratiques de bodmod qui ne se passent pas entre les murs d’un salon conventionné. Quels sont les différents contextes où l’on peut rencontrer des professionnels comme toi et profiter de leurs services ? 

Déjà, les salons bien évidemment, ensuite on a les conventions de tatouage, les festivals, free parties, tout ce qui pourrait être évènement geek, ou salon automobile par exemple, convention de mangas, jeux vidéo, ou encore dans des mariages, anniversaires grandeur salle des fêtes. On croise de plus en plus de propositions différentes via les réseaux sociaux. Cette année, on a par exemple croisé en convention culture/mangas/jeux vidéo un tatoueur qui avait placé son stand comme il pouvait avec la table de massage juste à côté d’un stand de bonbons entres autres, au vu de tous.tes, sans intimité ni conditions sanitaires applicables. Sans parler du public qui touche à tout sur le stand, etc. 

 

On te propose beaucoup d’événements dans le genre ? 

Oui récemment, pour un festival d’une journée près de chez moi. J’ai aussi tenté de faire une convention de tatouage cette année, sachant qu’à part en visiteur, je n’avais jamais bossé en conv’ ni même piercé. Je n’avais donc aucun recul sur l’espace proposé pour le stand. En réalité, tu te retrouves avec plus ou moins 3m2 à tout casser, tu as à peine la place de mettre ta table de massage, fermés par des cloisons avec des multiprises se chevauchant, etc. Cette convention était légèrement catastrophique pour tout dire, on était dans un hangar qui servait pour la vente de fruits, légumes, etc., on n’avait aucun DASRI et quand on en a demandé, on a eu des sacs et cartons, ce qui n’est pas safe du tout. Au final, c’est comme si lors de ces événements, on était déchargés de toutes responsabilités sanitaires obligatoires et nécessaires en salons. 

 

J’imagine que déplacer le matériel complique également beaucoup les choses concernant le respect de ces fameuses conditions sanitaires ? 

Alors ça va beaucoup dépendre de la manière dont tu travailles. On est de plus en plus de professionnels à bosser avec ce que l’on pourrait appeler de la stérilisation à la minute, avec des machines à programmes rapides. Si par exemple en salon la clientèle désire se faire piercer le lobe, pendant que je lui fais remplir sa petite décharge, je vais mettre dans mon stérilisateur ce qu’on appelle un tapeur, une balade, le bijou, une compresse si nécessaire, puis tu stérilises le tout ; c’est moins d’une dizaine de minutes, c’est très rapide. Après, tu peux trouver du matériel déjà stérilisé chez certains fournisseurs, ce qui va faciliter le déplacement, mais personnellement, avec ma manière de travailler, c’est compliqué. Un stérilisateur à déplacer, c’est compliqué, ça coûte très cher. Aussi, tout ce que tu achètes déjà stérilisé le sera par le biais d’un gaz. Donc les emballages ne sont pas abîmés, alors que quand tu stérilises en boutique, tu le fais par le biais d’une vapeur qui va abîmer ces emballages. Surtout qu’on connaît tous comment c’est présenté, tu as une partie plastique et une autre papier, et cette partie papier est fragilisée. Donc pour le transport, on va potentiellement les abîmer et perdre la stérilité du matériel. 

 

Donc si on est à un événement quelconque et que quelqu’un veut se faire un piercing ou un tatouage, à quels risques concrets va-t-on s‘exposer lors de cette soirée ? 

Tout ce qui est environnement, le sol pour commencer, qui sera rarement adapté et donc sale/poussiéreux, etc., la stérilité du matos qui ne peut donc pas toujours être assurée. Si par exemple tu consommes ou as consommé des substances, de l’alcool, etc., cela fluidifie beaucoup le sang, ce qui est très mauvais. Après l’acte, tu peux prendre des coups, des chocs qui vont accentuer l’inflammation de base, tu risques d’avoir des gens autour qui pourraient te toucher alors qu’ils n’ont pas les mains propres. Ou tout simplement toi, si t’es en festival sans possibilité de te laver, ou que tes cheveux sont sales et vont toucher tes oreilles fraîchement percées par exemple, la transpiration également. Le soleil sur une plaie ouverte ou même les baignades immédiates, etc. Chez nous, quand on rencontre un client qui bosse par exemple sur des chantiers ou dans le bâtiment, on va vivement lui conseiller d’attendre d’être en vacances avant de se faire piercer ou tatouer. 

 

Et en sachant que les stands sont de plus en plus présents hors salon, quels conseils pourrais-tu donner à nos lecteurs.ices pour réduire les risques s’ils décident quand même de passer sous les aiguilles ? 

Déjà, essayer au maximum d’être conscient et alerte avant de prendre cette décision, car on parle d’un acte définitif et que notre jugement sera altéré par nos consommations. Et si possible, d’attendre le dernier jour de l’événement et de s’être permis du repos et une pause en amont vis-à-vis des consos. 

 

Ensuite, de vérifier au minimum les conditions d’hygiène ou l’état potentiel d’ébriété du professionnel ? 

Se rappeler que c’est un praticien que tu ne reverras potentiellement pas et qu’au niveau des retouches ou des suivis et SAV, cela va compliquer beaucoup les choses. Essayer de se renseigner en amont via les réseaux sociaux sur le professionnel présent sur le festival plutôt que de le découvrir sur place, et se dire que le book proposé ne sera peut-être pas de la même qualité que le travail fourni du fait des conditions aléatoires que propose le lieu. 

 

As-tu du matos à recommander au public dans leurs projets de piercing/tattoo en espaces festifs ? 

Déjà, des pansements seconde peau, ça fonctionne super bien. Personnellement, je me suis fait tatouer tout le crâne en plein été, ça te permet d’éviter le contact avec tout potentiel corps extérieur, c’est 100% étanche. Tu peux aussi l’utiliser pour ton piercing si, comme certains de mes clients, tu veux absolument aller à la mer ou autre pendant la même période. Tu essayes de le protéger, sans oublier de mettre un petit bout de compresse stérile sur le bijou afin d’éviter de se l’arracher avec la colle. Bien que d’enfermer une plaie ouverte de cette manière ne soit pas le plus recommandable, c’est toujours mieux que d’exposer son piercing aux agressions extérieures. Prévoir de quoi nettoyer la zone, avec notamment du gel douche ph neutre, des mains propres, mais aussi de quoi faire des soins, donc pas d’antiseptiques mais plutôt du sérum physiologique (à usage unique), compresses stériles, etc. Et pour finir, essayer de privilégier les lieux comme les salons, le risque zéro n’existant pas, il faut mettre toutes les chances de son côté. Se souvenir que les professionnels de santé, les bijoutiers ou les chaînes d’accessoires ne sont pas des praticiens sérieux ni formés et ne possèdent pas de matières ni d’outils adaptés. Prenez soin de vous.

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