
Le 26 avril, c’est jour béni : c’est la Journée de la visibilité lesbienne, et franchement on a 1001 raisons de célébrer ces modèles d’avant-gardisme rare.
Car oui, être gouine c’est aussi une identité qui brille par sa diversité, et qui est indéniablement à la pointe de la pointe de la modernité !
Badasse bitch ou butch, non-binaires genderfluid, transfem, dÿke masc mais aussi précurseuses de la scène techno queer et LGBTQIA+, championnes de mode, de foot, de plaisir et de care, militantes destructrices de patriarcat à plein temps et créatrices de contre–culture, personne ne te lira en prime une carte astrale aussi minutieusement qu’elles !
Et pourtant… Malgré le bien continu que les lesbiennes – au sens large et inclusif du terme – s’efforcent à déployer sur cette terre, elles n’en sortent pas valorisées pour autant. Massivement invisibilisées, victimes d’oppression, les discriminations s’accumulent et créent des inégalités drastiques. Isolement, manque d’accès aux parcours de soin, difficultés pour parvenir à la parentalité, lesbophobie, misogynie… Les facteurs ne manquent pas, et cette journée de visibilité s’inscrit de fait comme une journée de lutte et de fierté, car l’identité lesbienne est éminemment politique.
ELLES SONT PARTOUT
La communauté lesbienne, ou gouine en 2025, se place en dehors des rapports patriarcaux et se délivre de la validation du regard cis masculin, en plus d’être à l’intersection de plusieurs communautés : les L, les B, les T. Cumulant plusieurs stigmas, elle s’inscrivent comme pionnières des luttes LGBTQIA+, intrinsèquement liées aux combats pour les droits des femmes et minorités de genre.
Ainsi, on les retrouve en première ligne lors des émeutes de Stonewall, en 1969, véritable tournant de la lutte LGBT, où un mouvement spontané de personnes majoritairement racisées et notamment des femmes trans appuyées par des gays et des lesbiennes, ont répondu à la police, fatiguées par la répression et qu’on leur interdise d’exister. Ces évènements formeront les prémices de la « Gay Pride », devenue marche des fiertés.
Elles s’illustrent également comme actrices indispensables de l’autosupport pendant l’épidémie sida dans les années 1980, engagées auprès d’Act Up et de leurs congénères touchés par la maladie. En solidarité à la communauté gay frappée de plein fouet et décimée par dizaine de millions, les gouines se sont battues, en se mobilisant dans la rue et au chevet des malades, pour que les politiques cessent d’ignorer les morts pendant toutes ces années d’agonie, marquées par une homophobie et un racisme ravageur.
ELLES SAVENT TOUT FAIRE
Malgré cet investissement communautaire, une des plus grandes problématiques lesbiennes demeure celle de l’isolement. Marginalisées depuis des siècles, les lesbiennes prennent le train en marche pour s’inscrire dans la contre-culture créée par le milieu queer noir dans les années 1980 aux États-Unis et contribuent dans les années 1990 à importer en Europe le milieu de la techno, lieu de sociabilisation communautaire et espace de revendications. En utilisant la danse, le son et le clubbing comme outil d’émancipation et d’opposition, les soirées queers et les free parties voient le jour et fleurissent notamment en Allemagne, en Belgique et en France. Avec les produits qui s’y prennent, et la réduction des risques qui l’entoure !
Vous l’aurez compris, les gouines sont les stars toutes catégories confondues du militantisme communautaire et de l’autosupport, mais pas que ! En se plaçant en dehors du regard masculin et des injonctions qui y ont trait, elles s’érigent aussi au-dessus des dogmes patriarcaux du contrôle des corps et de la sexualité. Monique Wittig, figure majeure du MLF et théoricienne du lesbianisme politique, affirmait même que « les lesbiennes ne sont pas des femmes ». Et pour cause, en refusant l’oppression patriarcale dans la sphère privée, c’est toute la notion de genre qui s’en trouve abolie. Affranchies des codes aliénants de l’hétérosexualité, elles constituent également les meilleures amantes que l’on puisse avoir, et aussi les plus safe. Avec une sexualité fondée sur le plaisir et non reproductive ou dominante, elles nous prouvent que la contre-culture est aussi sexuelle et que la révolution se fait aussi au lit (ou ailleurs bien sûr…) !
ET POURTANT, ELLES SE FONT MALTRAITER
En dépit de cet acharnement militant et de ce care à toute épreuve, on rend bien mal à la culture lesbienne tous les bienfaits qu’elle confère. Ainsi, fantasmées mais mal soignées, s’il y a bien encore un domaine où les gouines sont numéro 1, c’est bien l’invisibilisation. Rayées des pages de l’histoire comme de la vie publique et politique, les conséquences s’avèrent dramatiques et notamment en termes de santé.
Exclues de la zone hétérosexuelle et donc majoritairement du prisme de la contraception et/ou procréation, par peur des discriminations et jugement lesbophobe, les gouines n’ont pas ou peu recours à la gynécologie; une exclusion de la sphère médicale dont toute leur santé pâtit. De ce postulat d’hétérosexualité, de cette peur d’être mal à l’aise, la désinformation règne en maître.
Par exemple, on estime que les lesbiennes sont peu touchées par le VIH, les taux de contamination étant peu élevés. Assignées dans l’imaginaire collectif comme ayant une sexualité sans risques, ce discours a été intégré et on méconnaît les modes de transmission de possibles IST, et avec, les moyens de les prévenir. Ces itinéraires médicaux obstrués restreignent l’accès aux soins et les dépistages s’opèrent tard, même lorsqu’il s’agit de cancer du sein ou du col de l’utérus.
En parlant de parcours du combattant médical, impossible de ne pas aborder la législation et les réalités qui encadrent la parentalité. La légalisation du mariage pour tous en 2013 a vu éclater un déferlement homophobe, et c’est une loi bien peu complète qui a émergé, notamment sur la procréation médicalement assistée (PMA) qui reste inchangée, à savoir exclusivement réservée aux couples hétérosexuels en incapacité de se reproduire.
En 2021, la France ouvre timidement, par décret, la PMA aux couples lesbiens. Si celle-ci se veut plus inclusive, elle reste cependant bien éloignée de la vérité : elle se dissocie de la situation conjugale, mais ne s’applique pas à l’identité de genre. Ainsi, seules les femmes cis peuvent prétendre recourir à une PMA, excluant de fait les personnes trans, qu’elles soient des femmes en couple ou des hommes trans ou NB, seul.e ou en couple.
De plus, l’acte est remboursé sur le papier mais la réalité est tout autre. En effet, la Sécurité sociale ne couvre qu’un nombre limité de tentatives, dont le coût avoisine les 4 000 euros. Par ailleurs, les délais d’un don de sperme varient de 6 mois à plus de 3 années, ajoutons à cela le temps que ça fonctionne, si toutefois ça fonctionne.
Cette situation amène les personnes à avoir recours à des PMA coûteuses à l’étranger. De cette façon, elle entretient des inégalités sociales et économiques, rajoutons à cela l’oppression systémique lesbophobe, raciste et transphobe, l’accès à la PMA se fait finalement lieu de reproduction des discriminations.
BRAVO LES LEBSIENNES
La lesbophobie a toujours la peau dure dans notre société, poussant les gouines à se faire discrètes. En découlent naturellement un isolement et une marginalisation qui impactent la santé mentale. Par souci de socialisation, même si les lieux de vie et de fête communautaires s’avèrent être des outils émancipateurs, leur participantes sont également susceptibles d’être exposées à l’addiction, sachant que la précarité et l’exclusion qui pèsent sur les personnes LGBT rendent d’autant plus difficile l’accès aux soins en addicto.
Selon le rapport 2021 de SOS homophobie, être lesbienne, c’est s’exposer à des moqueries, des injures, du rejet, du harcèlement, des menaces et ces violences jaillissent partout, dans la rue, dans la sphère familiale, au travail.
Être visible, c’est potentiellement en subir les conséquences qui grimpent en violence pour peu que l’on cumule en prime d’autres oppressions systémiques, comme le racisme, la transphobie, le validisme… Alors, en ce jour et plus que jamais : Bravo les lesbiennes et merci pour tout !
PS : Notre sexualité, nos parcours, nos identités de genre, notre vie sexuelle sont multiples et variés, et l’on peut parfois se retrouver seul.e face à ses douleurs ou à ses questionnements. Mais il y a toujours le 3615 KEPS, notre temps d’écoute safe et bienveillant, un aftercare de qualité ! Tous les mercredis et jeudis de 14 à 17h, slide dans nos DM pour prendre rdv !