
Un petit bonbon décontractant ? Présentés comme « un plaisir gustatif aux effets puissants », « un moyen efficace de répondre à tous vos besoins », les gummies au CBD sont loin d’être aussi anodins qu’on voudrait nous le faire croire.
Un seul petit bonbon et tout peut déraper, comme en témoignent deux consommateurs surpris par leurs effets.
Vous pensiez avoir affaire à un bonbon légèrement planant ? Parfois coupés aux cannabinoïdes semi-synthétiques, les gummies « au CBD », vendus comme tels dans les shops et ailleurs, peuvent s’avérer nettement plus dangereux et en conduire certains à l’hôpital.
Les cannabinoïdes semi-synthétiques sont des molécules fabriquées en laboratoire à partir des phytocannabinoïdes (présents naturellement dans la plante) en modifiant légèrement leur structure chimique. La plupart du temps, ils sont produits à partir de CBD et peuvent avoir pour but de modifier les effets, mais aussi d’échapper aux contrôles et à la réglementation sur le cannabis.
HHC, H4-CBD… : la liste de ces molécules est longue et en renouvellement constant. Dès que certaines sont interdites, de nouvelles arrivent sur le marché.
Qui en prend ?
– Des personnes qui consomment ou consommaient du cannabis et qui recherchent une alternative légale.
– Ou des personnes qui n’ont jamais consommé de cannabis et qui s’initient à ces substances, en pensant prendre du CBD qui est présenté comme assez inoffensif et non psychotrope, ou un produit juste un peu plus puissant ou avec un intérêt thérapeutique. Quelque chose qui les détendra ou qui les aidera à dormir.
Avec quels risques ?
Premier problème : l’absence de contrôle qualité sur ces produits surfant sur un marketing agressif. Les vendeurs ne sont parfois même pas au courant des substances qu’ils vendent ou ne donnent pas les conseils nécessaires, voire ne respectent pas la réglementation.
Or, ces cannabinoïdes semi-synthétiques peuvent être plus puissants ou agir plus longtemps que le THC classique, et leurs effets sont moins prévisibles avec des risques à long terme aujourd’hui inconnus.
Plusieurs cas graves d’intoxications aiguës avec hospitalisations ont ainsi été enregistrés suite à la consommation de ces produits. Et des bad trips chez des personnes qui n’avaient pas l’habitude de consommer du cannabis.
Chaque voie d’administration ayant par ailleurs ses propres conséquences, les formes comestibles vont permettre d’ingérer une quantité importante de cannabinoïdes et faire effet pendant plusieurs heures. Des produits très concentrés en cannabinoïdes semi-synthétiques ont des effets très puissants, même chez des consommateurs de cannabis aguerris.
Deux acheteurs nous ont fait part de leur trip report pour en témoigner.
« J’expérimente la déréalisation »
Contexte : sobre d’alcool depuis 140 jours, sobre d’autres substances depuis un an et demi, aucune envie de proder des cathinones ou psychédéliques, et une simple envie d’être un peu défoncée au CBD (puisque très réceptive).
Je rejoins ma meilleure pote qui me propose cette pâte de fruit, de ma couleur préférée (bleu pétard) et de mon goût préféré (framboise).
Il en reste un peu plus d’un quart chacune, on se pose et on profite de l’appart pendant 1h30. Pile le temps qu’il faut pour que le corps réagisse à la molécule ingérée.
On décide de sortir boire un coup, on ouvre la porte de l’immeuble et on commence à percher, dehors en plein jour.
Fou rire sur le trottoir en réalisant qu’on est deux farfadets qui allons dans un monde où on n’est pas censé être dans cet état.
Défonce marrante, on se fait alpaguer pour un micro-trottoir en plein milieu du Vieux–Port (Dieu merci on a fui cette propal).
Jusqu’au moment où une énorme montée arrive, qui me fait instantanément penser à la MD.
Ne m’y attendant pas, ça devient une montée d’angoisse hyper intense, où je suis persuadée que je vais rester bloquée, que j’ai ingéré à mon insu autre chose que du CBD.
C’est ainsi que mon amie m’indique que ce n’était pas du CBD mais vendu comme du THC (et légalement car à hauteur de 0,3%).
J’angoisse de plus en plus même si j’essaie de ne pas lutter contre les montées qui viennent par vagues, et surtout j’expérimente la déréalisation. Je suis hors de mon corps et je ressens que tout ce qui est vécu ne l’est pas par moi (comme si c’était une autre réalité et que j’étais une IA).
On a marché un peu, j’ai bu une boisson fraîche et sucrée, le temps passait et laissait place à autre chose que l’angoisse, et mon amie avait conso la même chose et était très apaisée.
Ces facteurs ont réduit l’impact de ce moment excessivement désagréable, mais morale : checkez bien quelle substance il y a dans ce que vous prenez, dosez petit et avisez ensuite, gardez en tête que les effets sont beaucoup plus forts quand c’est mangé et que le THC peut avoir des effets psychédéliques à certains dosages, a fortiori si des cannabinoïdes semi-synthétiques y ont été ajoutés !
« Légal, petit, mignon, un seul bonbon… »
J’ai été un gros fumeur de cannabis pendant plus de quinze ans. C’était quotidien, intégré à ma routine, à mes émotions, à mes repères. Et puis les choses ont évolué, j’ai pris du recul. Aujourd’hui, je refume ponctuellement, quand je sens que ça me fait du bien ou que j’ai envie de ce petit flottement. Mais ce n’est plus automatique, plus compulsif.
Récemment, dans une période où j’étais justement dans une de ces phases où je consomme un peu, je suis tombé sur un gummies CBD avec THC. C’était écrit noir sur blanc : 0,3 % de THC, soit 15 mg par bonbon. Je savais qu’il y en avait. Je n’ai pas été « trompé » ou pris au dépourvu.
Mais après coup, je me suis quand même dit : « En fait… c’est pas rien du tout, 15 mg. »
Sur le moment, j’ai pris ça à la légère. Légal, petit, mignon, un seul bonbon… et boum.
L’effet était bien là, clair, posé, durable. Pas écrasant, mais clairement pas anodin non plus.
Et moi, j’ai l’habitude. Alors je me suis demandé : qu’est-ce que ça aurait fait à quelqu’un qui croit juste manger un truc au CBD pour se détendre un peu ? Un·e pote naïf·ve, curieux·se, qui se dit « allez, je teste » ? Je pense que ça peut vraiment surprendre.
Je n’ai pas eu une mauvaise expérience, mais j’ai senti que ça aurait pu l’être si je m’étais trouvé dans un autre état d’esprit. Ou si j’avais été quelqu’un d’autre.
Ce post, c’est pas un avertissement, ni un conseil. Juste un petit bout d’expérience.
Un rappel que les trucs « légers » peuvent parfois taper plus fort qu’on croit, surtout quand ils se mangent, surtout quand on pense que « ça va être soft », parce que c’est légal, ou naturel, ou vendu dans une boutique chill.
Faut pas paniquer, faut pas diaboliser. Mais parfois, c’est bon de se souvenir que même un bonbon peut avoir un effet réel. Et qu’on n’est pas toujours préparé à ça.
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