Depuis 1988 en France, ce 1er décembre, c’est la Journée mondiale de lutte contre le VIH/sida. Cette année, on en a gros sur la patate. 2025 est médaille d’or du cringe et de la perte d’humanité. On vous explique comment la lutte contre le VIH/sida et l’accès aux droits risquent un recul sans précédent.
En bref
En 2025, la lutte contre le VIH/SIDA fait face à des obstacles sérieux : gel de financements américains, déficit dans le Fonds mondial, et tensions sur le PLF 2026 en France. Les conséquences ? Des associations sous pression, des dispositifs de prévention fragilisés et un risque réel de reprise de l’épidémie, notamment pour les personnes les plus précaires. Malgré tout, les voix des communautés et des associations restent essentielles pour guider les réponses, promouvoir le dépistage régulier, l’accès à la PrEP et aux soins, et renforcer la prévention globale. Cet article donne un panorama clair de la situation mondiale et française, avec un focus sur les actions concrètes pour prendre soin de soi et des autres, tout en rappelant que la santé sexuelle et la lutte contre le VIH ne peuvent se dissocier de l’accès aux droits et à la solidarité.
Un début d’année inquiétant
En début d’année, l’administration Trump annonce le gel de deux institutions américaines de lutte contre le VIH/sida :
- L’Usaid (Agence des États-Unis pour le développement international) qui est en pause à durée indéterminée (comme en témoigne le communiqué laconique sur leur site Internet).
- Le Pepfar (Plan présidentiel d’urgence pour la lutte contre le sida), qui se maintient malgré une baisse significative de ses activités.
Depuis plus de vingt ans, les États-Unis étaient les principaux financeurs de la lutte contre le VIH/sida dans le monde. Partout, les plus précaires s’éloignent du soin. Les activités de prévention, de soin et de recherche sont mises en péril, voire s’arrêtent. Si le Pepfar était spécifiquement concentré sur la prise en charge du VIH, l’approche de l’Usaid était plus globale, avec des projets qui ne portaient pas seulement sur le sida.
ONG en alerte
Depuis, les ONG (Médecins sans frontières, Médecins du monde, etc.) alertent sur les répercussions de ces décisions, en particulier la crainte d’une reprise de l’épidémie dans le monde. Sans émouvoir ni provoquer de changement majeur. Les pays les plus durement touchés par l’épidémie sont évidemment les premiers à en subir l’impact.
« L’Onusida estime les conséquences de cette politique à plus de 6 millions de mort·e·s et à 8,7 millions de nouvelles infections d’ici 2029 », rapporte Act Up-Paris.
À titre d’exemple, un article (en anglais) du site Africa as a country, « Life after aid cuts », raconte comment des réseaux de solidarité féminins reconstruisent la solidarité et la santé au Nigeria. En première ligne ici, les femmes, pour qui la PrEP est devenue inaccessible, contraintes de survivre en se prostituant : « Le taux de pauvreté est élevé dans ce pays. La plupart d’entre nous, les femmes, avons des responsabilités familiales et devons travailler. Malgré notre niveau d’éducation, nous ne trouvons pas d’emploi. Nous n’avons pas de réseau. Les hommes exigent des faveurs sexuelles en échange d’un emploi. Comment survivre autrement qu’en nous prostituant ? »
Un soutien international en baisse
Créé en 2002, le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, trois maladies mortelles parmi les plus répandues au monde, est abondé tous les trois ans par des États, des fondations et donateurs privés.
Initié à l’occasion d’un G8, l’idée de ce fonds mondial est le fruit d’un plaidoyer politique communautaire. Depuis sa création, il aurait permis de faire baisser de 63% la mortalité liée au VIH/sida, à la tuberculose et au paludisme.
Mais le Sommet de la huitième reconstitution du fonds qui s’est tenu fin novembre à Johannesburg n’aura permis de réunir que 11 milliards de dollars sur les 18 attendus. Une somme certaine, mais pas à la hauteur des enjeux et du travail à accomplir.
La frilosité de l’engagement français a ainsi suscité de très vives réactions.
L’association Aides n’a pas mâché ses mots et dit d’Emmanuel Macron qu’il « sabote l’héritage français en santé mondiale ». Les écologistes (Europe écologie les verts) se sont également fendus d’un communiqué, en appelant la France à ne pas abandonner la lutte contre le VIH et la santé mondiale.
Les promesses françaises
Cependant, le communiqué de presse du Fonds mondial sur la reconstitution des fonds 2025 permet de mieux comprendre. Malgré la non représentation de l’État français, il est prévu que la France maintienne son soutien de manière inchangée. Il semble que ce soit les difficultés parlementaires à se mettre d’accord sur le projet de loi de finances 2026 qui retarde l’annonce. Engager des sommes aussi importantes sur une durée de trois ans nécessite d’abord que le budget de l’État soit adopté.
Plusieurs pays ont pourtant anticipé le sommet en annonçant des promesses de dons en amont de la grande réunion afin de rassurer (après la défection de Trump en début d’année). Même si plusieurs pays ont revu leurs engagements à la baisse, ce qui va fatalement entraver la bonne marche des actions et provoquer la fermeture de certains dispositifs. Les USA s’engagent tout de même à verser 4,6 milliards de dollars.
« Le résultat de la reconstitution des ressources est une éclatante manifestation d’unité et de détermination dans une période de contraintes budgétaires, de conflits et d’incertitude mondiale. Bien que les promesses de dons n’aient pas atteint la cible ambitieuse fixée dans l’argumentaire d’investissement, et que celles de plusieurs donateurs restent encore à confirmer, cette reconstitution des ressources rappelle que la solidarité mondiale est bien vivante et que le monde est toujours capable de faire front commun contre ces trois épidémies et de protéger les générations futures », résume le Fonds mondial.
Le VIH dans l’Hexagone
Quels sont les chiffres du VIH en France en 2024 ? Selon le Bilan publié par Santé publique France, le nombre de tests de dépistage a augmenté de 8,48 millions par rapport à 2023 (ce qui est bon signe, les gens se saisissent des dispositifs).
- 5 125 personnes ont appris leur séropositivité en 2024.
- 68% étaient des hommes cis, 30% des femmes cis, et 2% des personnes trans.
- 1% d’entre-elleux étaient usage·res de drogues injectables.
- 53% des contaminations sont survenues lors de rapports hétérosexuels, 42% lors de rapports entre hommes.
- On estime qu’à la fin de l’année 2024, ce sont 9 675 personnes qui ignorent leur séropositivité.
C’est en Guyane que le taux de découverte est le plus élevé. En métropole, l’Île-de-France, la région PACA et l’Occitanie occupent les premières marches de ce podium.
Mais alors qu’on pourrait se réjouir des dernières avancées en matière de prévention et de protection comme la PrEP injectable, l’heure est à la crainte. La crainte d’une reprise de l’épidémie causée par des financements insuffisants.
Concernant le projet de loi de finances (PLF) 2026, l’Assemblée a massivement voté contre le texte (1 voix pour) le 22 novembre. N’empêche que quand on y regarde bien, la santé publique (via l’action de petites structures associatives) ne sortira pas gagnante des délibérations. La santé publique au plus proche du terrain, ce n’est pas la priorité m’voyez.
À ce sujet, passage obligé sur le site d’Act Up-Paris et son article délicatement titré « Le monde se fascise, l’épidémie s’éternise ». Un communiqué de presse vibrant, vivant et en colère. « tant qu’il y aura des mort·e·s du sida, nous hurlerons », signé par douze associations. En cause : toujours le PLF 2026 qui semble réduire la voilure sur les dépenses d’association de prévention et réduction des risques dont les missions de sensibilisation et autres actions concrètes seront nécessairement réduites elles-aussi.
Autant dire que l’objectif de mettre fin à l’épidémie d’ici 2030 s’éloigne. Et qu’il s’éloigne fort. En un mot comme en cent : serrons–nous les coudes, la lutte continue.
Sans oublier les autres IST
Enfin, la lutte contre le VIH sans la santé globale (et sexuelle), ça n’existe pas. Si le VIH est le roi des IST, il est loin d’être le seul. Chlamydia, gonorrhée et syphilis sont toujours là. Elles se soignent sans mal, mais comme elles sont asymptomatiques au début, elles ne sont pas toujours prises à temps. Une seule solution : un dépistage régulier (gratuit en CeGIDD). Tout le monde est concerné. Jeunes, moins jeunes, homos, hétéros (et toutes les variations de la queerness LGBTQIA+), avec ou sans papiers. Sans traîner, inversons la tendance.