témoignage, psilocybine, santé mentale
©️ Photo de Frank Tunder pour Unsplash

Témoignage | Le seul enjeu pour le psychiatre était de savoir si j’avais consommé de la psilocybine

Publié le 11 juin 2025 par X

/

Cet article parle de : #sante #sante-mentale #temoignage

Dans ce témoignage, X nous livre son expérience entre sa conso et les violences médicales ressenties. Merci pour ce partage qui permet d’ouvrir le dialogue. 


Je ne sais pas si mon témoignage vous apportera quoique ce soit dans la mesure où je n’ai aucun diagnostic psy mais une expérience mettant en lien psychiatrie et conso.

Depuis 2009, mes 21 ans, je consomme en moyenne deux fois par an des plantes à mescaline, des champignons à psilocybine ou des préparations culinaires à base de cannabis, une seule fois des plantes à DMT. Par curiosité, par hédonisme et surtout par quête métaphysique. Un seul bad trip parce que je n’avais pas de visibilité sur le dosage de space muffins exceptionnellement faits par quelqu’un d’autre et que « trop pris, j’en ai trop pris ». Juste un mauvais moment à passer avec des difficultés à maintenir une respiration normale. Peutêtre la seule fois où il y a eu un vrai risque… Sinon depuis toujours j’observe des règles de RdR strictes. Voilà pour la conso.

Tout était négatif, évidemment

Pour la psychiatrie : en 2023, ma situation matérielle, pour un tas de raisons extérieures à ma volonté, est devenue de la survie. De juin à octobre je ne faisais plus qu’un repas par jour, avec un niveau de stress maximum, je ne dormais plus. Forcément ça s’est mal passé et fin septembre 2023 a eu lieu une première hospitalisation pour bouffée délirante aiguë (mettez n’importe qui à la diète avec un niveau de stress maximal, vous pouvez être sûr qu’il finira tôt ou tard délirant : ça m’aura pris quatre mois).

Des voisins m’ont trouvée délirante sur mon canapé, incapable de communiquer clairement, ils ont cru à une prise d’hallucinogène sachant que j’en étais parfois consommatrice. J’étais incapable d’affirmer ou d’infirmer quoique ce soit dans mon état mais ils ont pensé que j’avais validé cette théorie (j’aurais pu avouer être Sean Connery à ce stade…). Arrivée aux urgences psy, ils m’ont fait un dépistage pour la cocaïne, le cannabis, l’héroïne et les amphétamines. Tout était négatif, évidemment. Mise sous neuroleptiques et surtout : prises de repas normales. Le sommeil n’était pas revenu mais je suis enfin redescendue.

 

Fin de la confiance

A eu lieu le premier rendezvous médical où j’étais en pleine possession de mes moyens. Et le seul enjeu pour le psychiatre était de savoir si j’avais consommé de la psilocybine. Alors que je venais de vivre un épisode très troublant, rien n’était axé sur mon information ou ma santé. Il voulait juste savoir si les champotes avait le dos suffisamment large pour leur coller dessus cette mésaventure et me rendre responsable de ma situation par une prétendue conduite à risque. J’ai dit « oui, il m’arrive de consommer des champignons mais ce n’est pas ce qu’il vient de se passer ». Fin de l’entretien médical. Fin de la confiance. Compte rendu d’hospitalisation « bouffée délirante aiguë, cause probable : prise de champignons hallucinogènes ». Renvoi dans mon merdier après une semaine. Avec un traitement à aller chercher loin, sans explication sur son intérêt puisque zéro information sur mon état médical. J’étais toujours pauvre. Trop pauvre pour aller chercher des cachets à plusieurs bornes. Trois semaines plus tard, rebelote du délire puisque toujours pas d’aliments ni de sommeil…

Là, la prise en charge a été plus adaptée simplement car plus longue. Mais toujours aussi violente. On m’a fait la morale plusieurs fois sur ma supposée consommation de « toxiques ». Ou de simples allusions malvenues sur les champignons par le personnel soignant. On m’a mise sous différents psychotropes légaux dont mon corps n’avait pas besoin. Bref, c’était bien de la merde mais au moins j’étais nourrie, logée et blanchie, et c’était tout ce dont j’avais besoin.

Selon les sources, 30 à 50% des prises en charge psychiatriques n’auraient pas lieu si les personnes pouvaient vivre dignement. Vivement un revenu de base inconditionnel.

Finalement, ça m’a aidée

Ce que je peux dire de mon expérience des substances psychédéliques dans cette histoire, c’est que finalement, ça m’a aidée.
J’ai reconnu la montée en délire, même si prise de surprise, je n’ai pas pu anticiper quoi que ce soit. J’ai envie de dire que c’est comme pour les personnes qui ont eu le Covid en ayant l’expérience des crises d’asthme : ce n’est pas confortable d’avoir du mal à respirer, même potentiellement dangereux, mais les risques décroissent si on connaît le processus et qu’on reste calme.
Vivre une expérience de conscience modifiée non consentie, c’est pas agréable, mais quand on connaît le chemin, c’est moins pire. Dans mon cas, pas de paranoïa, pas de mauvais délire, parce qu’à l’intérieur de cet épisode, j’avais mis en place des stratégies de régulation. Je me canalisais malgré la chimie perturbée de mon cerveau.
Et j’ai fait le choix de faire semblant de prendre le traitement neuroleptique une fois redescendue, parce que dans un milieu (presque) sécure, et que personne n’avait recueilli mon consentement éclairé à ce sujet. Tout en sachant que si je détectais à nouveau des signes de montée, le traitement était à disposition. Ce qui recoupe les données scientifiques sur les protocoles de traitement des crises psychotiques efficaces, me semble-t-il… À savoir des traitements courts pour stabiliser la chimie cérébrale et éviter les phénomènes d’accoutumance et de sevrage. À vérifier. 

Ensuite, j’ai vu une psychiatre faire du chantage à l’enfermement. J’ai vu deux patients passer du côté ouvert au côté fermé parce que leur dépistage cocaïne était positif. Coercition quand tu nous tiens…
Si le système institutionnel était capable de se remettre en question, ça serait juste drôle, mais il préfère rester aveugle à la réalité des pratiques et des risques et torturer les gens. En espérant que vous contribuiez à changer ca 🤞

Les témoignages publiés sur KEPS et ses différents réseaux sociaux sont issus de notre communauté. Ils peuvent nous être envoyés par email, en messagerie privée, ou racontés de vive voix (et enregistrés puis retranscrits), ils sont le récit d’une expérience toujours subjective. Il convient de les prendre tels qu’ils sont : un morceau de la réalité d’une personne. La plus grande bienveillance est de mise et les propos tenus ici ne reflètent pas une position de Kepsmag ou de l’association Bus 31/32.

📞 Envie de réponses ou simplement d’être écouté·e ? 3615 KEPS ce sont les rendez-vous qu’on te propose le mercredi et jeudi de 14h à 17h. Envoie-nous un message, on est là pour toi.

As-tu aimé cet article ?

Ces articles pourraient aussi t'intéresser