
« Boire un coup pour se détendre », « boire pour oublier »… On l’a toustes déjà entendu, utilisé… et trouvé normal et banal. Mais boire un verre quand on est stressé·e, c’est bien avoir recours à une substance psychoactive pour pallier un problème, passager ou non, de santé mentale. Consommer de l’alcool mais aussi des produits pour s’automédicamenter et réduire les symptômes de troubles de santé mentale, c’est humain mais c’est surtout plus courant qu’on ne le pense.
Et notamment dans le cadre de troubles anxieux et dépressifs, qui touchent de nombreuses personnes. En France, en 2021, Santé publique France estimait ainsi que 12,5% des 18-85 ans présentaient des symptômes de troubles anxieux. Un chiffre qui atteint 25% chez les adolescent·es, d’après IPSOS. C’est donc un adolescent·e sur quatre qui présente une suspicion de trouble anxieux généralisé.
Et selon l’Inserm, « globalement, de l’ordre de 70 à 80% des personnes qui souffrent de troubles anxieux risquent de développer des symptômes dépressifs ». Chaque année, ces chiffres augmentent, de plus en plus de personnes rapportant souffrir de troubles anxio–dépressifs.
Se réfugier dans les produits
Des troubles qui peuvent considérablement affecter la vie des personnes concernées. Parce que les symptômes de la dépression et de l’anxiété rendent le quotidien difficile, parfois même insurmontable, certains produits apparaissent alors comme un refuge, une évasion, un apaisement.
Depuis plusieurs années, de nombreuses études ont ainsi relaté la prévalence de consommation de substances psychoactives chez les personnes atteintes d’anxiété et de dépression. Selon La Revue médicale suisse, « Le stress aigu ou chronique est un facteur pivot dans plusieurs théories sur la motivation dans le domaine des abus de substances (…) Ceci peut être accompagné par une appétence intense (craving) pour la substance et par une activation physiologique ». Pour l’Inserm, « Le risque d’addictions est augmenté chez les personnes qui souffrent de troubles anxieux, notamment celui d’addiction au tabac ou à l’alcool. Cette association s’explique sur le plan psychologique par la recherche de substances apaisantes, pour contrebalancer les effets de l’anxiété. »
Ainsi, les personnes souffrant de problèmes d’anxiété seraient plus sujettes à consommer et, soulagées par les effets du produit, seraient plus enclines à développer des problèmes d’addiction.
« J’avais toujours besoin de ma seule amie : la kétamine »
Lorsque l’angoisse ou les effets de la dépression deviennent trop présents, qu’on ne trouve pas d’apaisement dans les traitements médicamenteux, qu’on se sent incompris·e par les médecins, les psychiatres, le système de santé classique, certains produits peuvent paraître, de prime abord, miraculeux.
C’est, par exemple, le cas de la kétamine, dont la consommation a explosé et dont les usager·es mentionnent très fréquemment les effets calmants et dissociatifs. « Ça vidait toute peine en moi, toute douleur, tout sentiment, et je cherchais ça. Étant mal, abattu, dépressif et suicidaire, cela m’a « sauvé » pendant un temps. J’en ai pris alors toutes les semaines, tous les deux jours puis tous les jours, et cela pendant quatre ans. J’ai vécu des moments sans mais elle revenait toujours. J’avais toujours besoin de ma seule amie : la kétamine », relate un usager. Une autre raconte : « Tous les matins, la première chose que je souhaite, c’est prendre une trace. Elle soulage ma dépression et m’aide à oublier mes problèmes. »
Des témoignages comme celui-ci, KEPS en a reçu des dizaines. Sur la kétamine, mais pas que. Toutes les substances sont concernées. Comment ne pas penser au cannabis, refuge cotonneux pour tant de personnes angoissées ? À la cocaïne, stimulateur de confiance et d’énergie pour celles qui souffrent d’anxiété sociale ? Et à tous les autres produits qui accompagnent le quotidien de personnes en souffrance ? Mais qui finissent aussi par l’alourdir et parfois, par le rendre encore plus compliqué.
Comprendre pourquoi les gens consomment
Mais alors, comment les aider ? Avant de stigmatiser une consommation, il faut toujours s’interroger : d’où vient-elle ? À quoi sert-elle ? C’est aussi ça, réduire les risques, c’est comprendre pourquoi les gens consomment et, si besoin, les accompagner dans la recherche d’une alternative au produit, de quelque nature qu’elle soit.
Mais c’est aussi notre système de santé et notre approche de l’usage de produits qu’il faut interroger. Pourquoi tant de personnes trouvent-elles refuge dans la drogue alors même que nous sommes censés détenir l’une des médecines les plus performantes du monde ? Pourquoi notre politique de santé publique échoue-t-elle tant dans la réduction des addictions ?
Plus que jamais, nous avons besoin de politiques relatives aux drogues centrées sur la santé mentale de toustes, sur la bienveillance, sur une approche non jugeante et adaptée aux défis relevés par les personnes atteintes de troubles de la santé mentale. Parce qu’isoler une consommation n’a jamais fonctionné, parce que culpabiliser n’a jamais fonctionné, les politiques publiques doivent changer.