
“Je” est de retour, douze ans après ! Exit Canal+ et le format court, un retour surprise dont on n’attendait rien et dont on ressort… le sourire aux lèvres.
Il a quarante ans, vient de se faire larguer, n’a toujours pas de cheveux et surnage dans un milieu où tous ses potes sont plus heureux que lui (en ménage, en famille, épanouis, etc.). Flashback : dans une soirée dans laquelle ils n’avaient tous les deux pas envie d’être, il la rencontre, Elle. Frappadingue, pleine d’énergie portée sur le cul et vivant à mille à l’heure ; il tombe amoureux d’un coup. Hélas, trois mois plus tard, elle le cartonne : elle se fait chier. C’est fini entre eux. Avec ça et la perte de son job, il se retrouve vite dans la configuration turbo loose propice au démarrage de nouvelles péripéties !
Beaucoup de personnages font leur retour (les ami·es, la famille et les ex) et de nouveaux viennent compléter la galerie (le voisin Jean–Jacques, un psy alcoolique et Anna), pour trois heures d’aventures au total.
UNE HISTOIRE TRÈS URBAINE
Facile de s’identifier à ce(s) tendre(s) raté(s). Mais l’histoire racontée est très urbaine avec des préoccupations de grandes villes. S’agit-il d’une histoire aussi universelle que ça, après tout ? Est-ce que dans le Marais Poitevin, le Berry ou les Vosges, le style de vie a quelque chose de commun avec les aventures de Je ? Est-ce que la série va flopper là-bas ? Qui sait ?
« Bref, le fantasme des geek lambda à calvitie qui sort qu’avec des belles meufs dans appart de 100m2 à Paris sans argent XD », commente ainsi quelqu’un dans un article. Difficile de lui donner tort ! Avec son grand appartement à Paris et son embauche dans l’entreprise à papa, le bourgeois gaze (concept emprunté à Frustration Magazine) s’exprime tranquillement !
Néanmoins, si la vie de Je connaît son lot de troubles et de moments difficiles, il trouve du secours chez ses proches et réussit à s’ouvrir et à travailler sur lui pour être une meilleure version de lui-même. C’est mignon, c’est bienvenu – le sujet de la santé mentale devrait être une préoccupation majeure – et même si c’est léger : c’est pertinent.
Voir ce gars (qui galère avec de simples difficultés de communications paternelles et un complexe d’infériorité fraternel) prendre le temps de glow-up est bienvenu et revigorant. On pourrait résumer ça par « il n’y a pas de petites douleurs » (phrase empruntée à la psychologue du film Les chatouilles) et c’est vrai.
Évacuée dès la fin du premier épisode, la cocaïne fait une brève apparition : qu’on en parle dans un divertissement tout public produit par Disney + est-il un signe de sa banalisation ? Évidemment, le personnage concerné sniffe avec des billets… Dommage de passer encore à côté de la promotion de bonnes pratiques, alors que l’usage de drogues (et le sniff donc) concerne de plus en plus de monde !
Le traitement du personnage dépendant à la coke est regrettable : c’est un non sujet. Développer son histoire vis-à-vis de la dépendance aurait pu lui donner une portée supplémentaire et apporter un peu plus de nuances. Le ressort comique du Malacompagnax 3000 (se débarrasser des personnes qui nous vampirisent) à la fin du premier épisode met sur le même plan le comportement abusif de Ben (carrément harcelant) et la dépendance : pas cool.
MORTELLE BANALITÉ
Cette saison prend le temps de déconstruire la première. L’intrigue autour du film Mortelle banalité réalisé par Sarah – l’ex de Je – vient donner un nouveau regard sur la relation amoureuse qu’entretenaient les deux personnages. En gros : Je était quand même un sacré connard (on se rappelle de « Bref. Je m’appelle Eric Dampierre. » au cours duquel il négociait un rapport sexuel avec sa meuf). Pas de révisionnisme ou d’apitoiement en vue, mais on sent que Kyan Khojandi et Bruno Muschio (duo au scénario et à la création des deux saisons) ont fait progresser leur vision du monde et des gens.
Niveau production, c’est assez dingue. Une décennie de développement technologique permet à la série des délires visuels grandiloquents (la lutte contre le cancer, par exemple). Une partie du budget a sûrement dû servir à payer les innombrables influenceurs et youtubeurs qui ratissent large.
Le premier épisode de la saison est disponible en entier gratuitement sur YouTube, le reste est facilement trouvable sur les streamings illégaux si vous ne voulez pas donner de thunes à l’empire Disney (qui commence à reculer sur sa politique de représentation des minorités à l’écran et de lutte contre les stéréotypes dans le droit-fil des remous politiques états-uniens).
Business is business et Tout est politique.